dejepe a écrit:La jurisprudence constante, de la cour de Justice des Communautés européennes, reconnaît la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux y compris constitutionnels.
En France la Cour de Cassation c'est rendu à cette position depuis 1975 et son arrêt "Jacques Vabres".
Tu vas un peu vite en besogne.
La Cour de cassation reprend la formule de la CJCE, à savoir que le traité de Rome du 25 mars 1957 institue un ordre juridique propre intégré à celui des Etats membres, mais la fait précéder de cette précision quant à la portée de sa décision : "le Traité du 25 mars 1957, qui, en vertu de l'article susvisé de la Constitution, a une autorité supérieure à celle des lois".
C'est donc la supériorité du droit communautaire sur la loi, et non sur la Constitution, que reconnaît la Cour de cassation. Et pour cause : la supériorité du droit communautaire sur la Constitution n'était pas la question posée, elle n'a donc pas statué ultra petita (=au delà de la demande qui lui est soumise).
Cette précision étant faite, je te rejoins sur la non pertinence des arguments présentés sur cette page dénonçant l'inconstitutionnalité du projet de loi.
@birin :
Ce n'est pas si noir, le droit d'origine communautaire n'échappe pas à tout contrôle.
La décision que cite dejepe (décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2004 relative à la loi pour la confiance dans l'économie numérique) indique en effet dans son 7ème considérant :
"7. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle".
En clair, cela signifie que depuis l'insertion de cet article 88-1 dans la Constitution, l'intégration communautaire est désormais constitutionnalisée. C'est donc sur le fondement de cet article que le Conseil relève "une exigence constitutionnelle" à transposer en droit interne une directive communautaire, afin d'assurer cette intégration communautaire.
Cependant, il y a trois précisions à y apporter :
1- la phrase du Conseil constitutionnel ne s'arrête pas là :
"qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution".
Donc le Conseil peut censurer une loi, transposant une directive communautaire, dès lors qu'il existe "une disposition expresse contraire de la Constitution".
Cette formule n'est pas définie par le Conseil, on peut toutefois l'esquisser :
elle inclut la Constitution au sens large (appelé également bloc de constitutionnalité) englobant, depuis sa décision du 16 juillet 1971, la Constitution ainsi que les textes auxquelles elle renvoie : Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, Préambule de la Constitution de 1946, principes fondamentaux reconnus par les lois de la République).
En revanche, cela exclurait a contrario les dispositions non expresses, c'est-à-dire tacites : les constructions jurisprudentielles du Conseil Constitutionnel (en ce sens, voir ici : http://www.conseil-constitutionnel.fr/c ... isp496.htm).
Conclusion : le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité d'une loi transposant une directive communautaire !
Il vérifie qu'elle ne heurte pas "une disposition expresse contraire de la Constitution".
Le critère de censure de la loi transposant une directive est donc plus exigeant que pour une loi ordinaire, mais le contrôle est bien présent, contrairement à ceux que certaines présentations pourraient laisser penser.
2- le 7ème considérant poursuit encore :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ;
En clair, en l'absence de disposition expresse contraire de la Constitution, la directive n'échappe pas pour autant à tout contrôle :
le juge communautaire contrôle "le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne", et au besoin il peut en être saisi par le juge national.
3- ces solutions ne valent que pour les dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de directives "inconditionnelles et suffisamment précises" (selon la formule de l'arrêt de la CJCE du 19 novembre 1991, Francovich contre Italie).
Donc le Conseil constitutionnel contrôle si les dispositions de la loi de transposition sont ou non la conséquence exacte et nécessaire de la transposition de dispositions "inconditionnelles et suffisamment précises" de la directive.
Ainsi, si le législateur français va au delà de ce qu'exige la directive, alors les articles excédant les dispositions "inconditionnelles et suffisamment précises" de la directive pourront être censurées comme toute loi ordinaire, c'est-à-dire en cas de contradiction avec le bloc de constitutionnalité en son entier, et non plus les seules dispositions expresses.
Est-ce plus clair birin ? :-)
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