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deadalnix
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- TRAITÉ ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE : DROIT D’AUTEUR
- TRAITÉ ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE : INTERPRÉTATIONS, EXÉCUTIONS ET
PHONOGRAMMES
(discussion générale commune)
M. Jacques REMILLER, rap. cion aff. étr. 10’
INSCRITS :
M. Claude BIRRAUX UMP 10’
M. Didier MATHUS SRC 15’
Mme Martine BILLARD GDR 10’
M. Nicolas DUPONT-AIGNAN NI 5’
Traité Organisation mondiale de la propriété intellectuelle : droit
d’auteur
ARTICLE UNIQUE
Traité Organisation mondiale de la propriété intellectuelle :
interprétations, exécutions et phonogrammes
ARTICLE UNIQUE
TRAITÉS DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur et du projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.
M. le Président – La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme – Les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ont été élaborés afin d'adapter les droits de propriété intellectuelle aux récentes évolutions techniques, notamment à l'entrée dans l'ère numérique. Le traité sur le droit d'auteur, ainsi que le traité sur les interprétations et exécutions, et les phonogrammes complètent les dispositions de la convention de Berne et actualisent la convention de Rome, datant respectivement de 1886 et 1961.
Ces deux textes donnent des moyens nouveaux pour renforcer l'efficacité de la protection des droits des auteurs, des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes. En effet, grâce à leurs dispositions, les auteurs, les artistes interprètes et exécutants, mais aussi les producteurs, pourront bénéficier d'une protection juridique adaptée au nouveau contexte de la société de l'information. Ils disposeront, en particulier, de droits exclusifs de reproduction sous forme numérique, de distribution, de location commerciale, ainsi que de mise à la disposition du public, à la demande, des oeuvres, interprétations/exécutions, et fixations sur réseaux. Ils bénéficieront également de moyens efficaces pour lutter contre les utilisations non autorisées des œuvres et prestations protégées.
Le traité sur le droit d'auteur confirme que les programmes d'ordinateurs et les bases de données entrent dans le champ de la protection. Il allonge par ailleurs la durée de protection des œuvres photographiques en l'alignant sur celle prévue par la convention de Berne, soit cinquante ans après la mort de l'auteur. Il rappelle également l'importance exceptionnelle que revêt la protection du droit d'auteur pour l'encouragement à la création artistique.
Le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes permet, quant à lui, la reconnaissance au plan international d'un droit moral au profit des artistes interprètes ou exécutants. Il reprend les droits patrimoniaux prévus dans la convention de Rome, en particulier le droit de reproduction, et confirme son application à l'environnement numérique. La durée minimale de protection est là encore fixée à cinquante ans. Les deux traités obligent également les États à prendre des dispositions permettant de protéger et de gérer les droits des auteurs de manière efficace.
La ratification par la France de ces deux traités contribuera sans nul doute au rayonnement de la culture française : les auteurs, artistes interprètes et producteurs de phonogrammes bénéficiant d’une protection accrue au niveau international, la diffusion des œuvres en sera facilitée. Ces deux textes, adoptés à Genève le 20 décembre 1996 et entrés en vigueur respectivement le 6 mars et le 20 mai 2002, comptent aujourd'hui plus de soixante parties contractantes. Il s’agit d’accords mixtes et le Conseil a précisé, en 2000, que le dépôt des instruments de ratification de la Communauté européenne devrait intervenir autant que possible simultanément à celui des États membres.
Telles sont les principales dispositions des deux traités qui sont soumis à votre examen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Jacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères – Nous sommes donc saisis de deux projets de loi visant à autoriser la ratification de deux traités conclus le 20 décembre 1996 dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, portant l’un sur le droit d'auteur et l’autre sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes. Ces traités avaient pour but d’adapter le droit d'auteur à la révolution numérique. Car le progrès technique, d’une part, facilite la diffusion des œuvres, mais trop souvent en permettant de contourner le droit d’auteur, et, d’autre part, offre de nouvelles possibilités de cryptage et de marquage qui permettent de limiter le nombre de copies ou d'en suivre le cheminement sur Internet. Grâce aux nouvelles technologies, il devient possible de partager gratuitement des fichiers numériques entre un nombre quasiment illimité d'utilisateurs anonymes. La culture de la gratuité s'est donc propagée parmi les utilisateurs de l'Internet, qui perçoivent le droit d'auteur comme un frein à la diffusion des œuvres.
Les deux traités représentent une étape importante dans la modernisation du système international du droit d'auteur. Le traité sur le droit d'auteur protège les œuvres littéraires et artistiques telles que les livres, programmes d'ordinateur, œuvres musicales, œuvres d’art ou films. Il actualise la convention de Berne de 1886, dont la dernière révision datait de 1971. Le second traité protège les droits des producteurs de phonogrammes ou d'enregistrements sonores et des artistes interprètes ou exécutants. Il actualise la convention de Rome de 1961. Ces deux traités garantissent que les titulaires de droits continueront à être protégées lors de la diffusion de leurs œuvres sur Internet. Ils accordent une protection juridique « appropriée » et imposent des sanctions efficaces en cas de neutralisation des mesures techniques qui permettent aux titulaires de droits de contrôler les copies, en recourant à un mot de passe par exemple. Outre des mesures techniques, les traités interdisent également la modification ou la suppression des informations qui permettent d'identifier l'œuvre, son créateur ou l'interprète et de déterminer ses conditions d’utilisation.
Toutes ces mesures ne sauraient être efficaces sans sanctions. Les traités imposent ainsi aux États de prévoir des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques prises par les titulaires de droits. Ils autorisent toutefois les États à apporter des limitations et exceptions au droit d'auteur pour protéger d’autres intérêts que ceux des titulaires de droits, tels que ceux du grand public ou de personnes justifiant de besoins particuliers. Chaque exception doit répondre aux conditions du « test en trois étapes » : elle doit se limiter à un cas spécial, ne pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre et ne pas causer de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'ayant droit, ces conditions étant cumulatives.
Le droit français est d'ores et déjà en conformité avec les deux traités, puisque ceux-ci ont été mis en œuvre par la directive européenne du 22 mai 2001, elle-même transposée en droit interne par la loi « droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information » du 1er août 2006. La protection du droit d'auteur étant une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres, la Commission européenne a participé à la négociation des deux traités, qui relèvent ainsi de la catégorie des accords mixtes – signés et ratifiés à la fois par l’Union et par chaque État membre. Grâce à la loi DADVSI, notre code de la propriété intellectuelle comporte des dispositions sur la protection juridique des mesures techniques et l'information sur le régime des droits. La loi française prévoit une amende de 300 000 euros et trois ans de prison pour l’édition d’un logiciel destiné à la mise à disposition d'œuvres protégées, et 30 000 euros d'amende et six mois de prison pour la diffusion d'un logiciel permettant de casser les mesures techniques de protection. Elle comporte des limitations et exceptions au droit d'auteur conformes au test en trois étapes, telles que les reproductions spécifiques effectuées par des bibliothèques, des musées ou des services d'archives.
La France satisfaisant déjà aux obligations résultant de ces deux traités, la commission des affaires étrangères vous recommande à l’unanimité l’adoption des deux présents projets de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Claude Birraux – Ces deux traités étaient indispensables pour adapter le régime juridique du droit d'auteur aux évolutions technologiques, alors que les nouvelles technologies permettent une diffusion toujours plus large des œuvres, mais offrent aussi des moyens toujours plus sophistiqués pour contourner le droit d'auteur. C’est l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, créée en 1967 au sein des Nations unies dans le but d'élaborer un système international équilibré et accessible de la propriété intellectuelle, qui a permis la conclusion en 1996 de ces textes souvent connus sous le nom de « traités Internet », qui sont entrés en vigueur en 2002 dès la trentième ratification.
Le traité sur les droits d'auteur vise à protéger les droits des créateurs dans le nouvel environnement numérique. Il concerne les livres mais aussi les programmes informatiques, les œuvres d’art, la musique ou les films. Le second traité protège quant à lui les droits des producteurs de phonogrammes ou d'enregistrements sonores et leurs artistes interprètes. Les évolutions des différentes technologies menacent en effet la protection du droit d'auteur, droit essentiel qui permet à nos artistes et créateurs de vivre et de promouvoir leurs productions. Je rappelle que la ratification de ces deux traités n'aura pas de conséquences sur notre droit national puisqu’ils sont contenus dans la directive européenne de 2001 que nous avons transposée, tardivement il est vrai, par la loi DADVSI du 1er août 2006. Ce sont des accords mixtes, signés et ratifiés à la fois par la Communauté européenne et par chacun des États membres.
Au nom du principe de subsidiarité, nous avons pris en transposant la directive les mesures qui nous paraissaient essentielles, car le piratage, quel que soit son niveau de gravité, est une atteinte au droit d'auteur. Notre arsenal répressif s'est notamment étoffé, en prévoyant jusqu'à 300 000 euros d’amende et trois ans d'emprisonnement pour l'édition de logiciels destinés à la diffusion d'œuvres protégées et jusqu'à 30 000 euros d’amende pour la diffusion d’un logiciel permettant de contourner les mesures techniques de protection.
Parce que l'adoption de ces deux traités conforte notre volonté de lutter contre les atteintes au droit d'auteur, le groupe UMP en autorisera la ratification (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Didier Mathus – Nous sommes très curieusement réunis pour ratifier deux traités signés en 1996. Il y a douze ans, aucune plateforme d’échanges d’utilisateur à utilisateur n’existait, et pour cause : les échanges numériques étaient balbutiants. Ces traités anciens ont pourtant servi à justifier et la directive et la loi dite DADVSI et, plus précisément, le verrouillage numérique des œuvres destiné à empêcher leur reproduction, donc leur libre accès.
Le plus piquant est que le jour même où le Gouvernement nous invite à ratifier ces traités manifestement obsolètes, le Parlement européen adopte une résolution qui condamne la politique française en soulignant que criminaliser les consommateurs qui ne cherchent pas le profit « n’est pas la bonne solution » et en blâmant l’atteinte au principe de proportionnalité de la peine que constitue l’interruption de l’accès à l’Internet pour les contrevenants. Autant dire que les orientations du rapport Olivennes, dont nous aurons à débattre, sont directement visées. C’est une véritable claque qui vient d’être ainsi infligée au Gouvernement français, et cette résolution signe l’échec d’une stratégie uniquement répressive et aveugle aux évolutions sociales.
L’action de son gouvernement isole notre pays dans une défense archaïque des droits d’auteur qui est en réalité la défense des grandes multinationales que sont Windows ou Apple, pour ne citer que celles-là. Le paradoxe, c’est aussi que la criminalisation du libre accès aux œuvres est dépassée, puisque les industriels eux-mêmes ont adopté le principe du forfait et proposent le libre accès à un certain nombre de fichiers numériques en contrepartie d’un abonnement. Le seul effet des verrous numériques est de consolider les grands groupes et de fragiliser les logiciels libres.
Je le redis, ratifier aujourd’hui des textes élaborés à une autre époque, c’est aller à contresens de l’histoire. Notre rapporteur le sait bien : n’était-il pas de ces « conjurés » du groupe UMP qui, avec d’autres députés d’autres bancs, ont défendu le principe de la licence globale ? Alors que l’on prenait prétexte de la défense du droit d’auteur pour légitimer l’appropriation des droits par les grands groupes industriels, il a été de ceux qui, avec Mme Billard, moi-même et d’autres encore, ont mis le Gouvernement en minorité à ce sujet. Il s’en est suivi un débat de trois mois sur les échanges culturels, d’un grand intérêt, mais la loi DADVSI a finalement entériné le principe du « tout répressif ». Outre que le texte a été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel, il s’est révélé inapplicable. L’impasse était manifeste, puisque la Commission européenne préconisait l’adoption d’un mécanisme qui s’apparente de très près à la licence globale. Le plus curieux, c’est que nous cherchions à rémunérer les auteurs mais que, de par le détournement du principe de la licence forfaitaire, la rémunération va aux grands groupes industriels, les créateurs étant les dindons de la farce !
L’inapplicabilité de la loi DADVSI étant avérée, le Gouvernement a commandé un rapport à une personnalité qui était à l’époque premier marchand de disques de France. Le rapport de M. Olivennes, touché par la grâce du sarkozysme, n’a pas déçu : au gros bâton, il propose de substituer un bâton moyen, mais les citoyens qui téléchargent des œuvres en libre accès continuent d’être considérés comme des criminels qui spolient ces bienfaiteurs de l’humanité que sont les grands groupes producteurs de musique. La répression est mieux dosée, mais demeure la répression et rien que la répression – la seule proposition avancée étant le « flicage » généralisé des internautes.
Le téléchargement est devenu le mode universel d’échanges culturels. La vague est irrépressible mais, au lieu d’imaginer un nouveau mécanisme destiné à rémunérer la création – car il faut la rémunérer, nous en sommes tous d’accord – autrement qu’à l’acte, les industriels rêvent d’un Big Brother de l’Internet veillant à protéger leur rente. Cette approche est vouée à l’échec et la résolution adoptée par le Parlement européen a valeur d’avertissement pour le Gouvernement. Le débat parlementaire sur le rapport Olivennes ne manquera pas d’intérêt…
Ratifier ces traités, à contretemps et dans la seule optique de légitimer la répression, et la répression seulement, n’aurait aucun sens. C’est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas une transposition qui servira de prétexte à défendre une vision marchande des échanges culturels. La remise en cause de la transmission verticale des informations et des œuvres par l’essor des nouvelles technologies de la communication a suscité un conflit entre producteurs et internautes. La question est de savoir pourquoi le Gouvernement français a éprouvé le besoin de prêter main forte à l’industrie au lieu de protéger l’intérêt des consommateurs.
Les grands groupes industriels de ce secteur, comme Monsanto en agriculture, sont saisis d’une frénésie d’appropriation. Leur voracité de profits les pousse à vouloir imposer que tout ce qui circule sur l’Internet soit leur propriété. La bataille qui s’annonce est donc une bataille citoyenne. Elle impose la définition d’un nouveau mécanisme de rémunération des œuvres. Les dinosaures que sont les majors essayent de grappiller quelques années…
M. Nicolas Dupont-Aignan – C’est perdu d’avance !
M. Didier Mathus – …mais il est désolant que, par un mouvement d’arrière-garde, le Gouvernement fasse ratifier des traités de 1996 en refusant de voir que le monde a changé. Le groupe socialiste votera contre ces textes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).
Mme Martine Billard – Il a fallu beaucoup insister pour que ce débat ait lieu, comme si le Gouvernement voulait faire passer ces ratifications en catimini. Il faut dire qu’elles constituent une remarquable et absurde obstination dans l’erreur, puisque lors du débat sur la loi DADVSI déjà, l’accent, sur tous les bancs, avait été mis sur l’écart entre le texte proposé et la réalité. En 1996, il s'agissait pour l'administration du Président Clinton de forcer l'adoption de mesures de clientélisme électoral favorables aux majors de productions audiovisuelles et aux majors de l’informatique face à une opinion publique très remontée.
Dès juillet 1994, en effet, un groupe de travail sur le droit de la propriété intellectuelle avait publié un « Livre vert » proposant, pour tenir compte de l'émergence des technologies de l'information et de la communication, d’étendre les droits des « ayants-droit » au détriment du droit du public d'accéder à l'information.
Cent six professeurs de droit avaient alors adressé au vice-président Al Gore une lettre ouverte, dénonçant le fait que le texte amenait à considérer la simple consultation d'un document dans un navigateur web comme une violation de copyright, qu’il obligeait les fournisseurs d'accès à surveiller les activités de leurs abonnés, donc à porter atteinte à leur vie privée et qu’il érigeait en crime fédéral tout contournement d'un DRM, y compris dans un but normal et licite – écho au débat que nous avons eu sur la loi DADVSI.
Les traités furent malgré tout conclus et ratifiés par les États-Unis en 1999. Ils reprennent, à peu de choses près, les dispositions promues par le lobby des distributeurs de contenus mais rejetées, comme pour la loi DADVSI, par la société civile, en particulier les utilisateurs d’Internet, les bibliothécaires, les enseignants.
La transposition de la directive européenne de 2001 avec l’introduction en droit français de la notion de pénalisation du contournement des DRM a donné lieu à une forte activité des lobbies, ceux-ci allant jusqu'à pénétrer dans l’enceinte de l’Assemblée, traditionnellement neutre. Rappelons aussi qu’à cette occasion le Gouvernement nous a fait voter et revoter un amendement jusqu’à ce qu’il obtienne un vote conforme à ses souhaits !
Pour autant, nous avions réussi à faire adopter le principe de l’interopérabilité – possibilité de contourner une mesure de protection d'un système propriétaire qui empêche de copier un fichier d'une certaine marque sur un appareil d'une autre marque – pendant de la pénalisation du déverrouillage des DRM. Mais le Conseil constitutionnel a censuré cette notion – au motif qu’elle était trop floue – ce qui a eu pour effet paradoxal de maintenir la sanction dans le cadre de la législation sur les contrefaçons, sanction lourde et difficile à utiliser contre des jeunes qui téléchargent de la musique. Le Gouvernement, devant trouver une autre façon de tenir ses engagements auprès des acteurs culturels, a confié une mission à Denis Olivennes.
Aujourd'hui, un producteur de CD ou de DVD peut insérer sur les plages numériques de ses supports un programme rendant impossible la copie non autorisée, et par voie de conséquence, la lecture de l’œuvre sur certains matériels de lecture. Certes, il existe des logiciels libres de contournement mais ils tombent sous la qualification de contravention de quatrième classe, contrairement aux accords conclus lors de l’examen de la loi DADVSI.
Celle-ci nous permet de juger de l'échec des traités OMPI. Ceux-ci étaient censés protéger le droit d'auteur et les droits voisins des artistes, en protégeant juridiquement les DRM. Or il est désormais avéré que ces DRM ne sont d'aucune protection pour les droits des créateurs et que les mesures de contournement, comme nous l’avions souligné sur l’ensemble de ces bancs, se diffusent à grande vitesse sur Internet. Aujourd'hui, les majors de la musique elles-mêmes abandonnent ces dispositifs de contrôle anti-copie, rejetés par les consommateurs. Par ailleurs, n’étant pas parvenues à imposer leur DRM aux autres, elles ont dû trouver un accord : quatre majors ont ainsi lancé « Myspace » sans DRM. Mais si les DRM sont abandonnées, les plateformes multimédias demeurent inaccessibles aux logiciels libres, et on ne voit toujours rien venir pour la rémunération des artistes
Pendant le débat sur la loi DADVSI, j'avais proposé au nom des députés Verts d'instaurer un prélèvement sur les fournisseurs d'accès Internet et les sociétés de téléphonie mobile afin de créer un fonds de rémunération des auteurs et interprètes – idée « inacceptable » reprise par le Gouvernement pour compenser la suppression de la publicité à la télévision. Si elle avait été retenue, cette proposition aurait très nettement amélioré la situation des auteurs et interprètes.
Le principe même de protection juridique des DRM a créé une insécurité juridique contre le logiciel libre et même une distorsion de concurrence : des sociétés françaises du logiciel libre risquent des poursuites si elles proposent un simple lecteur DVD avec leur système d'exploitation en logiciel non propriétaire. Quant aux députés français, leurs postes de travail sont équipés en logiciels libres mais la loi DADVSI les oblige à utiliser un logiciel propriétaire pour la lecture d’un DVD !
Il est inquiétant que le Gouvernement envisage d'aller plus loin encore, en préparant un projet de loi inspiré de la mission Olivennes sur les téléchargements. Il s'agit de mettre en place la fameuse « riposte graduée », avec menace de suspension d'abonnement Internet. Toutefois, ce matin, le Parlement européen a considéré dans une résolution que la suspension d’une connexion Internet est disproportionnée.
D’une part, les traités OMPI sur la protection des DRM sont obsolètes techniquement et commercialement. D’autre part, leur idéologie répressive, liberticide et anti-concurrentielle – au seul bénéfice de quelques multinationales – est toujours à l'oeuvre. Pour cette double raison, le groupe GDR ne votera pas la ratification de ces deux traités.
M. Nicolas Dupont-Aignan – N’en déplaise au grand nombre de députés absents, le vote d’aujourd’hui est d’une importance capitale. Il s’agit de déterminer si la France choisit de se lier les mains avec des dispositions d’un autre âge, témoignant d’une incompréhension totale, tant de la réalité de notre temps que des enjeux économiques, sociaux et politiques qu’engendre la démocratisation des moyens de copie et de diffusion numérique.
Je m’oppose à la ratification de ces traités pour trois raisons : ils sont obsolètes ; leur objectif – le contrôle de la circulation des œuvres – n’a pas été atteint ; les DRM ont toutes été contournées, malgré les sanctions. L’idée était absurde dès le départ : Internet étant un réseau conçu pour répliquer l’information à grande vitesse, les informations techniques pour déverrouiller un DRM font le tour de la planète en quelques heures !
Il faut bien se faire une raison : contrôler l’information sur Internet revient à éponger la mer avec une serpillière. Il est incroyable que la France soit le pays le plus obscurantiste face à cette révolution et que, sous la pression d’intérêts, le Gouvernement réédite les mesures électoralistes sans queue ni tête de Bill Clinton. Faut-il que le show business hollywoodien soit assez puissant pour traverser l’océan et aller à l’encontre du bon sens élémentaire !
Les majors, ceux-là mêmes qui avaient poussé le Gouvernement à nous faire voter il y a deux ans une loi absurde, s’en sont affranchies avec l’accord Myspace. Mais si vous vous acharnez, Madame la ministre, sur la ratification de ces traités, c’est que des intérêts américains sont à l’œuvre contre la notion d’interopérabilité, notion arrachée de haute lutte puis censurée par le Conseil constitutionnel. Les consommateurs auront fait le travail en ce qui concerne la première raison.
La deuxième raison, c’est que la protection juridique des DRM a conduit à l’exclusion des acteurs commerciaux du logiciel libre du marché du grand public, en leur interdisant d’intégrer dans leurs offres des lecteurs multimédias capables de lire un DVD. De manière plus générale, elle a facilité les abus de position dominante, la vente liée et les ententes illicites entre monopoles, au détriment de nos PME et des consommateurs. L'Assemblée nationale elle-même, lorsqu’elle a voulu s’équiper de logiciels libres, n’a pu installer le lecteur DVD le plus populaire, le logiciel libre VLC, à cause de la loi DADVSI ! Ce logiciel libre, dont les concepteurs sont des étudiants de l’École Centrale de Paris, peut pourtant lire des DVD « DRMisés ». Des millions de particuliers l’utilisent dans le monde, mais aucune entreprise ne se risque à le commercialiser, à cause de la loi découlant de ces traités. Face à l’insécurité juridique, les services de l’Assemblée nationale ont préféré renoncer.
Selon certains, ne pouvoir lire un DVD avec un logiciel libre ne serait pas un grave problème. Sauf que cela empêche des sociétés françaises, comme Mandriva, de concurrencer Microsoft sur le marché du grand public ou de l’éducation ! A-t-on jamais vu un éditeur imposer une marque de lunettes pour lire les livres qu’il fait imprimer ? Or, c’est la même chose ! En luttant contre l’interopérabilité, vous cloisonnez le marché et confortez le duopole américain Apple-Microsoft, à l’encontre des intérêts de notre pays. D’ailleurs, si la gendarmerie nationale a migré vers les logiciels libres, ce n’est pas seulement pour une question de coût, mais aussi pour les raisons de sécurité nationale mises en évidence lors de nos précédents débats.
C’est le président Clinton qui, le premier, a travaillé sur ce dossier, sous la pression de Hollywood, mais le texte a suscité un tel tollé aux États-Unis qu’il a rapidement été abandonné par le Congrès, capable de plus de résistance que notre assemblée. Des centaines de professeurs, d’entreprises, d’associations, de chercheurs en avaient dénoncé les conséquences économiques et sociales, les menaces qu’il représentait pour les droits du public et la vie privée, et le coup porté au développement d’une économie ouverte et moderne. Face à cette résistance, l’administration américaine est passée par l’OMPI, dont le fonctionnement n’a rien de démocratique, et avec la complicité des délégations française et européenne, elle a pu imposer au monde entier une vision unilatérale et aussi dépassée que celle des moines copistes qui, en leur temps, voulaient faire interdire l’invention de Gutenberg. L’Union européenne a donc adopté une directive, qui nous tombe aujourd’hui dessus grâce à l’acharnement du Gouvernement.
L’intégralité de nos institutions dysfonctionne, les lobbies gouvernent, l’histoire est prise à contresens et vous allez dans une impasse. J’espère que le Gouvernement renoncera, écoutera certains députés de la majorité, comme certains ministres, sur les dangers du rapport Olivennes. Veut-on se fâcher avec la jeunesse, ajouter un désordre à d’autres désordres ? Le projet de loi que vous préparez est absurde. Le texte que vous ratifiez aujourd’hui est totalement obsolète et disparaîtra dans les poubelles de l’histoire ; il ne fait pas honneur au Gouvernement, ni à la majorité.
M. Didier Mathus – Bien.
La discussion générale est close.
Mme Rama Yade, secrétaire d’État – Le délai entre la signature des traités et la présente ratification s’explique par la nécessité d’adapter le droit communautaire. Il n’y a aucune malice là dedans. Par ailleurs, ne simplifions pas à l’extrême : il y a toujours eu un décalage entre le développement technologique et les garanties juridiques protégeant la création.
Selon vous, Monsieur Mathus, le rapport Olivennes tendrait à criminaliser la lutte contre la piraterie sur Internet. Ce n’est pas l’objet du texte que prépare le Gouvernement, qui tend à la prévention et à la recherche d’un équilibre entre le principe de la rémunération des auteurs et l’accès aux œuvres sans limite. Il ne s’agit pas d’instituer des sanctions pénales, et nous aurons l’occasion de vous le démontrer, dans quelques mois.
M. Jacques Remiller, rapporteur – Je n’étais pas « conjuré », à l’époque, mais il est vrai que j’ai participé au grand soir. Mme Billard, M. Mathus et M. Dupont-Aignan ont dit que les traités étaient dépassés. Ce n’est pas le cas, ces textes constituent le cadre juridique international de base, qui ne présage pour autant nullement des évolutions tant au niveau européen que dans les États parties.
M. Olivennes, dont le rapport a été critiqué par l’opposition, est pourtant aujourd’hui directeur d’un hebdomadaire de sensibilité de gauche. Dans le projet de loi qui sera présenté en mai ou en juin, nous aurons un débat sur les modalités techniques de protection du droit d’auteur ainsi que sur l’approche préventive évoquée à l’instant par Mme la secrétaire d’État.
ARTICLE UNIQUE
L'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur, mis aux voix, est adopté.
ARTICLE UNIQUE
L'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, mis aux voix, est adopté.
Prochaine séance mardi 15 avril, à 9 heures 30.
La séance est levée à 16 heures 55.
Roux a écrit:Perso ce que je trouve vraiment triste, c'est l'illustration à travers ce genre d'exemple de l'inutilité totale du Parlement: aucun argument, aucune réponse aux critiques et on vote sans même se poser de questions. Ca doit être déprimant quand on est parlementaire de l'opposition de parler autant dans le vide
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