Je ne sais pas si vous êtes au courant (on l'est rarement), mais le 3 décembre c'est la journée internationale des handicapés (organisée par l'ONU depuis 1992). Elle a bien sûr (comment ça, « bien sûr » ?) beaucoup moins d'impact qu'une journée de la femme ou qu'une journée de l'enfant. Question de statistiques, je suppose. En même temps, la journée de l'enfant surmédiatisé victime d'une maladie génétique télévisée (qui a dit « téléthon » ?) reçoit une grande attention, alors qu'elle concerne beaucoup moins de personnnes.
Mais je crois que nous tomberons d'accord pour dire que l'attention que l'on porte à une cause ne doit pas uniquement être proportionnelle au nombre de personnes concernées (dans le cas des handicaps divers : juste quelques millions en France, donc pas grand chose).
Cette année, la journée internationale des handicapés est placée sous le signe de l'accessibilité numérique. Kézako ?
Tout simplement, le machin que l'on nomme « internet » a un potentiel énorme pour l'autonomisation des personnes handicapées. Cela permet théoriquement d'accéder à des services courants de la société depuis chez soi, sans avoir besoin de sortir (parfois difficile ou impossible), de se confronter inutilement à des personnes avec qui on pourrait avoir du mal à communiquer (cécité partielle ou totale, surdité partielle ou totale, troubles cognitifs, etc.). Pouvoir utiliser des services courants depuis chez soi, ça n'est pas la panacée, mais c'est déjà un grand progrès pour beaucoup de monde (pas uniquement les no-life qui jouent à WOW, donc...).
Mais bon, tout ça, ça reste globalement théorique. En pratique, les sites web ne sont pas conçus pour respecter les normes d'accessibilité qui garantissent autant que possible l'accès des contenus et des fonctionnalités à tous, quels que soient :
- le matériel utilisé (système d'exploitation, résolution d'écran, terminaux mobiles...) ;
- le moyen technique d'accès au site (navigateur graphique, navigateur textuel, lecteur d'écran pour les aveugles et malvoyants, navigation au clavier, dispositif de pointage spécifique, etc.).
Je vous laisse tenter d'accéder aux sites de la SNCF depuis un navigateur non graphique (lynx, par exemple), juste pour rigoler... Bon, je ne multiplie pas les exemples.
Oui mais c'est une histoire de webmaster tout ça, pourquoi je devrais m'en préoccuper ?
Déjà, parce que si seules les associations de personnes handicapées réclament une meilleure prise en compte, on n'est pas sortis de l'auberge ! Les sites publics se mettront sans doute au pas (il y a une loi en ce sens depuis 2005, mais l'application est retardée...), mais la plupart des acteurs du secteur privé finiront pas répondre : « C'est bien joli l'accessibilité, mais c'est pas ça qui va m'attirer du traffic supplémentaire ! ».
C'est là qu'il faut inverser la tendance. Vous êtes un utilisateur « lambda », un coeur de cible, vous utilisez le système d'exploitation majoritaire (windows), le navigateurs majoritaire (internet explorer), ou à la rigueur le deuxième du marché (Firefox), et vous n'avez pas le moindre handicap ? Vous pouvez réclamer l'accessibilité tout de même, pour les autres. Et peut-être pour vous, car les handicapés ce ne sont pas « les autres », mais c'est potentiellement vous également : accident, vieillesse, naissance d'un enfant handicapé : ça pourrait vous tomber dessus plus facilement que vous ne le pensez (Elie Sloïm en parle ici).
Réclamez l'accessibilité, nom de dieu ! Lorsque ce genre de préoccupations « humanistes » se répandent dans la population, les acteurs économiques sont obligés d'en tenir compte : voir à ce propos le nombre de publicités qui, à l'automne 2006, vantent les économies d'énergie, les réductions de pollution, etc.
Comment réclamer plus d'accessibilité sur les sites web ? Déjà, vous pouvez relayer l'appel de Monique Brunel. Le but : faire la publicité de la journée internationale des handicapés et de l'accessibilité numérique. En parler autant que possible. Sur votre blog, sur les forums, à vos amis, etc.
Vous pouvez, si vous avez peur de dire des bêtises sur le sujet, et en guise d'inspiration, reprendre cette description du paradoxe de l'accessibilité par Tristan Nitot (Mozilla Europe, Openweb) :
Enfin, il convient de rappeler ce que j'appelle le paradoxe de l'accessibilité, que je mentionne régulièrement dans mes interventions publiques. Ce paradoxe, c'est que les personnes qui ont le plus besoin du Web sont les personnes handicapées. Et malgré tout, ce sont les personnes qu'on a le plus tendance à oublier quand on fait (mal) un site. En quoi puis-je affirmer qu'elles ont le plus besoin du Web ? C'est tout simple : quand vous êtes aveugle, mal-voyant, atteint d'un handicap physique ou mental, vous devez interagir avec des services proposés par la société. Ca peut être obtenir un relevé de banque, afficher des horaires de cinéma, acheter un billet de train. Et plus vous pouvez faire ces transactions de la manière qui vous convient, à votre rythme, avec l'interface qui s'adapte à vos besoins et sans avoir à vous déplacer jusqu'à un guichet en ville, plus vous vous insérez dans la société. Pourtant, ils sont les grands oubliés de la révolution numérique, ce qui est d'autant plus navrant que le document électronique, par sa nature, est le seul qui puisse s'adapter aux exigences (ou limites) de son utilisateur : on peut lire un texte électronique à haute voix, l'afficher en gros caractères à fort contraste, au rythme que l'on souhaite.
Source : http://standblog.org/blog/2006/04/06/93 ... -pour-tous
En note finale, je rappelerai que l'accessibilité ne concerne pas que les handicapés, mais tous les utilisateurs : il suffit d'utiliser un navigateur non prévu par le webmaster, d'avoir un écran trop petit ou trop large, et on se retrouve avec une page chamboulée, une fonctionnalité qui ne marche plus, ou un texte trop petit pour être lisible...
Un site web plus accessible profite donc à tout le monde.

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