Les alter mondialistes de l’informatique sont à Porte Alegre. Et oui… les partisans du logiciel libre profitent cette année encore du forum social pour promouvoir les systèmes ouverts. Les logiciels libres sont une alternative aux logiciels des grands éditeurs, notamment américains. Sur place, ils ont même mis leur théorie en pratique en installant un système de traduction simultanée, le Nift, basé sur le logiciel libre.
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A la une - Samedi 29 Janvier 2005 - L'ACTU DE LA SEMAINEle projet NIFT
sur samizdat.netle site
NOMAD/NIFT :
Nomad Project in Mumbai / NIFT / Nomad Interpretation Free Tool
Projet de construction d’un outil de tranmission de traduction développé en collaboration avec le réseau d’interprètes bénévoles Babels.
Description de l’outil Nomad développé pour le Forum Social Mondial de Mumbai
Cet outil combine un système de diffusion par radio FM, un système de diffusion analogique et un dispositif informatique sur lequel opère un logiciel de numérisation de la voix. L’outil Nomad assure la transmission de la traduction de l’orateur à l’interprète au public par numérisation du son. Il permet dans le même temps de diffuser en direct sur Internet (streaming), donnant la possibilité à un public mondial d’écouter les débats et conférences à distance, et cela dans toutes les langues traduites. Il permet enfin l’enregistrement des différentes interventions et de toutes ses versions traduites. Le système d’indexation adopté à Mumbai avait pour principe de sélection le nom de l’orateur.
Perspectives de développement du projet Nomad après Mumbai
_développer une réflexion critique sur la division du travail au sein des Forums et des réseaux militants entre techniciens et politiques, entre stratèges et militants dits « de base ».
_expliciter les enjeux politiques impliqués par l’utilisation des outils techniques.
_dans la même dynamique que Babels (réseau international d’interprètes bénévoles), créer un réseau international de militants-bénévoles impliqués dans le processus de construction du Forum à travers une mise en lien avec la communauté Gnu-Linux.
_développer des outils qui offrent à l’interprète de meilleures conditions de travail (intégrations des glossaires, lexiques dans le logiciel...), et favoriser ainsi la diversité linguistique des Forums.
_développer plusieurs versions de l’outil de transmission de traduction: de dispositifs fixes (dispositif informatique pour conférence à grande échelle...) à des dispositifs plus mobiles (systèmes de transmission radio, etc... pour séminaires ou workshops ...)
_faire connaître pratiquement les outils libres, transmettre le savoir sur les outils, construire des cadres de transmission de ce savoir
_participer à la diffusion des propositions de licences copyleft (GPL, Creative Commons, Art libre...)
_développer d’autres outils participant à l’ouverture démocratique du processus des Forums (outils de communication à distance, outils de communication en réseau....)
_participer à la réflexion et à la construction d’outils pour la restitution des réflexions et expériences développées ou présentées dans le cadre du processus des Forums. Face à l’augmentation des contenus audio et vidéo (cf.le travail des réseaux comme Indymedia et autres médias alternatifs) la capacité de stocker et d’indexer les contenus produits devient un enjeu important pour tous les réseaux militants.
Libé en parle
Grandes ambitions et petits soucis d'un outil libre de traduction
FORUM DE PORTO ALEGRE • Quand un collectif d'artistes français croise un réseau mondial de traducteurs bénévoles, cela donne un système de traduction «révolutionnaire», affranchi des multinationales et capable à terme de stocker la mémoire vive des forums • Reste à vaincre les réticences, y compris, des alters • Et à régler les problèmes matériels •
Par Christian Losson, envoyé spécial à Porto Alegre - vendredi 28 janvier 2005 (Liberation.fr - 12:07)
Comment s'affranchir des contraintes de l'interprétariat monnayées à des prix exorbitants et contourner la mainmise des multinationales sur les nouvelles technologies? Comment promouvoir l'usage des logiciels libres et prôner une réappropriation des savoirs? Bref, comment réinventer activisme politique et pratique artistiques? C'est le pari un peu fou de Nomad, un collectif d'«artivistes», artiste-activistes, une bande de militants anglais, français, tunisiens, indiens, équatoriens. Leur rêve: métamorphoser, le temps d'une conférence, une cabine de traduction. Histoire permettre l'interprétariat en 17 langues. Mais aussi l'archivage des discussions sur différents supports (site web, CD, DVD, etc.). Et enfin la diffusion internet en direct -ou quasi- via le streaming audio.
A l'origine du projet, il y a un collectif nantais, APO33, défricheur «de créations sonores via les nouvelles technologies», raconte Sophie Gosselin, docteur en philosophie, ex-militante d'Attac ou de Sud et «déçue du militantisme traditionnel». APO33 croise le chemin de Babels, un réseau exponentiel de plus de 8000 interprètes/traducteurs bénévoles mis en branle en 2002 dans le sillage du premier Forum social mondial. Les premières expériences se montent avec succès, en septembre 2003, lors du Forum européen de Paris-Saint Denis dans le cadre du Medialab, lieu dédiés aux altermédias. Le Nift (outil libre d'interprétation de Nomad, acronyme Nomad interpretation Free Tool) est alors lancé. Un système en deux temps. Une partie numérique (software) permet d'assurer l'enregistrement et la transmission en temps réel des traductions. Une partie matérielle (hardware) fait de transmission FM, analogique ou par boucle magnétique destiné à remplacer les systèmes infra-rouge coûteux et délicat à reproduire. «Le Nift est évidemment sans droits d'auteur (sous licence GNU/GPL), moins cher à installer, et surtout plus facile à reproduire», dit Sophie Gosselin.
Une fois développé «dans le cadre d'une économie solidaire», ce projet peut donc «s'intégrer dans la communication, mais aussi les énergies renouvelables, l'agriculture...», assure un texte-manifeste de Nomad. Prévu pour être lancé au FSM de Bombay, cet Opni (Objet politique non identifié) a pourtant revu ses ambitions à la baisse. «Rien n'était prévu techniquement, on était censé être 7 militants pour équiper toutes les salles de traductions», rappelle un coordinateur de Babels. Mais l'affaire se complique: certains pères fondateurs du FSM voient d'un œil méfiant cet outil. Un brin révolutionnaire ce bidule, difficile à contrôler. «Ils nous prennent pour des prestataires de services, et reproduisent la division du travail entre politiques-décideurs et techniciens-appliquants, entre penseurs et petites mains, bref entre patrons et travailleurs», regrette Sophie Gosselin. Nous, on défend au contraire la thèse selon laquelle l'utilisateur du Nomad doit être intégré du bout à l'autre de la chaîne, de la définition du projet à sa son utilisation.» En passant par la production.
Du coup, Nomad a rué dans les brancards. Et, s'est agacé devant le conseil international du FSM, qui réunit une centaine d'ONG: «Si nous prenons au sérieux l'injonction qu'un autre monde est possible», nous devons assurer une cohérence entre les moyens que nous mettons en œuvre et les fins que nous revendiquons. La fin réside dans la construction des moyens pour le réaliser...» Les moyens - et les objectifs - au FSM de Porto Alegre se voulaient ambitieux. Fournir des outils pour 40 salles, avec l'aide de 600 volontaires. «Un manque criant de matériels nous a poussé à revoir nos désirs à la baisse», regrette Sophie Gosselin. En fait, les organisateurs brésiliens ont cru qu'ils pouvaient fabriquer eux-mêmes, via des coopératives - et en un temps record - tout le matériel électronique adéquat (mixeurs, etc.). Résultat: jeudi, jour de l'ouverture du FSM, seules 3 ou 4 salles fonctionnaient. «Des merdes d'alimentation en électricité, en câble, en matos de base, bref le bordel», évacue un technicien-activiste. D'ici la fin du forum, à coups de bricolages nocturnes et de coups de gueules diurnes, toutes les salles devraient fonctionner. Mais avec deux ou trois langues seulement. Reste l'essentiel, pour l'un des promoteurs du projet: «Nomad montre que développer une interface de traduction qui permet de stocker et de diffuser en direct les débats du forum n'a rien d'une utopie à la con.»
A l'avenir, un site web permanent pourrait recueillir la mémoire de l'ensemble des forums sociaux, mondial ou local. Une sorte de bibliothèque global-local des alters. Un mine. Un outil pour accélérer la synthèse de propositions et l'accélération de liens entre collectifs, réseaux ou organisations. Un groupe (Mémoria viva) est déjà sur les rangs pour capitaliser cette «mémoire vive» des forums.
A+LS.