Je ne critique pas Dana sur le fait qu'il bosse ou pas, mais sur son défaitisme.
juste une remarque qui me vient.
Je me souviens avoir lu sur un forum une critique d'une lectrice ultra énervée par le dernier Houellebecq (que tu as peut-être lu, mais on pourrait en dire autant de tous les bouquins de houellebecq). Elle disait : mais comment peut-on écrire un truc pareil, complètement défaitiste, hyper pessimiste, c'est insupportable un tel cynisme, une telle absence d'espoir, et elle continuait en l'insultant copieusement etc..
Là dessus un mec répond à son message sur le même forum et lui dit en substance : "je suis tout à fait d'accord avec vous. Et les raisons pour lesquelles vous détestez ce livre sont précisément les raisons pour lesquelles je l'aime."
Tu sais il fut un temps où ce genre de défaitisme était la règle : les années 50 par exemple, Camus, Cioran, Sartre, on peut pas dire que c'était des gais lurons.
Je crois qu'il y a des gens dont la vertu est de donner de l'espoir, d'attiser le souffle de la liberté, et d'autres dont la vertu serait plutôt un certain cynisme, la capacité à faire des piqures de rappel en quelque sorte, des ironistes comme dirait Rorty.
J'ai besoin comme tout un chacun je pense, de m'accrocher de temps en temps à un peu d'espoir - et par exemple je vais le chercher chez des penseurs comme armantya sen ou dans le projet d'une informatique libre (d'une certaine manière, ma petite distro ubuntu est une preuve que c'est possible) -, mais je ne suis pas très doué pour diffuser moi-même des lueurs d'espérance. J'en suis désolé, sincèrement.
Et puis, il suffit de regarder en soi-même : il y a bien des périodes de la vie où l'on se sent plutôt cynique et d'autres où l'on a besoin d'espérance. C'est humain non ? Il y a des périodes où on se sent capable de lutter, y compris au sein du système (par exemple en exerçant un emploi), d'autres, où on baisse les bras devant une tâche qui dépasse nos capacités psychiques (ce qu'on est en mesure de supporter).
Est-ce qu'on peut dire qu'on sera toujours capable de lutter ?
Pendant 15 ans j'ai travaillé (en étant salarié), j'ai été prof, chercheur, formateur dans l'illettrisme auprès d'adultes dans une grand dénuement social, "animateur emploi" dans des "cités" (mais aussi ouvrier à la chaîne distributeur de prospectus, pigiste dans un quotidien local). Je crois que j'ai fait ma part. sans compter les années passées à inventer de nouvelles formes de diffusion de la musique avec la label another record, et des tas d'autres trucs (organiser des colloques de philosophie et d'art "pour tous", etc..)
Bref, je pense avoir fait ma part.
Quand j'avais 20 ans (en 1988) si on m'avait dit qu'on aurait en l'an 2005 le gouvernement que l'on a , la régression politique qu'on doit supporter, je ne sais pas si j'aurais eu le courage et l'espoir pour faire tout ça.
Maintenant, je renonce, je m'adonne à ma propre jouissance. Il existe une chose tele que le rmi ? tant mieux. ça me permet d'éviter la rue (et encore..)
Et faut qu'on évite de raconter trop de bétises sur le rmi (il y a un très bon dossier dans alternatives économiques de décembre 2005 intitulé "vivre au rmi") : moi je touche le max : 395 euros de rmi, + 205 euros d'allocations logements (parce que je paye un loyer). A cela on doit ajouter la CMU (couverture maladie universelle) qui m'a permis de me faire refaire les dents par exemple et de payer mon psychiatre
quand tu as un loyer de 350 euros (ce n'est pas très cher parce que je vis dans un département pauvre, mais isolé, donc il me faut une voiture : du coup ça fait des frais considérables), + 80 euros d'electricité par mois l'hiver quand il faut chauffer par moins 15 degrés, tu vois ce qui reste...
la réalité c'est que la plupart des rmistes fraudent ou habitent chez des amis ou de la famille, ou en squat, ou se démerdent avec l'aide de leurs proches ou lerus économies (s'il leur en reste).
Certains le vivent très mal, d'autres mieux (par exemple vslash ou moi) : mais faut reconnaître que c'est quand même pas tous les jours dimanche : hier soir pour noel, on a mangé pour 5 euros avec ma cops, et bu pour autant (vive le hard discount) et on est impatient de retourner au liddle demain pour récupérer les restes qui n'auront pas été acheté par les réveillonistes. Je ne m'en plains pas et je trouve ça plutôt amusant. Maids est-ce que tous ceux qui crachent sur les rmistes, les considérant comme des nantis (ce qui n'est pas ton cas !! mais tu comprends bien qu'il peut y avoir des malentendus dans l'ambiance actuelle), serait capable de se plier à cette discipline de vie ?
Vslash trouve son plaisir sur son bateau, moi dans mes montagnes à crapahuter toute la journée, un autre à bouquiner, un autre à trafiquer son ordi, un autre à elever ses bouts de chous.. bon..
mais pour beaucoup, c'est l'horreur d'une vie où leurs désirs ne seront jamais comblés.
Mon défaitisme est donc avant tout un cynisme, une provocation (mais pas spécialement destinée à toi en fait).
Mais il s'agit surtout de se demander pour soi-même, ce qu'on est prêt à supporter d'une part, et où est-ce qu'on cherche sa jouissance. Les jouissances qu'on peut s'autoriser avec le rmi sont simples et peu couteuses, forcément.
Enfin bref.
je te souhaite le meilleur pour l'année qui vient, sincèrement, et je nous souhaite le meilleur, ou plutôt le moins pire vu comment c'est parti.
et vive les antilles et aussi tant qu'on y est les ex-colonies (ça c'est pour monsieur vanneste)
