Ven 02 Sep, 2005 19:52
À la question : « est-ce bien légal ? », la réponse est : oui, parfaitement.
L'auteur d'une oeuvre, s'il choisit de diffuser cette oeuvre via un contrat de diffusion passé avec l'utilisateur (ce qu'on appelle une licence) et qui fixe les usages que cet utilisateur peut faire de l'oeuvre, ne "condamne" pas cette oeuvre à être diffuser sous ce régime a perpétuité.
Si en 2004 l'artiste distribue son album en CC, il peut choisir en 2005 de ne plus le faire. Il pouvait également, en 2004 comme en 2005, le distribuer selon un autre régime (droit d'auteur strict, par exemple).
Prenez le livre Du Bon usage de la piraterie de Florent Latrive. Les diverses versions distribuées via son site sont sous Creative Commons by-nc-sa, qui autorisent la rediffusion, les modifications, etc. Par contre, le livre (papier) publié par Éxils Éditeurs est sous le régime du droit d'auteur strict. Il est donc interdit de le copier (photocopie) pour un usage autre que privé, même non commercial. Théoriquement, il est interdit de faire 30 photocopies d'une page pour les distribuer à une classe. Par contre, il est parfaitement autorisé de récupérer une version sous CC (techniquement, il s'agit essentiellement de versions numériques) et d'imprimer 30 fois un extrait issu d'une de ces versions.
Que se passe-t-il si un artiste "retire" son oeuvre en CC ?
La version distribuée selon le nouveau régime de droits (autre licence, droit d'auteur strict) n'est utilisable QUE selon les conditions de ce nouveau régime. Donc, interdit de rediffuser les albums de Rob Costlow qui viendront du catalogue du label avec lequel il a signé.
Par contre : les personnes qui détiennent les versions distribuées sous CC (comme moi, par exemple) peuvent reprendre la diffusion, toujours sous CC.
Au final :
- théoriquement, la décision de distribuer une oeuvre sous licence de libre diffusion est non annulable !
- mais rien n'oblige l'auteur à continuer la diffusion lui-même, de même que rien n'empêche la diffusion selon un autre régime de droits...
Le choix d'une licence de libre diffusion n'est donc ni un "abandon" de l'oeuvre par l'auteur, ni une "option" sympa" et temporaire.
PS: un auteur, s'il veut commercialiser (via un éditeur le plus souvent) une oeuvre préalablement diffusée sous licence CC ou LAL, serait bien inspiré d'ajouter à la plus-value de support (un support matériel, comme un CD avec une belle pochette, c'est toujours sympa - enfin... moi j'aime bien) une plus-value de contenu.
Pour un album : un ou deux morceaux inédits, ou alors un enregistrement de meilleur qualité si celui d'origine laissait à désirer, ou de nouveaux arrangements, voire tout ça à la fois !
Pour un essai : beaucoup de livres peuvent avoir besoin d'être complétés, actualisés, préfacés, etc.
Pour un roman : soyons fous, une ré-écriture ! Pour des nouvelles, c'est plus simple : rien que le fait de les compiler en un recueil donne une certaine plus value, mais rien n'empêche d'en retravailler certaines dont on n'était pas tout à fait satisfait, ou d'en ajouter une/des inédite(s).
Tout ça, ça n'est en rien une obligation légale, mais ça peut être un plus économiquement parlant.
PPS: Je suis assez content de pas avoir trop lu de « Ah l'argent c'est mal ! »... je suis persuadé qu'une bonne partie des gens qui mettent leur musique sur Jamendo signeraient volontier un contrat décent si celui-ci pouvait leur apporter un revenu non négligeable. Dans la foulée, je précise qu'à mes yeux l'important ce n'est pas la gratuité - et pas même forcément la liberté lorsqu'il s'agit d'oeuvres artistiques et non d'outils et de savoirs - mais :
1/ la possibilité pour l'artiste d'atteindre un public (si possible à la hauteur de son talent) sans pour autant signer un mauvais contrat.
2/ la possibilité pour le public d'avoir accès à des oeuvres diversifiées dans un paysage culturel varié et non "standardisé".