jz a écrit:Tartiflou a écrit:L'application des lois DADVSI et LCEN a en effet montré que tout ceci n'était que paranoïa, merci de le reconnaître.
Que peux-tu nous dire de l'application de la loi DADVSI ? Quelle jurisprudence peux-tu citer ? A part que des pays sont en train de s'inspirer des amendements "interop" votés à l'unanimité dans notre Assemblée, puis rejetés sous la pression des industriels, je ne vois pas grand chose...
Pour le dadvsi, c'est peut-être un peu tôt. par contre on a un peu plus de recul sur la len.
tout était basé sur un adverbe : manifestement.
au début de la len, Dionis(à l'époque jeune débutant) avait affirmé à la ligue sa volonté de voir restreindre l'engagement de responsabilité des hébergeurs à un noyau dur de cas (xénophobie, incitation à la haine raciale, etc. voir d'ailleurs l'avis du cc à la fin de la len)
même avec une telle réserve, il s'est justement trouvé un cas, pas de bol, le cas bien extrême : négationisme. et pas de la part de n'importe qui... le consul de turquie...
du coup wanadoo s'est retrouvée poursuivie pour ne pas avoir censuré ledit consul.
or donc, manifestement, wanadoo aurait dû juger que manifestement il fallait censurer...
total : des bataillons d'avocats spécialisés sont mobilisés , on s'aperçoit de la non compétence du tribunal au regard du droit international... et in fine, wanadoo est innocentée.
d'où la conclusion de l'époque : manifestement ne veut manifestement rien dire....
si donc même dans un cas aussi extrême le juge se retrouve devant tant de difficultés, tout un chacun peut comprendre que juger -en particulier en ce qui concerne la liberté d'expression- n'est pas chose aisée.
d'ailleurs, il semblerait même que ce soit pour ça que dans les démocraties, il y ait des lois, une justice, et des juges.
les industries culturelles ont voulu balayer tout cela uniquement pour imposer aux intermédiaires techniques de couper le sifflet aux "pirates". le fait, notoire, a été dénoncé à l'époque à l'assemblée. Il avait été noté à l'époque les hurlements de cocker du snep à la suite de la décision du cc, cf zdnet :
Après la décision rendue sur la LCEN, le dirigeant du syndicat représentant les majors du disque, Hervé Rony, persiste à dire que la présence illégale de contenus musicaux en ligne revêt un caractère «manifestement illicite». Contre l’avis du Conseil.[...]Un procédé très contestable, d'après Hervé Rony: «Ce qui m'a sidéré c'est la conférence de presse du secrétaire général du Conseil constitutionnel, qui a dit que "manifestement" ne s'appliquait pas forcément à tous les propos racistes!.. Ravi de savoir qu'on peut être "un peu" raciste!... Dans ces conditions, la marge d'interprétation reste donc large.»
http://www.zdnet.fr/actualites/internet ... 926,00.htm je n'ai pas le temps de retrouver toutes les sources, mais l'article de sandrine rouja sur juriscom vaut le détour :
http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=577il est aussi intéressant de noter le point de vue de lionnel thoumyre, qui n'est pas tout à fait la première bille venue en la matière, dans l'article de rsf:
Selon Lionel Thoumyre, chargé de mission pour le Forum des droits sur l’Internet - un organisme consultatif français composé de personnes morales publiques et privées -, l’interprétation de la notion de "manifestement illicite" doit se faire "in concreto", c’est-à-dire en fonction des connaissances juridiques que l’on peut attendre d’un hébergeur. En se référant à ce type d’interprétation, il aurait été ainsi plus facile de prouver que l’hébergeur, qui ne peut être considéré comme un expert en droit international, n’était pas responsable dans cette affaire.
cf
http://www.rsf.org/article.php3?id_article=11863
voilà qui nous amène directement à un bon gros chantier, commandé par raffarin : celui de la codification du droit de la communication
(notons au passage que tous les textes touchant à la comm sont concernés, y compris la loi de 81. autant dire que la presse est en train de découvrir ce que lobbying veut dire, et hurle à la dissolution de la loi de 81 dans un futur code de la communication)
il me semble justement qu'en présentant ce projet de codification, le conseil d'état a mis en avant une justification première, à valeur constitutionnelle : celle de l'intelligibilité du droit, qui doit être compréhensible par tous.
et là, il y a de quoi se marrer longuement : pour ceux qui ont suivi de près la gestation de la len et celle du dadvsi, il est évident que même la majorité des parlementaires ne comprennent pas ce qu'ils ont voté, et qui a été écrit par d'autres. Le sage Ralite l'a d'ailleurs dénoncé publiquement en séance : cela restera dans les mémoires. J'ai aussi souvenir d'un rapporteur au moment de la len qui a été infoutu de m'expliquer son amendement, ou encore de devedjian obligé de reconnaître que le texte de la len était imparfait et qu'il allait falloir y revenir (après que je lui ai expliqué que le travail avait été mal fait, et que les acteurs n'étaient même pas clairement définis. comment un acteur peut il respecter une loi s'il ne sait même pas s'il est concerné par telle ou telle partie du texte? et si en plus le législateur ne le sait même pas lui-même!?).
alors pour l'intelligibilité de la loi.... (certains ont pu estimer un peu rapidement que d'exiger des parlementaires qu'ils comprennent toutes les lois qu'ils votent était "poujadiste". sans doute devraient ils réviser la constitution).
c'est vrai que de passer par d'autres voies, en créant des commissions zabidule qui créent elles-mêmes leurs propres règles, ça évite le problème. ou ça le déplace.....
mais bon, pourquoi s'emmerder avec une loi et des juges....
ça me rappelle une anecdote : au début de la len, je demande à un député (dont je tairai le nom par pure charité) quel peut donc être l'intérêt d'engager la responsabilité des intermédiaires techniques. et celui-ci du tact au tac (sans réfléchir donc, ce que je lui accorde) de répondre : "pour aller vite, et pour ne pas encombrer les tribunaux". et moi de lui traduire : "donc, en bon français, vous voulez créer une justice privée et expéditive?"
c'est balot, hein?