Suites de la DADVSI : les industriels se gaussent ou se fâchent Lundi 03 juillet 2006
Après le vote définitif de la loi DADVSI, dont le texte et la procédure seront bientôt examinés à la loupe par le Conseil Constitutionnel, les commentaires, les angoisses, voire les invectives se multiplient. Ce qui montre, une fois de plus, que rien n’est réglé dans cette histoire…
Parmi les plus remontés : les industriels nord-américains de la « high-tech » qui à longueur d’émissions, de billets dans les journaux et de prises de position en tous genres critiquent vertement la loi française et ceux qui l’ont inspiré. Pour eux, cette loi illustre « la complète indifférence de la France à l'égard de la propriété intellectuelle ». Pour d’autres, elle illustre « l’amateurisme avec lequel a été mis au point ce projet de loi et le manque de réflexion et de concertation qui l’a entouré ». Très suivi de l’autre côté de l’Atlantique, notamment par les équipes d’Apple, très remontées contre l’obligation faite par la loi d’ouvrir sa plate-forme iTunes Music Store aux concurrents pour assurer l’interopérabilité, le projet de loi était un « mauvais projet de loi » - dit ce cadre d’Apple – et l’interopérabilité n’a été ajoutée que pour s’assurer le votre de nombre de députés UMP très sceptiques tant sur la forme que sur le fond… Selon l'association Americans for Technology Leadership (ATL), la nouvelle loi française « forçant Apple à ouvrir iTunes aux appareils (baladeurs) de ses rivaux est une attaque sur les droits de propriété intellectuelle non seulement d'Apple mais de toutes les entreprises ». L’association ajoute : « Même si la version finale est légèrement moins sévère que le projet de loi précédent, cela continue d'illustrer la complète indifférence de la France à l'égard de la propriété intellectuelle ». Un autre reproche majeur est adressé au texte de la part d’acteurs fidèles à l’économie de marchés (et non de vulgaires « marxistes », comme ont pu être baptisés les tenants du logiciel libre par le rapporteur à l’Assemblée Nationale Christian Vanneste à l’occasion d’un colloque organisé peu de temps avant l’examen de la loi…) : il « casse le cycle de l'innovation qui bénéficie aux consommateurs ».
Dans la Silicon Valley, les noms d’oiseaux pleuvent !
En direct de la Silicon Valley, le site Siliconvalley.com et l’un de ses blogs titrent « Liberté, Egalité, Interopérabilité » (
http://blogs.siliconvalley.com/gmsv/200 ... it_in.html) et commente les réactions particulièrement vives chez Apple à Cuppertino dans ces termes : « Apple a officiellement un petit problème français. Les députés à Paris viennent d’approuver finalement la loi qui leur était soumise par le gouvernement et qui exige des fournisseurs d’appareils numériques et autres plateformes de téléchargements qu’ils partagent leurs technologies ce qui permettrait à n’importe quel rival des dits fournisseurs ou plateformes de proposer une offre compatible avec leurs lecteurs ou leur site de téléchargement. Dans cette affaire Apple est isolé et c’est lui qui a le plus à perdre de toute initiative en la matière avec pour conséquence l’obligation faite aux iPods et iTunes Music Store d’accueillir avec le sourire leurs plus féroces concurrents dans la place. Une hypothèse qui fait resurgir le spectre d’un retrait pur et simple d’Apple de l’hexagone(ndlr : voir « Plus jamais une chanson de Johnny sur iTunes » du 22 mars dernier). Bien qu’une volée de « connards ! » ait retenti sur le campus de Cupertino à l’heure même où les députés français validaient la DADVSI, Apple n'a offert aucun commentaire officiel immédiat sur ce qu'il avait précédemment appelé une étape vers ‘une culture commanditée par l’état de la piraterie’.
Mais à Paris, l’ARP, la SACD et le SEV se félicitent
L'Arp (Société civile des Auteurs réalisateurs producteurs) et la SACD (Société des auteurs-compositeurs dramatiques) ont accueilli « avec satisfaction et soulagement » le vote définitif du projet de loi sur le droit d'auteur. Dans leur communiqué commun, les deux organisations disent se réjouir notamment « que ce texte soit parvenu à adapter le droit d'auteur à l'ère numérique tout en maintenant les principes fondamentaux de la propriété intellectuelle ». « L'économie générale du texte est fidèle à la philosophie de la directive européenne, en reconnaissant la validité et la nécessité de protéger le droit d'auteur dans l'univers numérique, et à la volonté exprimée par le gouvernement comme par de nombreux parlementaires d'adapter l'échelle des peines à la gravité des actes de contrefaçon et de promouvoir les principes d'interopérabilité et de rémunération pour copie privée ». Pour eux, le texte « sécurise et consolide les bases du développement d'une offre légale de vidéo à la demande aussi attractive que diversifiée » (au mot près ce que répète depuis des semaines, avec la foi du charbonnier, Renaud Donnedieu de Vabres… Il y a donc, pour le moins, perméabilité de leurs arguments, travaillés il est vrai de concert).
Pour sa part, le Syndicat de l'édition vidéo (SEV) s'est également déclaré « satisfait » de ce vote dans un communiqué et s’est félicité que « la spécificité du DVD, notamment son rôle significatif dans le financement du cinéma, ait été reconnue et que le champ de l'exception pour copie privée n'ait pas été immodérément et dangereusement étendu » (on peut même dire que la commission qui doit décider du nombre de copies de sécurité susceptibles d’être créés peut très bien décider purement et simplement que ce droit n’existe plus, ainsi que la dernière jurisprudence en date semble le faire accroire... Mais, pas 100% satisfait, le SEV dit déplorer en revanche « que le dispositif de lutte contre la contrefaçon numérique ne semble pas offrir assez de garanties d'efficacité ».