Nous sommes le Jeu 26 Juin, 2025 18:51
Supprimer les cookies

Un internaute condamné à 2 mois de prison avec sursis

Le Libre soulève de nombreuses questions, notamment sur la vente liée, les verrous numériques, les libertés numériques.., Parlons-en avec écoute et respect de l'autre.

Mar 16 Jan, 2007 12:27

C'est la seconde fois depuis le vote de la loi DADVSI, que les tribunaux ne suivent pas les recommandations de RDDV et condamnent un internaute à une peine de prison. ...

A Nantes, le jeudi 11 janvier, un internaute a été condamnné à 2 mois de prison avec sursis pour avoir téléchargé environ 400 films. Il devra aussi verser 10 euros par film de dommages et intérêts au syndicat des éditeurs de vidéos (SEV) et à la fédération nationale des films qui s'étaient constitués partie civile.

Lire ici l'article en ligne du Nouvel Obs.
Un internaute condamné à 2 mois de prison avec sursis

Ceci est à rapprocher de la "lettre ouverte aux internautes" du 28 juillet 2006 de RDDV, et qui est encore consultable en ligne sur le site du Ministère de la Culture :
Lettre ouverte aux internautes - vendredi 28 juillet 2006

Je cite :
.../...
Sur les sanctions, je prends acte de la disjonction de l’article 24 du projet de loi. L'objectif de cet article était de remplacer les peines de prison encourues aujourd'hui par les internautes par un système de contravention plus adapté. Je regrette que la saisine des députés de l’opposition ait eu pour conséquence de rétablir ces peines, cependant il est nécessaire que les sanctions soient justes et proportionnées en fonction de la gravité des faits. C'est la raison pour laquelle je vais saisir le Garde des Sceaux afin que les poursuites soient orientées vers les cas les plus graves. Je le répète, il n’y aura pas de peines de prison contre les internautes qui téléchargent. Le projet de loi vise prioritairement les entreprises qui gagnent de l'argent sur le dos des artistes et des internautes à l'aide de logiciels qui organisent le pillage des œuvres. Ces entreprises doivent être sanctionnées.

Enfin, ne perdons pas de vue l'essentiel du projet de loi : créer les conditions pour que se multiplient les offres de musiques et de films sur Internet : offres diversifiées, à des prix raisonnables et lisibles sur tous les supports. Internet est une chance formidable pour les artistes de conquérir de nouveaux publics, c'est également un outil efficace pour rapprocher les passionnés des créateurs en diminuant les intermédiaires.

Ensemble construisons un Internet de contenus où l'uniformisation cède la place à la diversité : il paraît que c'est le Web 2.0.

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication



Le Garde des Sceaux, selon le ministre, devait demander à ne pas "poursuivre" les cas les moins graves.


Nous sommes dans une République où, selon la Constitution la magistrature est libre, y compris celle du parquet.
C'est mentir aux Français que de faire croire que les tribunaux vont suivre les circulaires.
La définition de la peine reste du ressort du juge.

Il s'agit d'une promesse purement politique de la part de RDDV...

[edit leto_2 : correctif du lien vers l'article du Nouvel Obs]
" Software is like ***spam***... It's better when it's free. " - Linus Torvalds
L'utilisateur Saint-Chinian a définitivement quitté Framagora
Saint-Chinian, parti

Messages : 2239
Géo : Paris

Jeu 01 Mars, 2007 01:23

Saint-Chinian, parti a écrit:C'est la seconde fois depuis le vote de la loi DADVSI, que les tribunaux ne suivent pas les recommandations de RDDV et condamnent un internaute à une peine de prison. ...

A Nantes, le jeudi 11 janvier, un internaute a été condamnné à 2 mois de prison avec sursis pour avoir téléchargé environ 400 films. Il devra aussi verser 10 euros par film de dommages et intérêts au syndicat des éditeurs de vidéos (SEV) et à la fédération nationale des films qui s'étaient constitués partie civile.


j'exhume ce sujet, car je viens de lire le texte du jugement.

En réalité, il a été condamné à 2 mois de prison avec sursis pour contrefaçon mais pas seulement : il lui était également reproché d'avoir commis une escroquerie à l'assurance.
Ce n'est donc pas une peine de prison (avec sursis) prononcée du seul fait de contrefaçon, comme le laissait penser le Nouvel Obs.

le Tribunal a écrit:Il ressort de la procédure d’enquête les faits suivants :

le 27 avril 2004, Cynthia C. avisait la gendarmerie d’un cambriolage survenu dans le logement qu’elle partageait avec Sébastien G. alors hospitalisé. Un bris de vitre était constaté et Cynthia C. déplorait le vol de matériel Hifi, vidéo et DVD. Deux jours plus tard, Sébastien G., déposait également plainte et évoquait la possibilité qu’un certain Wilfried G. ait commis le vol. Ce dernier était entendu et tout en réfutant ce délit indiquait que Sébastien G. se faisait connaître sur MSn comme ayant 350 Divx en sa possession et qu’il lui avait permis d’en copier plusieurs dizaines ;

Compte tenu de ces allégations, une perquisition était effectuée chez le couple G.-C. le 10 août 2005 et permettait de découvrir le matériel prétendument volé, ainsi que du matériel informatique comportant notamment 2 graveurs, 218 CD-R de copie de jeux PS2, 27 copies de logiciels de loisirs de bureautiques, 224 Divx et 147 CDR de copie de films ;

Cynthia C. et Sébastien G. reconnaissaient avoir déposé une plainte pour des faits qu’ils savaient être faux. C’est Cynthia C. qui se déplaçait pour remplir une déclaration auprès de l’assureur Pacifica - Crédit Agricole, puis son compagnon et elle adressaient un complément de déclaration afin d’obtenir un dédommagement qui était effectivement perçu ;

Les faits d’escroquerie sont donc établis à l’encontre de Cynthia C. et de Sébastien G. ;


(se méfier de l'effet boomrang)

En revanche, sur le plan civil (=indemnisation du préjudice causé aux victimes de l'infraction), l'ardoise est salée :

le Tribunal a écrit:Attendu que Gaumont Columbia Tristar Home Video, Twentieth Century Fox Home Entertainment, Buena Vista Home Entertainment, MGM Home Entertainment France, Paramount Home Entertainement France, Universal Pictures Video, Warner Bros France sont recevables, leur préjudice lié à l’exploitation gratuite sans autorisation des œuvres étant avéré ; qu’en revanche il ne peut être reproché à Sébastien G. seul d’avoir perturbé le marché de l’édition vidéo et d’avoir porté atteinte à l’image de marque, la reproduction n’ayant pas parodié les originaux ; que dès lors il y a lieu de réduire le montant des dommages-intérêts à hauteur du préjudice constitué par la perte de chance des bénéfices commerciaux évalués à 10 € par DVD contrefait ;


Ce qui donne compte tenu du nombre des oeuvres contrefaites :

le Tribunal a écrit:Condamne Sébastien G. à payer aux parties civiles :
- Gaumont Columbia Tristar Home Video la somme de 290 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
- Twentieth Century Fox Home Entertainment la somme de 200 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
- Buena Vista Home Entertainment la somme de 420 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
- MGM Home Entertainment France la somme de 10 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
- Paramount Home Entertainement France la somme de 100 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
- Universal Pictures Video la somme de 190 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
- Warner Bros France la somme de 130 € à titre de dommages-intérêts et celle de 60 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

(pour info, les sommes attribuées sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale servent à couvrir -très imparfaitement- les frais de justice engagés par la victime)

Mais il échappe à la peine complémentaire stigmatisante de la publication de la condamnation, pour un motif original :

le Tribunal a écrit:Attendu qu’au regard de la date des faits, époque à laquelle était débattu publiquement sur la liberté des téléchargements et s’agissant d’un particulier, il n’y a pas lieu d’ordonner la publication ;


Le jugement dans son intégralité : ici.
leto_2

Messages : 2305

Jeu 01 Mars, 2007 08:56

Mais il échappe à la peine complémentaire stigmatisante de la publication de la condamnation, pour un motif original :

Mais la condamnantion est quand même publiée, notamment via le texte que tu cites. Est-ce que tu pourrais expliquer un peu plus cette phrase? Merci
moron

Messages : 366

Jeu 01 Mars, 2007 10:44

bonjour moron,

oui, j'explique volontiers :

les textes applicables :

- accessoirement à la peine principale, le code pénal peut prévoir des peines dites complémentaires, dont la publication fait partie.
Il s'agit de faire publier la décision de condamnation, aux frais du condamné, sur un support adapté (presse, site internet, etc).

Voici ce que prévoit l'article 131-35 du code pénal :

131-35 du Code pénal a écrit: La peine d'affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci est à la charge du condamné. Les frais d'affichage ou de diffusion recouvrés contre ce dernier ne peuvent toutefois excéder le maximum de l'amende encourue.
La juridiction peut ordonner l'affichage ou la diffusion de l'intégralité ou d'une partie de la décision, ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci. Elle détermine, le cas échéant, les extraits de la décision et les termes du communiqué qui devront être affichés ou diffusés.
L'affichage ou la diffusion de la décision ou du communiqué ne peut comporter l'identité de la victime qu'avec son accord ou celui de son représentant légal ou de ses ayants droit.
La peine d'affichage s'exécute dans les lieux et pour la durée indiqués par la juridiction ; sauf disposition contraire de la loi qui réprime l'infraction, l'affichage ne peut excéder deux mois. En cas de suppression, dissimulation ou lacération des affiches apposées, il est de nouveau procédé à l'affichage aux frais de la personne reconnue coupable de ces faits.
La diffusion de la décision est faite par le Journal officiel de la République française, par une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique. Les publications ou les services de communication au public par voie électronique chargés de cette diffusion sont désignés par la juridiction. Ils ne peuvent s'opposer à cette diffusion.


Le but est à la fois de le punir, en portant cette condamnation à la connaissance du public (stigmatisation), mais également un rôle préventif, pour rappeler aux justiciables l'existence de cette règle et les peines encourues en cas de violation

A cet égard, l'article 26 de la fameuse loi DADVSI étend les peines complémentaires du délit de contrefaçon, aux nouvelles infractions de contournement des mesures techniques de protections (MTP, DRM) :

l'article L335-6 du Code de la propriété intellectuelle a écrit:En cas de condamnation pour l'un des délits prévus et réprimés au présent chapitre, le tribunal peut prononcer la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par l'infraction ainsi que celle de tous les phonogrammes, vidéogrammes, objets et exemplaires contrefaisants ou reproduits illicitement et du matériel spécialement installé en vue de la réalisation du délit.
Il peut également ordonner, aux frais du condamné, l'affichage du jugement prononçant la condamnation dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 131-35 du code pénal, ainsi que sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'il désigne, sans que les frais de cette publication puissent excéder le montant maximum de l'amende encourue.


La circulaire d'application de la fameuse loi DADVSI adressée en janvier aux tribunaux leur rappelle d'ailleurs cette faculté.

en l'espèce :

- ici, le Tribunal n'a pas estimé utile d'ordonner cette publication, s'agissant d'un particulier (il en eut été sans doute autrement en cas de contrefaçon organisée) et puisque la question du téléchargement avait fait l'objet de débats dans les média (= les justiciables sont donc suffisamment informés, la publication est inutile).


- donc la publication faite sur legalis n'est pas la publication prévue par la loi pénale :
elle ne comporte pas le nom des parties, elle n'est pas publiée à leur frais et sa finalité est étrangère à toute idée de peine : elle est faite essentiellement pour l'information des pratiquants du droit (universitaires, magistrats, avocats, étudiants, etc).
leto_2

Messages : 2305

Jeu 01 Mars, 2007 11:07

Ok, pigé. Merci pour les précisions.
moron

Messages : 366

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit