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Page 1 sur 21, 2 SuivantL.Fabius contre "marchandisation" et DADVSI

Le Libre soulève de nombreuses questions, notamment sur la vente liée, les verrous numériques, les libertés numériques.., Parlons-en avec écoute et respect de l'autre.

Lun 07 Août, 2006 21:12

Laurent Fabius, candidat à l'investiture présidentielle, sur son blog se livre à une attaque en règle contre la DADVSI et s'oppose à la "marchandisation" d'internet.

Propositions ayant fait l'objet d'une dépèche AFP : Fabius fait des propositions contre la "marchandisation" d'internet


LE TEXTE INTEGRAL :
A lire sur le blog de Laurent Fabius ici

07 août 2006
Les chances de la société numérique

Je vous propose de prendre connaissance de la tribune ci-dessus sur les enjeux d'internet et de la société numérique. Dans ce texte, je prends position notamment sur la loi DAVDSI. Je développe les grandes orientations que je propose d'appliquer après 2007 pour mieux garantir les droits fondamentaux numériques et pour créer une société de l’information authentiquement démocratique. Ces questions sont importantes. Je serais très heureux de recueillir vos suggestions et réactions. A très bientôt, Laurent Fabius.

L’avènement de la société numérique constitue une révolution technologique dont les implications économiques, sociales, territoriales mais aussi culturelles et démocratiques sont évidemment considérables. Le progrès potentiel pour les individus et les sociétés ne va pas sans risques, qui demandent une intervention de la puissance publique. Je pense notamment à la persistance d’une fracture numérique, tant au sein des sociétés développées qu’entre le Nord et le Sud, ou encore à la volonté de mainmise sur la diffusion des œuvres et des idées de certaines multinationales et puissances financières.


Le débat passionné suscité en France par la loi sur les « Droits d’Auteurs et Droits Voisins dans la Société de l’Information » (DAVDSI) a été un révélateur de la lutte mondiale engagée entre les partisans d’une marchandisation d’Internet et ceux qui souhaitent construire un nouveau modèle fondé sur la liberté, l’égalité et la coopération solidaire. Dans ce contexte, je pense que la France doit prendre clairement position en faveur du second modèle. Le projet des socialistes comporte à cet égard des éléments positifs. Pour Internet, des décisions importantes devront intervenir durant la prochaine législature. J’aimerais formuler ici quelques propositions pour une société numérique où seront garantis plusieurs droits fondamentaux : la liberté de circulation des œuvres et du savoir, la juste rémunération des auteurs (créateurs et interprètes), l’égalité d’accès à l’Internet et à son contenu, la solidarité citoyenne et le débat démocratique.


* * *

La droite a choisi son camp : en matière d’Internet comme dans les autres domaines, elle soutient les intérêts des plus puissants. La loi DAVDSI, adoptée récemment par le Parlement avec le soutien de N. Sarkozy, est principalement centrée sur les préoccupations des « majors » de l’industrie culturelle et des multinationales américaines de l’informatique. C’est une loi de nature répressive et régressive qui risque d’assujettir, à bien des égards, notre pays et ses talents à la domination anglo-saxonne.

Je veux être précis, car le débat a été souvent mal posé. Plusieurs partisans de la loi DAVDSI ont voulu la présenter comme une réponse aux problèmes posés par le développement des systèmes d’échange de fichiers entre particuliers. Ils ont prétendu qu’elle permettrait surtout de protéger les auteurs contre les « pirates » de l’échange gratuit. La réalité est différente. La loi ne protège pas tant les auteurs que certains groupes de l’industrie culturelle et informatique. Elle renforce les intermédiaires, et non les créateurs. Voilà pourquoi on peut être comme moi opposé à DAVDSI et soucieux de la juste rétribution des créateurs, auteurs et interprètes.

Plus précisément, cette loi pose à mes yeux au moins trois problèmes majeurs.

D’abord, elle constitue la transposition en droit français d’une directive européenne « marquée par l'approche anglo-saxonne du copyright », selon les termes du rapporteur à l’Assemblée nationale. Or le système du copyright protège avant tout l'ayant droit qui détermine les modalités d'utilisation d'une œuvre (diffusion, distribution, copie ou reproduction), c'est-à-dire l’industrie culturelle. Il ne reconnaît pas de droit moral de l’auteur sur son œuvre. Un exemple récent est venu nous le rappeler. Au nom d’impératifs de marketing, la bande-son du film « La Marche de l’Empereur » a été modifiée pour le marché américain, contre l’avis des auteurs. Non seulement le droit moral de l’auteur sur son œuvre est bafoué, mais la création artistique se trouve confinée dans des stéréotypes culturels supposés plus accessibles. L’uniformisation culturelle est en marche ! La France dispose d’un système du droit d’auteur plus juste et plus efficace. Il est regrettable que le développement d’internet soit utilisé pour battre en brèche cette spécificité du droit français, que je persiste à vouloir préserver, parce qu’il permet de ménager à la fois, l’autonomie de la création et l’utilisation de cette création.

Autre point : le respect du droit des « consommateurs ». C’est en 1985, lorsque j’étais Premier ministre, que fut introduite en France la législation qui autorise la copie privée des œuvres culturelles, moyennant paiement d’une redevance. Un quart des sommes ainsi collectées est consacré au soutien à la création artistique.

La loi DAVDSI, en permettant la mise en place de procédés techniques interdisant la copie et en pénalisant leur contournement, revient sur ce droit. En outre, la légalisation de l’introduction de « mouchards » informatiques dans les œuvres pourrait menacer la liberté et la vie privée.

DAVDSI concerne également l’avenir du modèle économique du secteur culturel. Soyons clairs : la révolution numérique permet de dématérialiser largement la diffusion des œuvres, et nous ne sommes qu’au début de ce processus. Les « majors » de l’industrie culturelle risquent de voir l’origine de leurs profits – la production, la diffusion et la commercialisation des supports matériels des œuvres – remise en cause. Leur empressement à faire adopter partout dans le monde des législations comparables à la loi DAVDSI vise plutôt à les protéger contre les conséquences de cette révolution technologique qu’à les adapter à ce nouveau modèle technologico-économique. Doit-on se laisser prendre à ce jeu, dont elles seraient les seules gagnantes, au détriment des auteurs et des utilisateurs ? Je ne le pense pas. Un équilibre est nécessaire. Il faut protéger les droits des artistes, des interprètes et des auteurs, parce qu’ils sont à la source de la création. Pour sa part, l’industrie culturelle a droit à une rémunération pour la valeur ajoutée et les services qu’elle apporte.


* * *

Pour toutes ces raisons, et sans même invoquer la récente décision du conseil constitutionnel qui en aggrave la logique répressive, il nous faudra revenir sur cette législation après 2007. Une nouvelle loi devra intervenir après une réelle consultation de l’ensemble des acteurs. L’objectif de cette nouvelle loi sur la société numérique sera de développer les chances de la révolution internet.

1) La chance de favoriser la liberté et la libre circulation des idées et des œuvres de l’esprit et du savoir. La numérisation permet presque sans coût une diffusion immédiate de toutes les œuvres intellectuelles ou culturelles. Ce peut être un progrès considérable pour l’humanité et une chance pour la démocratie, à condition que des précautions soient prises pour la légitime protection des auteurs. Notre responsabilité est de faire fructifier ce capital pour le bien de tous.

Dans cet esprit, la multiplication des échanges doit être encouragée. Cela nous pousse à adopter et à inventer de nouveaux modes de rémunération des créateurs, auteurs et interprètes. Pour cela, certains ont proposé le mécanisme de la « licence globale », qui avait apparemment l’attrait de la simplicité mais qui présentait des inconvénients réels. Le débat doit se poursuivre, afin de dégager une solution viable et véritablement respectueuse des intérêts légitimes de toutes les parties. Il est indispensable de parvenir à concilier la liberté des internautes et les droits des auteurs.

Nous devons refuser les revendications des grandes firmes détentrices de brevets et autres droits d’exploitation des œuvres de l’esprit qui visent à restreindre l’accès à la culture et à la connaissance. A l’heure de la mondialisation, alors qu’on exige une circulation sans entrave des capitaux, on voudrait entraver la circulation des idées ? Nous devons protéger la connaissance et la culture de la marchandisation, c’est une question de civilisation.

Nous devons également protéger la vie privée. Les technologies numériques, notamment par le biais des « mouchards » informatiques, possèdent un potentiel intrusif considérable. Les pouvoirs publics, comme les puissances économiques, devront refuser la mise en place de mécanismes permettant de tout connaître et tout contrôler sur le citoyen ou sur le client, ou d’exploiter ces données à des fins commerciales. Le cas de la collaboration des compagnies informatiques américaines avec le pouvoir chinois représente un contre-exemple à éviter. Les évolutions technologiques doivent se faire dans le respect des droits du public, dont celui de lire ou de copier à des fins personnelles les œuvres avec les outils de son choix. Elles devront aussi respecter les libertés publiques, dont celles de n'être, personnellement ou pour ses usages de l’internet, ni tracé ni fiché.

2) La chance de permettre un égal accès de tous à la culture et à la connaissance numérique. L’accès à internet, grâce aux technologies sans fil, sera bientôt possible à partir de n’importe quel point du globe. Pour que tous en profitent réellement, une politique volontariste est nécessaire.

Il s’agit d’abord de permettre l'accès universel à l’internet de haut débit. Cela implique une aide financière aux plus modestes pour la souscription de l'abonnement internet. Dans cette perspective, le mécanisme proposé récemment par le gouvernement ne me parait pas pertinent. Il repose sur un prêt bancaire et représente au total un coût important entièrement supporté par les personnes concernées. On reste dans une logique commerciale, alors qu’il faudrait concevoir et garantir Internet comme un bien public. Œuvre humaine globale, Internet doit son essor à l’extraordinaire diversité et souplesse de ses accès : la jouissance de tel service ou contenu par un individu, loin d’en interdire l’usage à un autre, renforce son intérêt pour chacun. En ce sens, comme l’expriment les juristes lorsqu’ils caractérisent un bien public, Internet est bien un lieu de non-rivalité et de non excluabilité. Mais ces accès ne sont pas toujours garantis dans les faits. Il est de la responsabilité de la puissance publique d’assurer une égale répartition des accès et des savoirs permettant la pratique courante d’Internet. Nous devrons proposer, dès l’an prochain, un plan plus juste et plus efficace visant à garantir un accès universel à Internet. Pourraient être envisagées, une allocation de base sous conditions de ressources ou une tarification sociale. S’agissant des territoires les moins accessibles, pourquoi ne pas recourir à la création de réseaux numériques d'initiative publique ?

Bien entendu, cette égalité restera virtuelle si les individus ne reçoivent pas l’éducation et la formation indispensables. C’est un grand enjeu pour notre système éducatif. La formation et l’accès à internet dans les structures d’aide sociale et de recherche d’emplois devront également être renforcés. Dans le même esprit, il faudra trouver les moyens de garantir « l’exception pédagogique » pour permettre aux établissements d’enseignement et de formation d’avoir un accès facilité aux supports numériques.

La contribution d’Internet au débat citoyen, à la pluralité des expressions publiques et à la formation du jugement politique devra être reconnue et encouragée. A titre personnel, je compte utiliser fortement Internet dans le débat présidentiel de 2007. J’ai fait le choix d’un site de contenu – www.laurent-fabius.net – sur lequel les internautes sont invités à s’exprimer – ce qui est bien le moins – mais où ils peuvent aussi prendre connaissance de mes déclarations depuis 2002, réagir à mon blog, et écouter mes podcasts réguliers. Pour moi, Internet ne doit pas servir de prétexte pour éviter ses responsabilités de décideur politique et ne rien proposer de précis. La véritable interactivité suppose que les responsables politiques s’engagent. Oui au dialogue, non à la défausse.

3) La chance de nous affranchir des contraintes de la marchandisation abusive. Les mécanismes solidaires et collectifs doivent être développés dans l’internet au détriment des projets exclusifs de privatisation de l’espace numérique. Une idée radicalement novatrice serait qu’internet soit reconnu, au plan international, comme un bien public mondial, première pierre d’un droit international refusant la privatisation de la société numérique. Cette initiative pourrait être prise dans le cadre de l’UNESCO. Jusqu’à présent, le développement d’internet a permis de renforcer les rapports de domination des multinationales anglo-saxonnes et du Nord sur le Sud. Il faut enrayer cette tendance. Un des moyens consiste à favoriser les logiciels libres et les standards ouverts, faisant ainsi échec aux tentatives de brevetage des logiciels et des technologies numériques.

Les services publics, les administrations – et en priorité l’Education nationale et l’Armée -, devront y recourir de manière plus systématique. C’est un objectif d’intérêt national permettant d’assurer l’indépendance de notre pays, de sa culture et de ses habitants. C’est aussi un objectif économique. La commande publique doit permettre de stimuler la croissance économique du secteur français et européen du logiciel libre, que les évolutions légales et réglementaires ne devront pas entraver.


* * *

On le voit, derrière les débats techniques sur DADVSI pointent des enjeux de civilisation. Pour Internet, face à un scénario « orwellien », nous devons proposer un modèle de solidarité, de liberté, d’accès aux savoirs pour tous. Là aussi, c’est à la France et singulièrement à la gauche de le promouvoir.


Dommage que Laurent Fabius ne soit pas intervenu plus tôt dans ce débat ...
Saint-Chinian, parti

Messages : 2239
Géo : Paris

Lun 07 Août, 2006 21:43

Il faut lire les commentaires pertinents de Guillaume Champeau sur ratiatum au sujet de cette déclaration :

ICI

Fabius fait entrer DADVSI dans les présidentielles 2007
Publié le Lundi 07 août 2006, à 17H59 (+0200 GMT)
Par Guillaume Champeau

Le droit d'auteur est l'invité surprise des élections présidentielles de 2007. Avec un texte de conciliation plus sévère qu'avant son adoption, DADVSI oblige les présidentiables à avancer leurs pions et leurs idées pour le droit d'auteur sur Internet. Laurent Fabius fait semblant de commencer.

Pour le moment il s'agit surtout d'une lutte interne au sein du Parti Socialiste. Nous le disions la semaine dernière, les socialistes sont d'accord pour critiquer DADVSI mais ils s'éttripent encore dans les salons pour savoir s'il faut vraiment changer la loi. A huit mois des élections, il s'agit au fond de savoir qui parmi les présidentiables socialistes osera abandonner le plus de la tradition du parti, proche de l'industrie culturelle, pour se rapprocher des intérêts du public internaute.

Ségolène Royal a parlé la première en prenant clairement des positions opposées à Jack Lang, le Renaud Donnedieu de Vabre socialiste (et ça n'est pour beaucoup pas un compliment). Aujourd'hui c'est Laurent Fabius, autrefois le plus jeune Premier ministre de l'histoire de la Cinquième République, qui veut montrer qu'il regarde vers l'avenir. "A titre personnel, je compte utiliser fortement Internet dans le débat présidentiel de 2007", annonce-t-il sur son blog. Et c'est bien sûr DADVSI qui entre en campagne numérique avec lui.
.../...
Pour le moment, seule Ségolène Royal n'a pas eu peur de lever le tabou.
(merci Fulgore)

Lire l'article complet en ligne




:wink:
Dernière édition par Saint-Chinian, parti le Lun 07 Août, 2006 22:19, édité 1 fois au total.
Saint-Chinian, parti

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Géo : Paris

Lun 07 Août, 2006 22:16

En effet, il arrive un peut tard.. SR avait au moins eu le mérite de s'exprimer avant que les carottes ne soient cuites :o
Ca aurais p'tet servis a quelque chose, parceque honnetement, de toute facon, il a autant de chance d'etre candidat socialiste qu'une 125 de mettre une tôlée à une hayabusa, alors faire des déclaration de bonnes intentions "s'il est élu"..

tout est dit dans le commentaire "personnalisé" de G champeau, d'ailleurs: "Laurent Fabius reconnaît les symptômes de la maladie, il semble même en percer le remède, mais il se refuse à rédiger la prescription."
blastm

Messages : 663

Lun 07 Août, 2006 22:25

blastm a écrit:En effet, il arrive un peut tard.. SR avait au moins eu le mérite de s'exprimer avant que les carottes ne soient cuites


La candidate Ségolène Royal, à mon avis, la mieux placée pour le moment pour être la candidate socialiste à la Présidentielle, au moins n'a pas eu peur de lever le tabou de la "Licence Globale".

:P
Saint-Chinian, parti

Messages : 2239
Géo : Paris

Mar 08 Août, 2006 18:20

Toujours facile d'arriver après la bataille et de jouer les grands offusqués !!!
alric95

Messages : 99

Mar 08 Août, 2006 18:38

blastm a écrit:Ca aurais p'tet servis a quelque chose, parceque honnetement, de toute facon, il a autant de chance d'etre candidat socialiste qu'une 125 de mettre une tôlée à une hayabusa, alors faire des déclaration de bonnes intentions "s'il est élu"..


Je sais que la télévision a cessé de nous parler des législatives, et que tout le monde semble penser que l'avenir de la France se joue lors des présidentielles, mais n'oublions pas que ces lois liberticides viennent souvent des députés, et que si Fabius a effectivement peu de chances d'être présidentiable, il a plus de chances de garder son mandat de député de Seine-Maritime... Sa position (comme celle des autres d'ailleurs) est donc bonne à connaître aussi dans ce cadre.
Sebastien

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Géo : Sainte-Marie (974)

Mar 08 Août, 2006 19:20

Absolument, nous devons agir sur les députés car c'est bien eux qui votent les lois et pas le président.
alric95

Messages : 99

Mar 08 Août, 2006 19:28

c'est un peu tard, çà me fait penser à tous ses français qui sont devenus soudainement gauliste en 44!
shyboy

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Géo : Bretagne/France

Mar 08 Août, 2006 20:10

et je parie qu'une majorité n'a pas voté NON au référendum ...

Tout comme personne n'avait voté Mitterrand durant son mandant....
alric95

Messages : 99

Mer 09 Août, 2006 08:19

alric95 a écrit:et je parie qu'une majorité n'a pas voté NON au référendum ...

Tout comme personne n'avait voté Mitterrand durant son mandant....
J'ai voté non.
Je voterais encore non avec des raisons en plus.
J'espère qu'une majorité aussi.
birin

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