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Le Libre soulève de nombreuses questions, notamment sur la vente liée, les verrous numériques, les libertés numériques.., Parlons-en avec écoute et respect de l'autre.

Dim 11 Mars, 2007 18:13

Forest Ent a écrit::cry: :cry: :cry:
Boouuuuuh. Mon thread il est tout pourri.
:cry: :cry: :cry:

Personne ne veut parler du fond avec moi ?


t'exagère, comme si nous n'en avions pas discuté ensemble ! ;-)


Forest Ent a écrit:
« Art. 222-33-3. - Est constitutif d'un acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne ... le fait d'enregistrer sciemment ... des images relatives à la commission de ces infractions. Le fait de diffuser l'enregistrement de telles images est puni ... Le présent article n'est pas applicable lorsque ... »


Ceci dit clairement que filmer un délit est un délit SAUF EXCEPTIONS, et que cela constitue une complicité SAUF PREUVE CONTRAIRE. Est-ce que ce n'est pas un peu le contraire de ce que l'on attend du droit, à savoir qu'une complicité doit se juger et se démontrer cas par cas ? N'y a t il pas là présomption de culpabilité ?


non :
leto_2 a écrit:Sur la preuve, je l'ai dit 3 fois, je ne le répèterai plus : c'est sur l'accusation que pèse la charge de cette preuve (difficile), en vertu de la présomption d'innocence. Si elle ne peut le prouver, l'élément intentionnel nécessaire à la constitution de l'infraction sera absent.


J'ajoute que la présomption d'innocence est un principe constitutionnel (entre autres, article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789), et qui en tant que tel s'impose au juge et la loi.
leto_2

Messages : 2305

Dim 11 Mars, 2007 18:31

leto_2 a écrit:
Forest Ent a écrit:
« Art. 222-33-3. - Est constitutif d'un acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne ... le fait d'enregistrer sciemment ... des images relatives à la commission de ces infractions. Le fait de diffuser l'enregistrement de telles images est puni ... Le présent article n'est pas applicable lorsque ... »


Ceci dit clairement que filmer un délit est un délit SAUF EXCEPTIONS, et que cela constitue une complicité SAUF PREUVE CONTRAIRE. Est-ce que ce n'est pas un peu le contraire de ce que l'on attend du droit, à savoir qu'une complicité doit se juger et se démontrer cas par cas ? N'y a t il pas là présomption de culpabilité ?


non :
leto_2 a écrit:Sur la preuve, je l'ai dit 3 fois, je ne le répèterai plus : c'est sur l'accusation que pèse la charge de cette preuve (difficile), en vertu de la présomption d'innocence. Si elle ne peut le prouver, l'élément intentionnel nécessaire à la constitution de l'infraction sera absent.


J'ajoute que la présomption d'innocence est un principe constitutionnel (entre autres, article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789), et qui en tant que tel s'impose au juge et la loi.


Mille excuses, mais c'est un peu jouer sur les mots.

Bien sûr, il y aura présomption d'innocence sur le fait que l'on ait filmé ou pas. Par contre, le fait de filmer est une certitude de culpabilité sauf exceptions, c'est à dire une présomption de complicité, et c'est strictement ainsi que c'est libellé.

En quoi le fait de filmer est-il un fait de complicité ? A mon avis, en rien, sauf à le prouver, et la présomption d'innocence devrait jouer : la complicité devrait être démontrée dans tous les cas. Or cette rédaction fait du fait de filmer un délit en soi. Le fait qu'il y ait marqué "sciemment" n'y change rien : filmer est devenu un délit, même sans preuve ou présomption de complicité.

Comme je le disais (et n'ai pas eu trop la place de répondre), on filme toujours sciemment. On n'est pas complice pour autant. Cette rédaction n'est elle pas atterrante ?
Forest Ent

Messages : 391

Dim 11 Mars, 2007 18:39

le débat sur la qualité rédactionnelle de la loi, on en a déjà parlé, et nous étions d'accord là dessus.
Le débat est ailleurs : comment faut-il ou peut-on interpréter la loi ?

Réponse : elle doit être lue à la lumière de certains principes, qui sont :
- la présomption d'innocence, principe à valeur constitutionnelle, et rappelée dans le Code de procédure pénale :
Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.


- l'interprétation stricte des incriminations : les dispositions légales qui érigent l'infraction doivent être interprétées strictement, a contrario, les dispositions qui t'en exonèrent doivent être interprétées largement.
leto_2

Messages : 2305

Dim 11 Mars, 2007 19:54

Ben non, on n'est toujours pas d'accord. Même : pas du tout d'accord.

Il n'est pas dit du tout que le juge devra chercher à savoir si l'accusé est effectivement complice du délit originel. La question ne se pose plus, puisque tranchée par la loi qui dit que filmer est une complicité. Le juge n'aura à se poser comme questions que : a t on filmé et est-ce que les exceptions sont applicables ? Quelle que soit l'interprétation qu'il en fasse, si j'ai filmé sciemment le délit sans être journaliste ni intention de ..., alors je suis coupable du délit de filmer, même si je n'ai rien à voir avec le délit originel. Cela ressort explicitement du texte cité ci-dessus, et je te défie de montrer le contraire, plutôt que citer le mot "sciemment", qui ne change rien à la portée du texte, ni la "présomption d'innocence" que tu fais ici jouer à contre-rôle sur le délit originel et pas sur celui caractérisé par la loi.

Si j'ignorais l'origine de ce texte, en première lecture, je me dirais qu'il cherchait peut-être à prévenir le voyeurisme, de manière excessive. En tout cas, il créé bien un délit de filmer, sans aucun lien avec le délit originel, et valable en toutes circonstances sauf exceptions explicites.

Donc je maintiens : désormais, filmer est un délit sauf pour Bouygues et les flics. (ok, c'est un peu caricatural comme envolée, mais c'est quand même ça l'idée)

Et le fait que filmer soit un délit de complicité constitue en soi une présomption de culpabilité hors exceptions définies.

Je ne sais pas si nous finirons d'accord sur ces points, mais je vais en tout cas prier pour qu'un fou dangereux comme l'auteur ne soit jamais président.
Forest Ent

Messages : 391

Dim 11 Mars, 2007 20:03

Forest Ent a écrit:Ben non, on n'est toujours pas d'accord. Même : pas du tout d'accord.


ce n'est pas grave, ce qui compte, c'est l'avis de la justice, et pour la pratiquer depuis un certain temps, j'ai ma petite idée sur la réponse

Forest Ent a écrit:et je te défie de montrer le contraire


défi relevé. Réponse dans la soirée.

Forest Ent a écrit:e ne sais pas si nous finirons d'accord sur ces points, mais je vais en tout cas prier pour qu'un fou dangereux comme l'auteur ne soit jamais président.

l'auteur, c'est toi, c'est moi, c'est nous, via la démocratie représentative.
leto_2

Messages : 2305

Dim 11 Mars, 2007 20:06

leto_2 a écrit:l'auteur, c'est toi

Lol. Tu vas me gâcher la soirée. :D
Forest Ent

Messages : 391

Dim 11 Mars, 2007 20:08

et la soirée ne fait que commencer. ;-)
leto_2

Messages : 2305

Dim 11 Mars, 2007 20:59

Forest Ent a écrit: j'ai filmé sciemment le délit sans être journaliste ni intention de ..., alors je suis coupable du délit de filmer, même si je n'ai rien à voir avec le délit originel.


Je n suis pas d'accord. Imaginons que tu tournes un film de vacances, quand tout à coup éclate une bagarre non loin de toi. Tu continues de filmer, mais tu sors ton portable pour avertir la police, je ne pense pas que le juge puisse douter que tu ai été complice, et te verra plutôt comme témoin de la scéne.
L'homme n'est pas fait pour travailler et la preuve, c'est que ça le fatigue. (Marcel Proust)
dedenimes

Messages : 2410
Géo : proche de Nîmes

Dim 11 Mars, 2007 22:22

dedenimes a écrit:Je ne suis pas d'accord. Imaginons que tu tournes un film de vacances, quand tout à coup éclate une bagarre non loin de toi. Tu continues de filmer, mais tu sors ton portable pour avertir la police, je ne pense pas que le juge puisse douter que tu ai été complice, et te verra plutôt comme témoin de la scéne.

Pour rendre le cas juridiquement plus tendu, supposons que je sorte PAS mon portable. Ainsi, il n'y aura aucun doute sur le fait que je ne relève d'aucune des deux exceptions. Je ne suppose pas que le juge pense que je sois complice. On va supposer aussi qu'il n'y a aucune raison pour cela.

Il n'en reste pas moins que le juge peut considérer que je suis coupable du délit de filmer sciemment, qui constitue de par la nouvelle loi un délit défini assimilé à une "complicité", et qui n'est ici exonérable d'aucune des deux exceptions.
Forest Ent

Messages : 391

Lun 12 Mars, 2007 02:16

c'est parti... je préviens les allergiques, ce message contient de vrais morceaux de droits. :wink:

[hr]

I - Rappel : le texte applicable

Le nouvel article 222-33-3 du Code pénal (par commodité, l'article anti happy slapping) comporte 3 alinéas :

le premier vise l'enregistrement,
le deuxième vise la diffusion,
le troisième délimite le champ d'application de l'article, en excluant expressément 2 situations, à raison de la finalité de l'enregistrement.

A - Sur le premier alinéa :

« Est constitutif d'un acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 et est puni des peines prévues par ces articles le fait d'enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions. »

plusieurs conditions sont requises pour que l'infraction soit constituée :
1- le fait d'enregistrer des images
2- sciemment
3- relatives à la commission de ces infractions, c'est-à-dire les « atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31»
  • le fait d'enregistrer des images : tous les enregistrements (« par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit »), mais rien que les images (les enregistrements sonores ne sont pas concernés)
  • sciemment : c'est l'élément moral (au sens d'intentionnel) de l'infraction : il faut avoir voulu filmer l'agression, et non l'avoir enregistrée de façon fortuite. S'agissant d'un élément intentionnel, sa preuve peut être difficile à rapporter. En tout état de cause, la charge de la preuve pèse sur l'accusation et le doute profite au prévenu.
  • relatives à la commission de ces infractions, c'est-à-dire les « atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 »


c'est là que ça devient intéressant :
L'article précise clairement qu'il s'agit d'un « acte de complicité ».
Or, la complicité suppose par définition de se rattacher à une autre infraction principale, que l'on appelle aussi le fait principal punissable.

Ici, pour que l'article 222-33-3 puisse s'appliquer, il faut nécessairement que les actes enregistrés constituent des infractions visées par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31, soit :

1. des tortures ou des actes de barbarie (article 222-1)
2. des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7)
3. des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-9)
4. des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-11)
5. des violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, mais qui rentrent dans l'un des 13 cas énumérés par article 222-13
6. des viols (article 222-23)
7. des agressions sexuelles (article 222-27)
(qui seront donc appelées les 7 agressions de l'article anti happy slapping)

Les conséquences juridiques de ce rattachement :

- S'il est jugé que celui qui est poursuivi comme auteur n'a en réalité commis aucune infraction, celui qui est poursuivi comme complice ne peut être que relaxé.

- Si le fait principal a bien été commis mais n'est pas punissable (car il a été commis en état de légitime défense ; sous l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité légitime ; en état de nécessité, etc.) ou plus punissable (prescription par 3 ans pour les délits), alors il ne peut y avoir complicité

- D'un point de vue procédural, la complicité suppose d'abord l'existence d'un fait principal punissable et les juridictions de jugement sont tenues d'en constater la présence et de la caractériser sous peine de voir leurs décisions cassées
(jurisprudence abondante sur ce point : Cass. crim., 1er mars 1886 : Bull. crim. 1886, n° 56. - Cass. crim., 31 juill. 1895 : Bull. crim. 1895, n° 41. - Cass. crim., 12 févr. 1898 : Bull. crim. 1898, n° 63. - Cass. crim., 2 août 1912 : Bull. crim. 1912, n° 442. - Cass. crim., 28 juin 1917 : Bull. crim. 1917, n° 151. - Cass. crim., 1er mars 1945 : Bull. crim. 1945, n° 17 ; D. 1945, p. 265. - Cass. crim., 21 juin 1945 : JCP G 1945, IV, p. 90. - Cass. crim., 20 nov. 1945 : JCP G 1946, IV, p. 14. - Cass. crim., 28 nov. 1957 : Bull. crim.1957, n° 785. - Cass. crim., 2 juill. 1958 : Bull. crim. 1958, n° 513. - Cass. crim., 17 déc. 1959 : Bull. crim. 1959, n° 567. - Cass. crim., 27 déc. 1967 : Bull. crim. 1967, n° 190. - Cass. crim., 13 nov. 1973 : Bull. crim. 1973, n° 414 ; JCP G 1973, IV, p. 420. - Cass. crim., 7 mai 1979. - Cass. crim., 3 déc. 1980 : Bull. crim. 1980, n° 332. - Cass. crim., 1er déc. 1987 : Juris-Data n° 1987-002187 ; Bull. crim. 1987, n° 438. - Cass. crim., 28 mai 1990 : Juris-Data n° 1990-702296 ; Bull. crim. 1990, n° 124 ; Rev. sc. crim. 1991, p. 346, obs. G. Levasseur. - Cass. crim., 4 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-001847 ; Bull. crim. 1998, n° 83. - Cass. crim., 14 avr. 1999 : Bull. crim. 1999, n° 81 ; Rev. sc. crim. 1999, p. 809, obs. B. Bouloc).

B - Sur le deuxième alinéa :

« Le fait de diffuser l'enregistrement de telles images est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. »

La diffusion (sans précision quant à son mode) est sanctionnée indépendamment de l'enregistrement, mais ne concerne que "de telles images", c'est-à-dire "des images relatives à la commission de ces infractions", c'est-à-dire "des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31" (les 7 cas précités).

Donc même si la diffusion est érigée en infraction autonome, elle reste cependant étroitement liée au sort de l'enregistrement :
si l'enregistrement n'est pas punissable, la diffusion ne l'est pas non plus.
On raccroche donc son sort à tout ce que l'on vient de voir sur la notion de complicité et ses conséquences juridiques.

C - Sur le troisième alinéa :

« Le présent article n'est pas applicable lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice. »

Ce dernier alinéa précise le champ d'application de l'article.
Compte tenu du but de la loi, qui est de réprimer la pratique du happy slapping, la loi prévoit qu'elle ne s'applique pas lorsque la finalité de l'enregistrement ne rentre pas dans cette pratique, c'est-à-dire lorsqu'elle a pour finalité, soit d'informer le public (avec la formule malheureuse sur la profession), soit de fournir une preuve en justice.

La finalité est parfois difficile à prouver, surtout lorsqu'elle n'est restée qu'au stade de l'intention et n'a pas encore été concrétisée par des actes.

Dès lors, qui supporte la charge de cette preuve ?

Sans équivoque, l'accusation. Pourquoi ?

Car c'est à l'accusation de prouver que l'infraction est bien constituée.
Or nous l'avons vu, le fait de filmer est une condition nécessaire, mais pas suffisante :
il faut filmer certains actes, intentionnellement, qui eux-mêmes rentrent dans une certaine catégorie, et qui eux-mêmes sont punissables

L'accusation doit donc prouver que toutes les conditions d'application de l'infraction sont bien réunies en l'espèce, et notamment que le fait reproché rentre bien dans le champ d'application de l'article anti happy slapping (les 2 premiers alinéas).

Toute décision contraire ferait l'objet d'une réformation (en appel ou en cassation), en ce qu'elle ne caractériserait pas l'existence de l'infraction. C'est la traduction procédurale du principe constitutionnel de la présomption d'innocence.

Enfin, parler ici d'exceptions est un non sens :
Si exception il devait y avoir, elle serait plutôt inversée :
nous pouvons en principe filmer librement, sauf article anti happy slapping. Préciser que l'on échappe à sa sanction selon la finalité, ce n'est que le juste retour au principe. Et c'est à l'accusation de prouver que la finalité n'était pas noble mais répréhensible.


II Le texte appliqué

Reprenons à présent l'exemple donné par Forest Ent :

un méchant policier, dont on a convenu que ce n'était pas le cas majoritaire, commet une bavure en molestant un manifestant (bah oui dwarffy, je te réquisitionne pour mon cas pratique).
Son ami Forest Ent filme la scène volontairement.
Notre méchant policier le surprend, se remémore l'article 222-33-3 dont il a entendu parler sur le site d'odébi, et le met en garde à vue sur ce fondement.
Pour éviter de dévoiler sa bavure, il détruit l'enregistrement réalisé par Forest Ent :

Forest Ent a écrit:
leto_2 a écrit:Forest Ent me disait que s'il filmait une bavure, il risquait de se faire arrêter, au nom de cette nouvelle infraction.
Je lui réponds alors qu'en toute logique, ça ne pouvait pas fonctionner :
si le policier veut produire ta cassette, il prouve dans le même temps la bavure : ce n'est a priori pas son intérêt
si le policier efface la cassette, alors la preuve de ton infraction disparaît

Je ne vois pas la logique. Il n'y a pas besoin de cassette pour prouver. La caméra et la déclaration d'un policier assermenté suffisent amplement. C'est d'ailleurs le cas de beaucoup de condamnations pendant le CPE faite sur simples déclarations, ainsi que celle que j'ai citée en tout premier post.


Non, ça ne tient pas la route. Prouver ton infraction, c'est nécessairement prouver la sienne.
Sans fait principal punissable, il ne peut y avoir de complicité.

Poussons le raisonnement.
Un policier affirme avoir surpris une personne en train de filmer une agression.

Problème : la preuve matérielle de l'acte de complicité est absente (cassette effacée, détruite, pas trouvée, etc).

Mais ce n'est pas tout : il faut également prouver l'existence du fait principal punissable, c'est-à-dire l'une des 7 agressions visées par l'article anti happy slapping.

Et là, on rebute sur la même difficulté pour le policier : soit il reconnaît l'agression, et alors il se dénonce lui-même, soit il la nie, et alors, il ne peut y avoir de complicité.

Poussons encore le raisonnement dans l'absurde. Imaginons que le policier soutient qu'il y a bien eu une agression, objet de l'enregistrement.
Le juge s'intéresse immédiatement à ce délit principal qu'on lui rapporte : qui, quoi, où, comment ?

Interrogeons les protagonistes :
Réponse du cinéaste amateur : le policier a agressé une pauvre victime.
Réponse de la victime : le policier m'a agressé.

On peut facilement imaginer que le policier va se garder d'indiquer l'identité de la victime, qui sera alors prétendument non identifiée.
Or le juge a besoin de cette information, d'une part pour savoir si elle confirme ou non l'existence de l'agression, et d'autre part pour savoir si cette agression rentre dans l'un des 7 cas de l'article anti happy slapping, et si oui, lequel, car les peines encourues en dépendent.

Bref, sans victime, pas d'infraction principale, et sans infraction principale, pas de complicité, vous êtes libre M. Ent.

Bon, comme je sais que tu ne veux pas être libéré aussi facilement, imaginons que le policier (décidément aussi désœuvré que le le juge qui consacrerait son temps à cette affaire) confirme avoir frappé un manifestant, mais qu'en réalité il agissait sous le commandement de l'autorité légitime (en ayant appris que c'était un fait justificatif, l'exonérant de responsabilité pénale).
Mais alors, lorsque l'auteur bénéficie d'un fait justificatif (légitime défense, ordre de la loi et commandement de l'autorité légitime, état de nécessité), son complice est irresponsable faute de fait principal punissable (Cass. crim., 17 févr. 1981 : Bull. crim. 1981, n° 63).

Pas d'infraction principale, et sans infraction principale, pas de complicité, vous êtes libre M. Ent.

(petite pause, on respire)

"Mais mais mais, comment réussir à s'en sortir, si malgré tout par impossible, il est prouvé que l'on a bien filmé, intentionnellement, une agression prouvée, rentrant dans l'un des 7 cas visés, et punissable ?"

C'est là que l'on sort le joker de l'alinéa 3 : la finalité de l'enregistrement ou de la diffusion.

Parmi les 2 envisagées par le texte, la seconde peut s'appliquer à tous les justiciables : « lorsque l'enregistrement ou la diffusion [...] est réalisé afin de servir de preuve en justice. »

je profite de cette occasion pour éclaircir quelque chose :
nul besoin d'intenter un procès contre quiconque pour rentrer dans cette exception. Il ne s'agit, comme j'ai pu le lire, ni d'intenter une action contre l'auteur de l'agression, ni contre le média censeur. Une telle action serait d'ailleurs irrecevable, faute d'intérêt juridique à agir (faute d'avoir la qualité de victime de l'agression).


Mc Gyver présente : "comment s'affranchir de la loi avec un timbre" :

Une simple lettre suffit :
Monsieur le Procureur de la République,

j'ai été le témoin d'une agression (préciser les circonstances).
Ayant pu filmer la scène, je tiens cet enregistrement à votre disposition, afin qu'il puisse servir de preuve en justice en cas de poursuites.

Veuillez recevoir mes salutations respectueuses,

Forest Ent.


"C'est bien joli cette lettre, mais si je suis arrêté sur le champ pendant que je filme, je n'ai pas pu la la rédiger !"
- Malheureux qui ose battre le pavé sans ta lettre de sauf-conduit en poche gracieusement offerte par Framagora, il te suffira de rétorquer à celui qui te reprochera de n'avoir pas encore signalé cet enregistrement à la justice :
"Et pour cause, vous m'avez arrêté sur le champ alors que je filmais : c'est vous qui ne m'avez pas laissé la possibilité de le faire. J'y procéderai donc dès ma présentation au juge ou lors de ma remise en liberté".

Enfin, comme je souhaite devancer les désirs des véritables affranchis, dont l'exercice absolu de la liberté ne peut supporter justement l'idée d'un affranchissement, je vous offre la variante sans frais de ports.
Il se trouve que l'on peut écrire en dispense de timbre au Président de la République. Il se trouve également qu'il est le premier magistrat de France, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire en vertu de l'article 64 de la Constitution et président du Conseil Supérieur de la Magistrature en vertu de l'article 65.
Il suffit alors de reprendre le même modèle de lettre en l'adaptant son nouveau destinataire.


Pour peu que le nouveau Président se prénomme Nicolas, et alors la boucle sera bouclée. ;-)
leto_2

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