Petit Précis à l'usage de ceux qui ont envie de comprendre le probléme des brevets logiciels alors qu'ils viennent juste de rentrer dans le monde merveilleux des Logiciels Libres.
Pas facile de tenter de résumer en quelques lignes un débat qui agite certains milieux depuis quelques années. Je m’excuse donc par avance des approximations, images ou autres métaphores que je vais utiliser, elles n’auront pour but que d’essayer de faire comprendre les enjeux de ce débat. Je sais par avance que les puristes vont râler parce que je simplifie, et que les béotiens vont (peut-être) également râler parce que c’est trop complexe ou que de toute façon ils en ont rien à faire. Mais bon, râler est dans la nature humaine et comme disait ma fille : Je râle, donc j’existe.
Tout d’abord une précision, je ne suis pas programmeur, loin s’en faut, juste un utilisateur informatique. Un utilisateur un peu curieux, et surtout (du moins j’ose l’espérer) pragmatique. J’en avais marre de dépenser de l’argent à faire réparer mon PC lorsqu’il tombait (souvent) en panne, suite à des explorations et manipulations hasardeuses que je m’amusais à faire. Pour moi comprendre comment un PC fonctionne c’est avant tout pour pouvoir être indépendant au niveau de sa maintenance.
Ceci étant posé, fonçons au cœur du débat : Le brevet logiciel.
En schématisant à outrance (mais bon j’avais prévenu) le 1er versant de cette polémique est de savoir si l’on doit et si l’on peut breveter une idée, une vue de l’esprit.
A l’heure actuelle la création logicielle est protégée par le droit d’auteur (là aussi je schématise). Personnellement je trouve ça normal. Un programmeur, s’il le désire, est tout à fait dans son droit de vouloir ou non protéger le fruit de son travail et d’en tirer éventuellement un avantage, qu’il soit financier ou autre.
Prenons le cas concret d’un société qui aurait investit des capitaux pour développer, disons… allez, au hasard, un client mail (vous savez ce logiciel qui sert à gérer l’envoi et la réception de mail

Cette société a donc investit du temps et de l’argent, il est normal que le fruit de son travail soit protégé, et que son logiciel soit utilisé dans le cadre juridique que ladite société a choisi de définir.
Mais maintenant si ladite société voulait breveter l’idée même d’un client mail ? C'est-à-dire avoir des droits sur l’idée d’un logiciel qui permettrait d’envoyer et de récupérer des mails.
Toute société ou programmeur indépendant voulant écrire un logiciel serait donc obligé à la base de verser de l’argent pour pouvoir commencer à développer un tel logiciel, même s’il n’est pas construit de la même manière que le client mail précédemment cité.
Vautrons-nous dans l’excès et voyons où cela nous mène.
Exemple musical : Tartempion à écrit un super morceau de musique protégé par le droit d’auteur, jusqu’à là tout va bien. Mais il dépose également un brevet sur la gamme qu’il a utilisé pour composer son morceau. A partir de là tout musicien voulant utiliser la gamme de FA# par exemple devrait tout d’abord lui verser de l’argent.
Exemple littéraire : Duchmol vient d’écrire un pur chef d’œuvre sur les pratiques sexuelles des grenouilles dans la partie méridionale du Gualtémaltéque Moldave du Bas Moyen Age. Son livre est protégé par le droit d’auteur, jusqu’à là aussi tout va bien. Mais que se passerait-il s’il voulait breveter une construction de phrase ? Allez hop, le brevet N° 6587FR23HI protége la construction de phrase suivante : Sujet, verbe, adjectif.
Exemple peinture : Quand Picasso a peint "Les Demoiselles d'Avignon" et créé le mouvement cubiste, la loi lui a reconnu des droits sur le tableau. Que se serait il passé s’il avait déposé un brevet sur l'idée de représenter des objets décomposés en éléments géométriques simples sans restituer leur perspective ?
Je laisse le soin à votre imagination d’allonger la liste de ces exemples. Je les ai volontairement poussé jusqu’à l’absurde pour pointer le danger de telles pratiques. Si cette loi est votée la conséquence immédiate sera un arrêt pur et simple de toute création en matière de logiciels. Qui sera en effet assez fou pour vouloir créer, si, avant même de commencer à travailler, il faut verser de l’argent ?
2ème versant maintenant.
Pourquoi un tel projet de loi ? Et bien oui, il faut bien quelques raisons pour tenter d’expliquer ce bordel

Des histoires de gros sous bien sur, comment pourrait-il en être autrement d’ailleurs ?
Toujours en schématisant à l’extrême les logiciels informatiques sont divisés en 2 mondes :
Les logiciels propriétaires et les logiciels open source.
Avant d’expliquer ce qui différencie ces 2 mondes, on pourrait peut-être essayer de définir ce qu’est un logiciel non ? Pitain soupa, tu t’emballes, tu t’emballes, mais t’oublies des affaires en route.
Bon un logiciel c’est… Roulement de tambour…. Des portions de codes assemblées les unes aux autres et qui au final vont donner naissance à un outil capable d’effectuer ce pour quoi il a été créé.
Pfeuuu, tu parles d’une Lapalissade !!! « Un outil capable d’effectuer ce pour quoi il a été créé », c’est le minimum non ?
Ben oui c’est le minimum, mais ce n’est pas le plus important, ce qui est important c’est : « Portion de code ».
Tout logiciel est composé de code. Il existe plusieurs langages informatiques pour coder (créer) un logiciel. Les plus connus (sans pour autant que cela soient les plus performants) le C++, le Java, le VB, Delphi, etc. etc… (Non etc. etc. ce n’est pas un langage informatique, ça veut juste dire qu’il y en a d’autres des langages

Donc c’est clair pour tout le monde cette définition d’un logiciel ? Oui ? Non ? Non ? Oui ?
Les non, relisez plusieurs lignes au dessus. Les oui suivez-moi.
Nous voilà revenus aux logiciels propriétaires et open source. Allez hop, 2 petites définitions histoire de continuer à se mettre en jambe.
Logiciels propriétaires : Logiciels dont le code source n’est pas accessible, donc impossibilité de savoir comment il est construit. De plus la licence précise bien que l’utilisateur n’est pas propriétaire du logiciel, l’ayant droit du logiciel lui concédant juste le droit « d’utiliser » le logiciel (Vous savez c’est ce fameux « CLUF » qu’il y a à chaque installation de logiciel, celui que personne ne lit mais que l’on doit valider par « Oui » si l’on veut poursuivre l’installation)
Logiciels open source : Logiciels dont le code est accessible et modifiable. Vous êtes libre d’utiliser le logiciel ou de modifier le code source comme bon vous semble (je schématise).
Nous allons nous attarder un peu sur les logiciels propriétaires, puisque ils composent la majeure partie du parc logiciel sur les ordinateurs grand public et une grande partie du parc des entreprises et des administrations.
Donc on achète un logiciel, mais en fait nous n’en sommes pas vraiment propriétaire, juste utilisateur. Il y a mieux encore. Tout logiciel, lorsque l’on travaille avec, va générer des fichiers. Il faut savoir que dans la plupart des cas les formats de fichiers générés sont eux aussi propriétaires. Concrètement vous stockez le fruit de votre travail (quel que puisse être son importance) dans des formats qui ne vous appartiennent pas.
Si la société qui a des droits sur le logiciel, et donc les formats de fichiers qu’il génère, décide du jour au lendemain d’en interdire son utilisation, le fruit de votre travail ne vous est plus accessible (d’une manière théorique). Où en tout cas vous pouvez tomber sous le coup de la loi si vous le faites.
Il est certain que pour le grand public cela ne prête pas trop à conséquence.
Mais pour les administrations, pour les entreprises « sensibles », ou tout autre organisme d’état ?
Si je résume. Des informations vitales peuvent être générées et stockées sur des ordinateurs ayant un système d’exploitation, des logiciels et des formats de fichiers contrôlés uniquement par une société privée et sans possibilité de savoir comment sont conçus les codes sources ?
Oui.
Oup’s !!!!
A l’inverse, les logiciels open source, comme le nom l’indique, ont un code source public. Il est tout à fait possible de modifier, d’améliorer le logiciel en fonction de ses besoins.
Cela offre surtout une garantie de transparence et d’indépendance. Il est tout à fait possible de vérifier que le logiciel n’envoi pas des informations vers l’extérieur « à l’insu de votre plein gré ».
Nettement plus sécurisant non ?
De plus les formats générés sont eux aussi dans le domaine public.
Voilà donc nos 2 mondes logiciels rapidement brossés.
La situation actuelle en Europe maintenant.
Depuis 2 ans les logiciels open source sont en train de faire une percée tant dans le monde de l’entreprise que dans celui de l’administration. Des secteurs dans lesquels les logiciels propriétaires avaient la main mise jusqu’à présent.
Leurs qualités évidentes va faire qu’ils vont remplacer à terme les logiciels propriétaires.
Et vous pensez sérieusement que les entreprises de logiciels propriétaires vont laisser filer une telle manne financière ?
Et bien voilà, j’ai presque fini. Je n’irai pas jusqu’à dire que toutes ces sociétés (qui par le biais des participations de capital se résument en fait à 2 ou 3 grands groupes financier) font du lobbying et exercent des pressions, ma foi fort efficaces, sur les politiques européens… Non, non, j’ai pas dit ça

Mais je vous laisse en tirer les conclusions.
Un dernier point, d’ordre beaucoup plus général. Je trouve que ce projet de loi sur le brevet logiciel est assez représentatif de 2 manières de concevoir la vie.
Soit naviguer dans la vie sur une autoroute bien tracée, bien éclairée, pas de surprise. On s’occupe de tout pour toi, avance petit soldat.
Ou bien tenter d’être acteur de sa propre vie et construire soi-même le chemin sur lequel on veut avancer.
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soupaloignon
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