Mme la députée, Mr. le député,
Vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement et en particulier le ministère de la culture, essaye d'une manière que je trouve scandaleuse de faire voter une loi sur le droit d'auteur (DADVSI) en minimisant le débat démocratique sur celle-ci.
En effet c'est pendant deux nuits consecutives (22 et 23 décembre) que le gouvernement, sachant que l'hémicycle sera presque vide a la veille de noël, a décidé, en imposant une mesure d'urgence sur cette proposition, de la soumettre à l'assemblée.
Minimisant, par cette mesure d'urgence et le choix des dates, le débat démocratique autour de ce texte de loi, il privilégie ainsi une alliance contre nature avec les grands groupes mondiaux de l'industrie du disque et de la musique à savoir SONY, la SACEM, VIRGIN et bien d'autres, et interdit ainsi au débat public de se structurer sur une question pourtant importante.
Mr. la député, ce texte de loi DADVSI contient des amendements qui sont dangereux en termes de libertés publiques, qui conduiront à restreindre l'accès libre à la culture et au savoir, qui sont contre productifs au regard même des critères de la productivité industrielle, et qui constituent un arrêt de mort pour le monde du logiciel libre.
En effet, ce texte de loi vise à :
* Légitimer les dispositifs techniques de contrôle d'usage et de traçage (mesures techniques) installés par les éditeurs et les producteurs sur les supports numériques (CD, DVD, etc.), dans les logiciels, les matériels électroniques et les fichiers multimédias ;
* Supprimer de facto le droit à la copie privée et restreindre de façon drastique l'utilisation dans un cadre familial ou de fair use ;
* Imposer aux utilisateurs le coût des mesures techniques empêchant la copie privée, tout en conservant la redevance pour copie privée payée sur les supports numériques ;
* Pénaliser la diffusion d'informations techniques permettant de comprendre le fonctionnement des mesures techniques ;
* Pénaliser l'utilisation, le développement et la diffusion de logiciels libres
Graver ses propres compilations à partir d'un CD, extraire son morceau favori pour l'écouter sur son ordinateur, transférer son contenu vers un baladeur MP3, prêter un CD à un ami, lire un DVD avec le logiciel de son choix, programmer, améliorer, utiliser ou diffuser un logiciel libre permettant la lecture d'une oeuvre numérisée, diffuser des textes scientifiques via un logiciel de type Spip (très courant dans le monde universitaire et dans les institutions), autant de pratiques très répandues et parfaitement légales que le gouvernement propose donc de proscrire de fait. Avez-vous songé au coût colossal pour les administrations qui sont actuellement très nombreuses (comme le CNRS par exemple, ou dans l'institution où j'enseigne) à fonctionner grâce à des logiciels libres ? Etes vous conscient du caractère totalement contre-productif de telles mesures ? Plus grave encore, au plan du fonctionnement démocratique, déjà bien mal en point dans notre pays, cette mesure substituera à l'exercice du droit par un magistrat un fonctionnement basé sur un automatisme technique : fondamentalement, c'est l'abdication de son rôle par le législateur au profit d'une technologie maîtrisée par des industriels constitutivement et inévitablement juges et parties, ce qui est inacceptable. Enfin, les mesures répressives envisagées, à savoir 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende en cas d'infraction sont complètement disproportionnées.
En tant que citoyen, en tant que consommateur de musiques commerciales et libres, en tant qu'auteur musicien actif dans le monde du libre, en tant qu'enseignant chercheur travaillant sur la circulation sociale des savoirs et sur la "mise en culture" des sciences, je vous demande de faire entendre votre voix afin de demander au premier ministre de lever la mesure d'urgence concernant ce projet de loi et de permettre ainsi au peuple, à travers ses députés, d'ouvrir un vrai débat démocratique.
Quelques liens informatifs :
http://eucd.info
http://www.musique-libre.org
http://forum.framasoft.org/viewforum.php?f=82
Cordialement.
La réponse du député Anne Marie Comparini :
Monsieur,
Vous avez souhaité me faire part de votre inquiétude face au déroulement de
la discussion du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits
voisins dans la société de l’information, et je vous en remercie.
Bien que je rejoigne les professionnels de ce secteur sur le constat de la
précipitation avec laquelle le gouvernement opère, il est nécessaire de
reconnaître le caractère consensuel de ce projet de loi. De nombreuses
réunions de travail ont été organisées à l’assemblée nationale pour étudier
la spécificité de ces droits.
Son objectif principal est de transposer une directive européenne, dont la
date de transposition est déjà expirée. Il vise également, comme vous le
savez, à renforcer les dispositions contre le piratage, en introduisant des
mesures de protection telles que le brouillage, le cryptage. Et en fin de
compte à mieux protéger le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit
voisin. Une protection bien nécessaire lorsqu’on sait qu’en janvier 2005 on
comptait, par exemple, 870 millions de fichiers musicaux non autorisés
circulants sur Internet, contre 900 millions en janvier 2004 et 1,1 milliard
en avril 2003.
Le contournement de ces dispositifs, mis en place notamment sur les CD ou
DVD, sera assimilé à de la contrefaçon et sanctionné pénalement (jusqu’à 3
ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende). Je reconnais que l’affaire est
délicate car nous devrons veiller à ce que ces protections n’empêchent pas
de bénéficier de l’exception de copie privée ni de celle en faveur des
handicapés. C’est la raison pour laquelle il est prévu de créer un collège
de médiateurs chargé de préserver l’équilibre entre protection des droits d’
auteur et préservation des deux exceptions.
Vous le voyez ce projet de loi ne règle certainement pas l’ensemble des
problèmes liés au droit d’auteur. Cependant les quelques novations
introduites par ce projet de loi bénéficient semble en l’état actuel de la
réflexion sur une « matière » relativement neuve semblent répondre à des
attentes.
Mon collègue Jean DIONIS du SEJOUR, député du Lot-et-Garonne, sera le
porte-parole du Groupe UDF sur la question, il travaillera dans le sens du
consensus en veillant à garantir les droits et libertés de chacun.
Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma considération
distinguée.
Anne-Marie Comparini
Et ma réponse finale :
Merci pour cette réponse. Je tenais cependant à vous rappeler que c'est en tant qu'auteur (de musique, mais aussi de textes scientifiques, livres, articles, rapport et actes de colloques dont un certain nombre publiés en ligne, de sites web éducatifs et/ou de recherche, d'archives scientifiques en ligne) que je vous ai écrit pour vous faire part de ma très vive désaprobation de ce projet de loi qui, loin de faire consensus parmi les acteurs concernés, compétents et bien informés, fait l'unanimité contre lui. En témoigne la forte mobilisation que l'on peut constater sur le web (sites de communautés artistiques, d'informaticiens, etc.), la circulation de pétitions, les prises de position d'acteurs reconnus du monde du logiciel libre, d'associations de consommateurs et d'usagers, etc. Ce mouvement prend de l'ampleur et nous saurons, lors des prochaines élections, tenir compte des positions des actuels députés au moment du vote.
Cordialement.
Je sais pas si ça peut servir, mais on peut tous se tenir au courant des positions de chaque député et les rendre publiques.
+A+
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drÖne
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