Nous sommes le Sam 21 Juin, 2025 15:32
Supprimer les cookies

beauté de l'exacte adéquation fonctionnelle

Quand l'esprit du libre pénètre le domaine culturel...

Dim 05 Nov, 2006 01:39

De quoi expliquer l'exaltation esthétique qu'éprouvent les programmeurs passionnés ; l'esthétique surgissant de l'intransigeance créatrice dans la recherche de l'adéquation absolue à la fonction.

La fonction, en effet, à laquelle il s'agit de coller, n'est jamais mieux définie que du point de vue de l'ensemble technique dans lequel l'élément a une plage assignée. Il y a, dans le fonctionnel comme valeur, l'idée d'une épuration, d'une correction, d'un perfectionnement par dépouillement du superflu. La norme faite objet, réalisée en lui, l'objet devenant adéquat à son concept. Plénitude et perfection (l'objet est tout ce qu'il doit être et n'est rien que ce qu'il doit être), renoncement et ascèse, discipline. C'est par là que le fonctionnel accède à une valorisation esthétique. Le fonctionnel est alors une catégorie marquée par la lisibilité de la fonction sur et dans l'objet. Le Corbusier disait que la maison est une « machine à habiter ». Le fuselage des avions, la carène des navires obtenus par de savants calculs, sont des formes où se montre la finalité de l'artefact, où s'affiche et s'indexe la réussite. C'est par là que ces formes sont belles.


(Jean-Pierre Séris, La Technique)
AntoineP

Messages : 1038

Dim 05 Nov, 2006 20:42

AntoineP doit être tombé amoureux.
C'est ma seule explication ;-)

Mais c'est effectivement intéressant.
Ce qui explique aussi l'obsession des développeurs pour le "code propre".

L'art contemporain devrait s'en inspirer plutôt qu'ériger le concept en dogme et laisser le fonctionnel n'apparaître que par accident.
aKa

Messages : 7721
Géo : Roma

Dim 05 Nov, 2006 21:34

aKa a écrit:Ce qui explique aussi l'obsession des développeurs pour le "code propre".
Ah ?!? On ne vit pas dans le même monde alors.
Attentyon, ponaytte maychante !
Téthis

Avatar de l’utilisateur
Messages : 3895
Géo : De passage chez les cathares

Lun 06 Nov, 2006 10:37

Enfin bon... en partant du "fonctionnel comme valeur", l'adéquation exacte est forcément le plus haut rang de cette valeur..; l'extrait est peut-etre un peu court pour représenter l'idée complète, parce que c'est un peu vite fait comme raccourci :/

A coté de ça, il y aurait à discuter le fait que le fonctionnel fasse art (une voie qui a été suivie un temps seulement, choisir le corbusier comme référence sur le plan artistique, c'est justement très fonctionnaliste mais un peu court), et le fait aussi qu'il existe des codeurs, artistes, dont le jeu est de travailler -aussi- avec les bugs produits, qui rendent la machine partiellement "autonome" (c'est pas exactement le mot, mais je me lève juste, pas taper). Je vois déjà plus d'art ici, que chez les codeurs décrits plus haut...

J'ai l'impression qu'on retombe sur le dilemme artiste/artisan en fait :P
Sans cohérence, l'intelligence n'est rien.
Sythuzuma-Ka

Messages : 1730

Lun 06 Nov, 2006 22:25

Sythuzuma-Ka a écrit:Enfin bon... en partant du "fonctionnel comme valeur", l'adéquation exacte est forcément le plus haut rang de cette valeur..; l'extrait est peut-etre un peu court pour représenter l'idée complète, parce que c'est un peu vite fait comme raccourci :/


Le titre est de moi, effectivement "adéquation exacte" est un peu grossier. Par ailleurs ce n'est pas l'adéquation elle-même qui crée la beauté dans la technique, c'est la visibilité de la démarche de l'auteur (zut, du technicien) dans la forme de l'objet créé.

A coté de ça, il y aurait à discuter le fait que le fonctionnel fasse art (une voie qui a été suivie un temps seulement, choisir le corbusier comme référence sur le plan artistique, c'est justement très fonctionnaliste mais un peu court),


Hum, le propos n'est pas aussi maximaliste, l'auteur cherche plutôt à retrouver les passerelles qui selon lui existent entre art et technique, mais sans prétendre que l'art doive être (ou soit) fonctionnel ni la technique artistique. Et une de ces passerelles passe par l'esthétique.

et le fait aussi qu'il existe des codeurs, artistes, dont le jeu est de travailler -aussi- avec les bugs produits, qui rendent la machine partiellement "autonome" (c'est pas exactement le mot, mais je me lève juste, pas taper). Je vois déjà plus d'art ici, que chez les codeurs décrits plus haut...


Mais justement ce genre d'expérimentations est ignorer la beauté de la technique quand elle fonctionne (parce qu'elle fonctionne).

Dans le même ordre d'idées, je déteste les concours de "code obfusqué" ou "code artistique", car c'est aller chercher la beauté là où elle n'est pas (présenter du code comme artistique parce qu'il est indenté de façon originale, c'est un peu présenter une peinture comme musicale parce que l'artiste a peint des notes de musique... (ou penser qu'un film pictural est un film qui montre des peintures dans un musée)), et l'ignorer là où elle est.

J'ai l'impression qu'on retombe sur le dilemme artiste/artisan en fait :P


Non c'est pas du tout ça. D'ailleurs Séris n'est pas très tendre avec l'artisanat, qu'il assimile aux métiers désuets qui survivent aux crochets de l'industrie touristique : « l'artisanat, le fait main, si maladroit et rustique qu'il soit (les abominations qu'on essaie de nous vendre sur la route de nos vacances). La maladresse devient ainsi valeur, par la garantie qu'elle procure de n'avoir pas affaire à un produit manufacturé. »
Et plus loin : « Le fonctionnel procure une valorisation bien plus authentique. L'adéquation fonctionnelle des parties au tout, et du tout à la finalité utilitaire, clairement avouée, sobrement réalisée, par l'industrie moderne met celle-ci en relation avec le polisseur d'os de renne, ou l'artisan africain, sans faire appel à un travail manuel improvisé, par commun refus de l'hypocrisie et de la surcharge simulatrice. »
(le fait qu'il mentionne dans un rôle positif l'artisan africain peut surprendre après ce qu'on a lu plus haut, mais c'est justement parce que l'artisan africain est (ou était encore récemment) acteur à part entière du système technique de son pays, donc que sa tâche est techniquement justifiée, ce qui n'est pas le cas de l'artisan-fabricateur occidental dont l'existence relève du kitsch et de la nostalgie)
AntoineP

Messages : 1038

Mar 07 Nov, 2006 10:40

Hum, ok ok merci pour tous ces éclairages.
A ce moment là, c'est clairement de la cohérence que Seris fait l'éloge en art (le contre-exemple de l'artisan africain est un bon exemple), et ca me parait déjà bien plus solide :)
J'aurais bien envie de pousser bien plus loin la discussion, mais j'ai peu de temps pour me documenter :/ par contre j'essaierai de rediriger des intéressés sur ce fil, c'est un point que j'aimerais voir éclaircir justement - malgré le fait que j'adhère à la cohérence entre l'action et la finalité, pour ce qui est de l'art j'ai le sentiment qu'il manque encore quelque chose...
Sans cohérence, l'intelligence n'est rien.
Sythuzuma-Ka

Messages : 1730

Mar 07 Nov, 2006 17:52

je voudrais bien voir ton Monsieur Séris faire restaurer un meuble ancien chez IKEA .... vas faire restaurer un monument par Bouygue....Un artisan peut faire autre chose que de la babiole, certains travaillent des matériaux très inovants, certe en petite series mais sans pour autant faire de la camelotte comme tu le sous entends.
wiko

Messages : 728

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit