Bonsoir leviathan,
leviathan a écrit:Il faut arrêter un peu là. L'article date de 1992, les problématiques n'était absolument pas les même qu'aujourd'hui, l'échange existait mais pas à si grande échelle.
Leviathan, le piano mécanique et sa possibilité de reproduire la musique avec une simple bande de carton, en se passant des musiciens, a déjà plusieurs siècles (mais quelques uns de moins que l'imprimerie). La requête de leur interdiction formulée par les musiciens américains au près du sénat, et la polémique puis la médiation qui s'en est suivie, a aussi plusieurs siècles.
La diffusion aux quatre vents des oeuvres culturelles et/ou de loisir, via la radio puis la télé, date déjà de près d'un siècle pour l'une et un demi siècle pour l'autre.
Personne n'ignorait, en 1992, que tout cela pouvait être enregistré et copié sur bande magnétique ou sur papier de photocopieuse, par n'importe qui et à peu de frais.
La polémique sur la copie à usage privé sur bande ou papier faisait déjà rage bien avant 1992. Les législateurs ne pouvaient en aucune manière l'ignorer.
Or l'article 122-5 a été rédigé de façon précise et explicite :
- Pour que la copie privée soit autorisé l'oeuvre doit avoir été diffusée (jetée dans la nature via la radio, la télé ou l'édition d'un livre, par exemple)
- La représentation doit être restreinte à un cadre familial.
- La copie doit être destinée à l'usage privé du copieur.
– Aucune restriction n'est posée sur le support, le moyen de copie ou même la provenance de la source copiée, alors que les législateurs savaient que la facilité de la copie posait problème, par principe et de longue date, et faisait déjàpolémique, et que la technologie évoluait à vitesse exponentielle.
La problématique était déjà exactement la même qu'aujourd'hui : l'échange et la copie à grande échelle étant possible et ses enjeux bien connus, fallait-il l'interdire ou l'autoriser ? Et, dans ce dernier cas, sous quelles conditions ?
Ce n'est absolument pas cette facette du problème qui a changé de nature aujourd'hui, et l'ordre de grandeur ne change pas la nature du problème non plus, pas depuis l'avènement de la diffusion hertzienne (et donc de la disponibilité "universelle" de l'objet de convoitise) ; ce sont juste les rapports de force qui sont en train d'exploser : l'industrie du divertissement a pris un poids monstrueux dans notre société (grâce notamment à sa diffusion généralisée et à son libre accès), un pourcentage important du PIB, et elle impose depuis plus d'une décennie des modifications successives du droit lui assurant un contrôle de plus en plus fort sur cet énorme gâteau.
L'article 122-5 a toujours exactement la même signification : faut-il oui ou non autoriser la copie à usage privé dans ce monde marchand ?
Ce tout petit article se permet d'agacer, telle une épine dans le pied, les mastodontes du divertissement.
Il se permet d'affirmer crânement « l'auteur ne peut interdire ».
C'est une hérésie !
Il sera donc "rééduqué" par DADVSI et chuchotera désormais « l'auteur ne peut interdire ... sauf, bien sur, s'il interdit (par l'apposition de DRM) ».
leviathan a écrit:De plus, les auteurs ne choisissent pas d'appliquer la loi, ils sont obligés, c'est une nuance de taille, ils n'ont donc absolument pas choisi librement d'appliquer cette article.
C'est bien vrai, les auteurs ne choisissent ni la loi ni son application, ils ne choisissent pas plus la société dans laquelle ils vivent, ni le niveau de culture de leurs concitoyens, celui là même qui en fait leurs "clients" potentiels.
Moi (nous tous) non plus je ne choisis pas les lois ni leur application, ni la taxe pour copie privée (même pas celle appliquée à des supports utilisés pour tout autre chose, comme graver un CD de Linux ou mes propres données et programmes), ni de subventionner ou financer la culture.
Bien sur que l'on ne choisit pas la société est ses règles.
Ou plutôt si, on la choisit et modèle tous un peu (certains plus que d'autres), on s'y choisit et/ou construit sa vie, les artistes comme les autres.
On accepte les règles et contraintes sociales parce que l'on a besoin de la société, elle nous procure un cadre, des moyens et infrastructures, voir même une clientèle ou un public.
Mais une société, c'est un groupe de gens qui vivent ensemble, en partageant des règles et une culture commune.
La culture est un élément constituant de la société (même la culture des paillettes et du divertissement), ça explique que la société soutienne la culture mais se permette aussi d'avoir des exigences vis à vis d'elle, comme le fait qu'elle soit accessible à tous ses membres, quels que soient leurs moyens financiers.
C'est cette société, avec ses règles, exception pour copie privée comprise, qui a procuré aux artistes et à l'industrie de la culture un écosystème culturel et économique qui leur a permis d'atteindre un tel chiffre d'affaires et un tel poids économique et social.
leviathan a écrit:Il faut arrêter un peu là.
(Je sais bien que ce n'est qu'une expression que je prends exprès au pied de la lettre).
Je ne peux ni ne veux arrêter leviathan. Que j'ai tord ou raison, c'est mon opinion que je défends, pas une opinion de circonstance ou une simple position polémique.
J'avais déjà écrit, dans
ce post, que pour moi, la légitimité du droit d'auteur lui vient précisément de son exception pour copie privée.
A mon avis, sans l'exception pour copie privée, le droit d'auteur est totalement illégitime.
C'est mon opinion, j'ai mis du temps à me la construire, et je ne suis pas près d'arrêter de la défendre.
leviathan a écrit:Le CPI n'encadre pas que les licences commerciales propriétaires mais toutes les licences étant donnée qu'une loi passe au dessus des contrats. Je ne m'intéressais pas aux problématiques du droit d'auteur à cette époque, je ne sais pas dans quel contexte a été voté cet article mais j'ai tout de même un doute sérieux sur le fait qu'il puisse permettre à un plus grand nombre de se cultiver. Il ne faudrait peut-être pas oublier que nous vivons en groupe social, avec une mesure de ce genre, on privilégie encore les plus aisés qui ont plus de chance de connaître quelqu'un ayant les moyen d'acheter un CD ou cassette à l'époque alors que les plus pauvres restant principalement entre eux auront moins de chance de pouvoir partager (vu qu'il en possède forcément moins). Le soutien de médiathèques ou autres bibliothèques me semble plus efficace.
Là j'ai du mal à te suive.
L'article 122-5 du CPI permet (ou du moins permettait au départ) à n'importe qui de réaliser une copie pour son usage privé, sans l'obliger à acheter l'oeuvre copiée ni même à connaître quelqu'un qui ait les moyens de l'acheter.
Alors oui, tout est toujours plus facile pour ceux qui sont aisés et plus dur pour ceux qui sont démunis, mais cet article, tel qu'il était écrit, autorisait effectivement tout le monde à se procurer des produits culturels (tous ceux protégés par droit d'auteur en fait, à quelques exceptions près).
Tout le monde, sans poser de discriminations, en éliminant la discrimination financière justement (qui n'est pas non plus exactement la même chose que le niveau de vie ou niveau social, j'en suis bien conscient).
leviathan a écrit:Je trouve pourtant cela assez simple: ne pas regarder les chaînes de TV généraliste, ne pas écouter les chaînes de radio généraliste. Je ne suis pas encore mort pour avoir fait ça lorsque je ne souhaite pas recevoir tout ce que je rejette. Et il me semble qu'il y en a quelques un sur ce forum qui vive très bien sans TV par exemple.
Je ne vis pas sans télé, je ne vis pas seul, et je suis loin d'être le seul dans ce cas.
Ce n'est pas aussi simple, télé ou pas, la pub est omniprésente et l'éviter (autant que faire se peut) est un véritable choix militant.
On ne peut pas s'attendre à ce que tout le monde milite sur tout, ni même simplement contre la pub.
En tout cas on ne bâtit pas une stratégie de changement de la société sur une telle espérance.
Enfin, c'est juste mon avis là dessus, ce n'est pas très important.
leviathan a écrit:Légitime? non pas pour moi. Il est légitime que l'on puisse se nourrir, avoir un toit mais une légitimité sur l'accès aux loisirs, il ne faut pas pousser mémé dans les orties non plus.
D'accord là dessus, c'est la moindre des légitimités que d'avoir le droit de vivre.
Mais, dans une société, n'est-il pas légitime d'en faire pleinement partie ?
La culture est un constituant essentiel d'une société, n'est-il pas légitime d'y avoir accès ?
Je pense que même la starac et jhonny font partie de notre culture, même si elle ne me plaît pas.
Il ne faudrait pas non plus perdre de vue que le cas qui nous occupe, celui du procès d'Anne-Sophie, est assez caricatural au niveau de la légitimité.
Elle possédait 300 CD (ce qui fait 25 ans à 1 CD par mois, et non 10 comme je l'écrivais précédemment) ce qui représente grosso modo 3000 morceaux.
Elle avait sur son disque moins de 1500 morceaux téléchargés (sur Kazaa je crois).
Combien de ces morceaux téléchargés se trouvaient aussi sur l'un de ses 300 CD ? Un CD qu'elle aurait justement acheté parce qu'un de ses morceaux téléchargés lui avait plu ?
Anne-Sophie a téléchargé 1500 morceaux pour des motivations probablement diverses (découverte, copie privée, plaisir d'échanger, ...) mais certainement pas pour voler quoi que ce soit à qui que ce soit.
De toute évidence, quand Anne-Sophie aime un CD et souhaite le posséder, elle l'achète.
Elle a acheté deux fois plus de musique qu'elle n'en a téléchargé.
Qui peur honnêtement croire qu'elle soit une voleuse ou une pirate ?
Qui peut croire une seconde qu'elle ait fait du tort à l'industrie du disque ?
Ce sont les inconscients qui lui ont fait ce procès, et qui en font ainsi une icône, qui font du tort à l'industrie du disque, et même aux artistes, en saccageant leur image (dont on connaît le prix exorbitant en promotion).
Qui devrait payer des dommages et intérêts à Anne-Sophie, à l'industrie (pas seulement du disque) et aux artistes, sinon les Marc Huez de tout poil ?