il y a quelques points qui se discutent, mais c'est insuffisant pour en conclure que la GPL n'a pas de valeur juridique, qu'elle n'est pas conforme, qu'elle est inapplicable etc. ça veut juste dire qu'en cas de littige, il faudra interpréter le contrat de licence GPL au regard de l'ensemble du droit français applicable.La GNU GPL comporte des stipulations problématiques au regard du droit français :
* non respect des mentions obligatoires prévues à l'article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) qui imposent notamment que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité ;
* présence de clauses d'exonération totale de responsabilité et de garantie à l'égard de tout licencié, non valides au regard de :
o l'article L.132-1 du Code de la consommation qui déclare nulles ces clauses lorsque le licencié est un utilisateur "consommateur" ou non professionnel,
o l'article 1386-15 du Code civil qui interdit ces clauses en cas de dommages causés par la défectuosité d'un logiciel à un consommateur ou non professionnel.
De plus, la GNU GPL, en faisant le choix de ne pas citer le droit auquel elle se réfère, introduit un élément important d'insécurité juridique. Le jugement d'un tribunal de Munich en 2004 a ainsi dû l'interpréter au regard de la loi allemande et n'a pas pu déterminer exactement si certaines clauses étaient valides ou non. CeCILL, par la mention du droit français et le respect des directives et règlements européens, est, de ce point de vue, juridiquement beaucoup plus robuste.
D'un point de vue technique, la définition de Module Interne dans CeCILL apporte une plus grande précision dans les limites de la contamination que dans le cas de la GNU GPL.
Une solution sera trouvée, après on ne peut pas encore savoir si cette solution sera :
- définitive (les évolutions / revirements de jurisprudence existent, surtout pour les problématiques un peu nouvelles)
- satisfaisante (mais ça ça dépend pour qui ...)
pour l'instant il est difficile de se prononcer, ça va dépendre du cas qui posera problème, et de toute manière il faudra attendre quelques années pour que la jurisprudence soit stabilisée.
L'une des clés de la solution sera le taux de diffusion des LL sous GPL dans la société française, et le taux/nature de problèmes juridiques
Voici par exemple quelques éléments de discussion des arguments que tu cites (mes exemples sont aussi complètement discutables) :
1. délimitation des droits cédés :
exact, les contrats de cession de droits d'auteur sont construite en sens inverse : une looongue liste des droits cédés par l'auteur à l'utilisateur, avc le principe que tout ce qui ne figure pas explicitement dans le liste n'est pas cédé. Historiquement, cette règle avait pour objet de protéger les auteurs qui cédaient leurs droits, on considérait que le rapport de force économique et juridique ne leur était pas favorable.
la philosophie de la GPL repose sur un renversement : au lieu de décrire les droits cédés (d'où on déduirait en négatif les droits des utilisateurs), on décrit les droits de l'utilisateur (d'où on déduit en négatif les droits cédés)
Pour le juge, 2 attitudes :
- l'interprétation littérale basique sur le shéma "la loi c'est la loi" = le cession est nulle = les conséquences seront excessives et disproportionnés
- une interprétation plus "contextuelle" = une reconstruction du raisonnement de la GPL et sa validation en considérant que c'est clair et que c'est un texte d'origine 'étrangère'
- il y a bien sûr toujours la possibilité d'une modification de la loi = de l'article du CPI par le parlement
2. l'exonération de responsabilité à l'égard des consommateurs
exact, mais :
- ça ne s'applique qu'en cas de "vente" du logiciel ...
- ... en cas de vente à un consommateur (et cette notion est parfois fluctuante en jurisprudence) ...
- ... en cas de vente par un professionnel
- ... et en cas de défaut du logiciel causant un préjudice direct et quantifiable au consommateur
autant dire qu'on a déjà toute une grosse série de problèmes qui est évacuée directement : pas de vente, pas de consommateur, pas de professionnel
pour les autres cas, on a des mécanismes correcteurs qui peuvent jouer, par exemple les obligations de conseil, d'information et de réalisation des prestations par le professionnel : si la responsabilité n'est pas engagée au titre du LL (le produit vendu et installé), elle peut l'être au titre du service qui va autour (la vente d'un LL correspondant aux besoins / compétences de l'utilisateur, une installation bien faite et des paramétrages tenant compte de la machine et de la manière dont elle est utilisée.
on a également des mécanismes correcteurs qui peuvent jouer, cette fois pour exclure la responsabilité, par exemple la théorie juridique dite "de l'acceptation des risques" : tu savais que le LL/GPL était sans garantie, le service annexe a été correctement effectué = tu assumes.
3. le droit applicable
exact également, mais les règles juridiques de résolution de ce problème existent. La principale difficulté vient de leur application, ce sont des règles assez techniques et qui ne sont pas manipulées tous les jours par tous les juristes. Ceci dit le droit international privé existe justement pour régler ce type de problèmes ...
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Il est également exact que CECILL a été rédigée pour répondre directement à ces petites difficultés. Il est vrai qu'elle a un côté sécurisant pour les chercheurs (et pas que, également pour tous ceux qui souhaitent utiliser ce contrat de mise à disposition de droits)
L'un des arguments des ***anti-CECILL*** (le terme est bien trop fort) est qu'il aurait été plus simple de franciser la GPL plutôt que de faire une nouvelle licence, car c'est cette multiplication des licences assez proches qui est génératrice d'insécurité juridique, prend par exemple le cas d'une diffusion du LL à l'international, où la GPL est plus connue que CECILL.
Bon, maintenant il faut quand mm pas perdre de vue que les licences libres sont un phénomène économique, social et juridique assez nouveau et novateur, qu'ont vit l'époque formidable de l'essuyage des platres, et que dans 5 ou 10 ans tout ça sera tassé.
Pas si simple hein ? le droit est un monde-univers assez complexe, il y a parfois plusieurs variables absolues/relatives à combiner/ajuster/neutraliser avec des constantes relatives/moins relatives
;)
(pour moi la GPL tient globalement la route en droit français, ama faut pas trop se focaliser sur les buissons qui sont devant la forêt)
ps. merci de ce débat. je pense aussi que le droit doit être approprié par tous ceux qui veulent comprendre, et pas réservé aux juristes.
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LS.
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