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Les gauchistes et le logiciel libre

Fil continu d'informations sur tout ce qui touche au libre, aux nouveautés et aux mises à jour majeures de logiciels libres. Merci de présenter toute news qui pointe vers un lien et de ne pas abuser des citations.

Mer 21 Sep, 2005 09:42

On a vu récemment que notre décision de répondre à l'invitation de participer à la Fête de l'Humanité a fait grincer quelques dents (idem chez Ubuntu-fr du reste).

Les petits gars de Libroscope, ils se promènent sur quelques listes de diffusion, sur des sites comme linuxfr et même ici, pour humer l'air du temps et trouver matière à sujet (de préférence non consensuel sinon c'est pas drôle).

Le dernier en date est l'oeuvre d'AntoineP et s'intitule Du libre et du gauchisme : une parenté fallacieuse.

Le malentendu est récurrent, dans les milieux de gauche, sur la nature et la position politique des mouvements du libre (logiciel libre et art libre). Nous tâchons ici de dissiper ce malentendu qui se manifeste par des attentes inconsidérées et, semble-t-il, des déceptions entraînant réactions hostiles et sentiment de trahison.

Pratique ce lien pour couper court à certaines futures discussions sur le sujet. Même si je pense que pour ce qui concerne les monopoles artificiels sur des ressources essentielles, logiciel libre et gauchisme risquent de faire encore un bon bout de chemin ensemble.
aKa

Messages : 7721
Géo : Roma

Mer 21 Sep, 2005 22:53

Ces analyses échouent à comprendre l’essence du libre, qui a fondamentalement trait aux conditions - non pas sociales et économiques comme dans les pensées marxistes, mais simplement éthiques et interhumaines - dans lesquelles sont fabriquées les oeuvres (qu’elles soient d’art, logicielles ou autres).


Si l'on ne peut être qu'en accord avec cette mise au point, notamment celle ci-dessus, je le serai moins sur la séparation effectuée entre conditions sociales et économiques et conditions éthiques et interhumaines. D'ailleurs, qu'est-ce que "interhumaines" sinon du social ? C'est là où le distingo entre mouvements de gauche (que je préfère à gauchisme) et mouvements du libre perd, à mon avis, un peu de sa pertinence. Car s'il est vrai que l'essence du libre est fondamentalement dans le mode de "production" ou de création d'une oeuvre logicielle (cf. la cathédrale et le bazar), c'est bien ce mode ou ces conditions qui rapprochent les mouvements du libre de ceux qui combattent, fustigent, renient, etc., politiquement ou non, celles qui sont à l'oeuvre dans le système capitaliste.

Sdj
Sdj

Messages : 651
Géo : Tours

Mer 21 Sep, 2005 23:38

Sdj a écrit:D'ailleurs, qu'est-ce que "interhumaines" sinon du social ?


Le social tel qu'étudié par la sociologie et pris en compte par les mouvements politiques : un ensemble de traits observés au sein d'un échantillon statistiquement significatif. C'est-à-dire que les singularités (infiniment nombreuses) y sont ignorées en vue de la construction d'un modèle théorique plus ou moins général.

L'interhumain : ce qui se passe entre deux êtres humains, sans seuil statistique. C'est-à-dire que les singularités y ont la part belle (cf. Gombrowicz pour une illustration - et une explication dans le Journal). Or dans l'action au sein du libre, les singularités interhumaines sont déterminantes : car on ne milite pas anonymement et indistinctement dans un mouvement de masse, mais on s'investit dans la création d'une oeuvre particulière. Deux expériences au sein du libre ne sont pas interchangeables, le libre n'est pas un fourmillement ni un bourdonnement d'abeilles laborieuses.

c'est bien ce mode ou ces conditions qui rapprochent les mouvements du libre de ceux qui combattent, fustigent, renient, etc., politiquement ou non, celles qui sont à l'oeuvre dans le système capitaliste.


Moui, bof. La Cathédrale et le Bazar, que tu cites, est écrit par Eric Raymond (qui est, comme tu le sais, un anarcho-capitaliste à droite de la droite) et souvent cité par les partisans de l'"open source" tendance libéral bon teint : ça devrait rendre méfiant sur une assimilation de ce "mode de production" aux mouvements de gauche.

De plus le mode de production en question - tel que théorisé par Raymond et d'autres - tient déjà de la réduction du libre à des caractéristiques sociologiques.
AntoineP

Messages : 1038

Mer 21 Sep, 2005 23:52

Bonjour.
Je suis entièrement d'accord.
"Libre = Libertaire, donc de gauche", c'est aussi faux que "Libre = libéral, donc de droite"
domsau2

Messages : 37

Jeu 22 Sep, 2005 00:00

Je pense aussi que le mouvement du libre est profondément politique et social, au bon sens des deux termes. Il est également et bien évidemment économique, puisque l'économique ne se réduit pas au monétaire et traite de toutes les formes d'échanges.

Social il l'est nécessairement, puisqu'il fonctionne en réseau. Politique aussi, puisqu'il concerne la vie de la cité (polis) et qu'il propose des règles pour certains aspects de celle-ci.

Ceux qui parlent de gauchisme veulent discréditer toute pensée et toute pratique qui ne se moulent pas dans le dogme néolibéral. L'intérêt du libre est qu'il est une pratique très vivante et constructive. Si l'on perçoit le gauchisme comme essentiellement revendicatif, alors oui, le libre est différent, puisqu'il est surtout propositif. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il est transformateur de l'économie, donc un peu révolutionnaire. Au bon sens du terme.
quetzal

Messages : 127
Géo : Paris

Jeu 22 Sep, 2005 00:09

quetzal a écrit:Ceux qui parlent de gauchisme veulent discréditer toute pensée et toute pratique qui ne se moulent pas dans le dogme néolibéral.


Bon, j'ai écrit l'article, je suis de gauche et je ne prête pas au mot "gauchisme" un sens péjoratif.

Si l'on perçoit le gauchisme comme essentiellement revendicatif, alors oui, le libre est différent, puisqu'il est surtout propositif.


Justement, je ne suis pas d'accord (cf. l'article donc). Le libre n'est pas dans la proposition, il ne propose rien : il consiste à faire. C'est une éthique de la création d'oeuvres.
AntoineP

Messages : 1038

Jeu 22 Sep, 2005 00:55

AntoineP a écrit:Le social tel qu'étudié par la sociologie et pris en compte par les mouvements politiques : un ensemble de traits observés au sein d'un échantillon statistiquement significatif. C'est-à-dire que les singularités (infiniment nombreuses) y sont ignorées en vue de la construction d'un modèle théorique plus ou moins général.


Alors, bon, il faut quand même considérer les sociologies. Parce que la définition de la sociologie que tu nous proposes remonte à Durkheim, autant dire très loin. Il existe des sociologies, et dire que l'intersubjectivité n'est pas de la sociologie est une insulte à Goffman, à Isaac Joseph, bref à tout une école de la sociologie dominante aujourd'hui !!! Les traits sociologiques d'un groupe, et la sociologie telle que tu la définies, c'est bon pour un sondage çà ! Et je ne savais pas que les mouvements politiques faisaient de la sociologie. Intéressant, j'aimerais bien discuter avec une personne de ces mouvements politiques qui pratique la sociologie, cela pourrait être amusant.

AntoineP a écrit:L'interhumain : ce qui se passe entre deux êtres humains, sans seuil statistique. C'est-à-dire que les singularités y ont la part belle (cf. Gombrowicz pour une illustration - et une explication dans le Journal). Or dans l'action au sein du libre, les singularités interhumaines sont déterminantes : car on ne milite pas anonymement et indistinctement dans un mouvement de masse, mais on s'investit dans la création d'une oeuvre particulière. Deux expériences au sein du libre ne sont pas interchangeables, le libre n'est pas un fourmillement ni un bourdonnement d'abeilles laborieuses.


L'interhumain n'est alors ni plus ni moins que ce que l'on nomme communément l'intersubjectivité (et tout ce qui fait sa complexité). Donc, c'est hyper-sociologique. D'ailleurs, qu'est-ce qui ne l'est pas dès que l'on considère, comme de plus en plus aujourd'hui dans les sciences sociales, cette espèce de plus petit élément sociologique : l'individu. Bref, les distinctions que tu opères ne valent plus depuis des lustres.

AntoineP a écrit:Moui, bof. La Cathédrale et le Bazar, que tu cites, est écrit par Eric Raymond (qui est, comme tu le sais, un anarcho-capitaliste à droite de la droite) et souvent cité par les partisans de l'"open source" tendance libéral bon teint : ça devrait rendre méfiant sur une assimilation de ce "mode de production" aux mouvements de gauche.


C'est dingue ce qu'on amalgame, parfois. Et amalgamer alors qu'on souhaite distinguer.... Ce n'est pas parce que Raymond est "à la droite de la droite", que ce qu'il écrit à propos des modes de production ou de création ne vaut rien et qu'on doit alors s'empêcher (on, je veux dire beaucoup de monde) de s'en emparer, dans un esprit critique, au-delà des "tendances" de l'auteur. D'ailleurs, le mode de production en question n'est pas nouveau et ce n'est pas Raymond qui en est le précurseur ou le théoricien. Simplement, ce mode de production s'inscrit parfaitement dans une critique du capitalisme. De là à ce qu'il soit assimilé par le capitalisme lui-même (cf. Chiapello et Boltanski : le nouvel esprit du capitalisme), il n'y a... qu'à attendre.

AntoineP a écrit:De plus le mode de production en question - tel que théorisé par Raymond et d'autres - tient déjà de la réduction du libre à des caractéristiques sociologiques.


Si l'on réduit les caractéristiques sociologiques à celles qui prévalaient ou qui prévalent encore aujourd'hui... pour l'INSEE !

Sdj
Sdj

Messages : 651
Géo : Tours

Jeu 22 Sep, 2005 10:51

Sdj a écrit:Et je ne savais pas que les mouvements politiques faisaient de la sociologie.


Je n'ai pas dit cela, relis mon message, merci.

D'ailleurs, qu'est-ce qui ne l'est pas dès que l'on considère, comme de plus en plus aujourd'hui dans les sciences sociales, cette espèce de plus petit élément sociologique : l'individu.


Il reste que cet interhumain, les mouvements politiques ne s'y intéressent pas.

Ce n'est pas parce que Raymond est "à la droite de la droite", que ce qu'il écrit à propos des modes de production ou de création ne vaut rien


Honnêtement, ça t'ennuierait de comprendre les messages auxquels tu réponds ?
Où ai-je dit que les écrits d'Eric Raymond ne valaient rien ? :shock:
Tu bases un paragraphe entier de ton message sur une interprétation gratuite, fallacieuse et méprisante de ce à quoi tu réponds.

Simplement, ce mode de production s'inscrit parfaitement dans une critique du capitalisme.


Ah bon...
AntoineP

Messages : 1038

Jeu 22 Sep, 2005 16:10

AntoineP a écrit:
Sdj a écrit:Et je ne savais pas que les mouvements politiques faisaient de la sociologie.


Je n'ai pas dit cela, relis mon message, merci.

D'ailleurs, qu'est-ce qui ne l'est pas dès que l'on considère, comme de plus en plus aujourd'hui dans les sciences sociales, cette espèce de plus petit élément sociologique : l'individu.


Il reste que cet interhumain, les mouvements politiques ne s'y intéressent pas.

Ce n'est pas parce que Raymond est "à la droite de la droite", que ce qu'il écrit à propos des modes de production ou de création ne vaut rien


Honnêtement, ça t'ennuierait de comprendre les messages auxquels tu réponds ?
Où ai-je dit que les écrits d'Eric Raymond ne valaient rien ? :shock:
Tu bases un paragraphe entier de ton message sur une interprétation gratuite, fallacieuse et méprisante de ce à quoi tu réponds.

Simplement, ce mode de production s'inscrit parfaitement dans une critique du capitalisme.


Ah bon...


Ok pour le premier, je me suis emporté. Autant pour moi. Par contre, pour le reste...
Il faut que tu précises de quels mouvements politiques tu parles quand tu dis qu'aucun ne prend en compte cet "interhumain". Les processus d'individuation et d'individualisation (lesquelles prennent en considération l'alter, bien évidemment (cf. les travaux de P. Ricoeur ou encore ceux de Levinas) tels qu'analysés par M. Foucault, a quand même inspiré une partie, essentiellement à gauche, de ces "mouvements politiques", notamment dans les années 80. Donc, cet "interhumain", il est vrai, n'apparaît peut-être pas comme çà brut de fonderie dans les discours et les programmes politiques. Mais il y est. Un exemple de cette considération dans les pratiques : les conseils de vie locale qui s'organisent aujourd'hui dans certaines villes où, dans la proximité et l'intersubjectivité justement se joue, en partie tout du moins, la question de la légitimation. On est ici dans d'autres modes de fabrication (de la ville ici) qui rappellent étrangement ceux mis en exerguent par les mouvements du libre.

Pour ce qui est de Raymond, si je te lis bien : "Moui, bof. La Cathédrale et le Bazar, que tu cites, est écrit par Eric Raymond (qui est, comme tu le sais, un anarcho-capitaliste à droite de la droite) et souvent cité [qui? quoi?] par les partisans de l'"open source" tendance libéral bon teint : ça devrait rendre méfiant sur une assimilation de ce "mode de production" aux mouvements de gauche." Que dois-je comprendre alors ? Mon interprétation n'était nullement fallacieuse et aucunement méprisante, mais elle était bien gratuite. Faut arrêter de délirer. Si je me suis trompé, tu peux m'expliquer ou préciser la citation que j'emploie vu que celle-ci est sujette à interprétation sans pour cela user d'un vocabulaire... décalé.

Pour ce qui est de la critique du capitalisme : bah oui, justement, on a là un argument de poids. Le problème de ce mode de "production" ou de fabrication ou de création est sa possible assimilation au système capitaliste qui trouverait ici des valeurs sur lesquelles se redynamiser. C'est toute l'histoire du capitalisme, notamment dans ses pages les plus récentes : sa capacité d'absorption de la critique, du grand art dans le real-managment. Tiens, quelques thèmes assez novateurs dans les manuels théoriques actuels du management : le savoir-partagé (à comprendre dans les deux sens du terme) ou encore l'éthique en affaires, la "coopétition" (coopération et compétition), etc. Peut-être que, une nouvelle fois encore, le politique arrive avec 10 ans de retard pour développer des alternatives au système capitaliste, autres que celles datant de la fin du 19ème. Et peut-être que, aussi, si les mouvements du libre étaient politiques (moi, je pense qu'lls le sont fondamentalement) ou s'affichaient politiquement et de manière explicite, alors la construction d'alternatives serait (note le conditionnel) peut-être plus... allez, j'arrête là mes illusions.

Bien à toi

Sdj
Sdj

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