... de se faire aider !!!
J'ai tenté d'écrire ma lettre mais, comme d'habitude, j'aipondu un roman fleuve.
C'est long et ça me paraît parfois brouillon. Le pire c'est que je ne pense pas avoir écrit tout ce que j'avais à écrire, ni de n'y avoir écrit aucune idiotie (j'en connais un qui dira que ce que j'ai écrit n'est qu'une idiotie).
Si des âmes charitables pouvaient m'aider à améloorer mon truc ...
Sinon tant pis, j'essaierais de le paufiner un peu et je l'enverrais comme ça.
A monsieur le président de la république française.
Copie à monsieur le premier ministre.
« Monsieur le président, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. »
Non, monsieur le président, je ne vais pas vous dire que j'ai reçu mes papiers militaires pour partir à la guerre avant mercredi soir.
Mais je vais tout de même vous parler d'une guerre, une guerre dans laquelle je me vois entraîné à mon corps défendant par le gouvernement de votre premier ministre, la guerre que l'industrie de la culture fait aux citoyens de ce pays et à ses propres clients, qu'elle stigmatise depuis des années en les traitant de pirates sous le seul prétexte qu'ils exercent leur droit légitime à la copie à usage privé, l'exception instaurée par l'article 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Les industriels de la culture mettent en avant la baisse des ventes de CD musicaux constatée ces dernières années.
Alors même que cette baisse bien réelle des ventes de CD s'accompagne d'une augmentation tout aussi réelle du chiffre d'affaires de ces mêmes industriels, ils nous expliquent, faisant fi du ridicule, que la culture serait en danger de mort par inanition, et qu'il serait urgent et impératif de prendre des mesures énergiques pour la sauver de la déchéance.
Cinq minutes de réflexion devraient suffire à toute personne sensée pour réaliser que, si certains secteurs du marché de la culture déclinent, c'est essentiellement parce que le budget culture et loisirs des ménages, qui n'est pas extensible, se tourne vers de nouveaux produits. Ainsi, les vente de CD déclinent au rythme de l'essor du DVD et autres médias plus récents (portables, appareils photo numériques, ...).
Malgré ces évidences économique, les marchands de culture martèlent depuis des années un scénario bien différent : ce serait la copie privée, et en particulier l'échange sur internet, qui feraient baisser les ventes de produits culturels, « pour la bonne et simple raison que l'on n'achète pas ce l'on peut piller gratuitement ».
La démonstration est faite : la copie privée c'est du piratage (ou du photoco-pillage), les français qui copient des CD pour leur usage privé sont des bandits de grand chemin, et les millions de français qui échangent des fichiers sur internet sont rien moins que des pirates !
Si ce scénario belliqueux à souhait, sans cesse rabâché dans bon nombre de médias (qui appartiennent aux mêmes industriels) paraît simple au premier abord, il dévoile sa vrai nature de fiction simpliste dés qu'il est confronté à la réalité des faits et des chiffres.
La dernière enquête sérieuse menée par l'université Paris XI pour le compte de l'UFC-Que Choisir démontre que la copie privée, et en particulier l'échange de fichiers sur internet, ne nuit nullement aux affaires des marchands de culture, que, en réalité, plus on a accès à la culture et plus on achète de produits culturels. Dans la limite de son budget, bien sur.
Le droit à la copie privé (ou plus exactement l'exception au droit d'auteur pour copie privée, puisque l'article 122-5 commence ainsi : « Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : ») est inscrit dans le droit français depuis fort longtemps. Régulièrement remis en cause par les industriels de la culture ou du divertissement à l'occasion de l'apparition de chaque nouvelle technologie d'enregistrement (depuis le piano mécanique qui allait « faire disparaître les musiciens », jusqu'aux CD ou DVD enregistrables, en passant par les cassettes audio et vidéo ou le photocopieur).
S'il est assez facile de comprendre le réflexe de cupidité qui pousse les marchands de culture à interdire tout ce qu'ils ne peuvent vendre, il est aussi assez facile de comprendre pourquoi les législateurs français ont, à chaque fois, défendu et légitimé cette exception de copie privée : il suffit d'ouvrir un dictionnaire et d'y chercher le mot « société » pour réaliser que, la société, ce n'est jamais que l'ensemble des individus qui partagent des institutions et une culture.
La culture partagée, au même titre que nos institutions, n'est pas une simple marchandise, c'est en réalité le ciment de notre société.
Dans ses discours enflammés à l'assemblée ou face aux médias, le ministre de la culture, Mr Renaud Donnedieu de Vabres, ne dit pas autre chose. Il se dit parfaitement conscient de l'importance sociale de ce droit d'accès à la culture et se vente de préserver, dans son projet de loi DADVSI, ce droit à la copie privée, qu'il qualifie même d'essentiel.
Belles paroles et grandiloquents discours, mais absolument mensongers, puisque ce projet de loi fait purement et simplement disparaître l'exception pour copie privée. La copie à usage privé d'oeuvres à partir d'internet étant même passible d'une amende minimale et automatique de 38€.
Le but même de ce projet de loi est d'interdire « toute copie non autorisée », et la copie pour usage privé, sans obligation d'achat, n'est plus autorisée par cette nouvelle loi.
Le coeur de cette loi est la légalisation, la protection légale, et même la sanctuarisation (puisque la loi interdirait « d'y toucher » sous peine de forte amende et même de prison), des « Moyens Techniques de Protection » (MTP, ou DRM en anglais). Ces dispositifs techniques, accolées à tous les supports de diffusion d'oeuvres (CD, DVD, fichiers musicaux, webradios, ...), donneraient aux industriels un contrôle total sur les usages que chaque individu pourrait faire des oeuvres légalement acquises.
Le nombre de copies pour le simple usage normal (écoute dans la voiture ou sur un baladeur, ...) du produit acheté serait limité, et ce nombre de copies autorisées pourrait même être de zéro, puisque les législateurs ont refusé de fixer une limite basse à ce nombre, ne serais-ce que de un. Heureusement que le ridicule ne tue pas !
Monsieur le président, sous les prétextes mensongers et diffamatoires que je viens d'évoquer, sous couvert de protéger le droit des artistes contre « l'échange sauvage sur internet », contre les « pirates » qui copieraient « illégalement » des oeuvres qu'ils n'auraient de toute façon pas pu acheter, sous prétexte « d'adapter le droit à copie privée aux nouvelles réalités » ; les industriels de la culture, secondés par leur ministre, se sont concocté une loi sur mesure pour protéger leurs oligopoles actuels (les quatre « majors » concentrent plus de 75% du marché mondial de la culture) et s'en créer d'autres, les marchés émergeants de distribution d'oeuvres via internet ou sur mobile, et de paiement à l'acte.
Je pense que nous touchons là aux vrais motivations de cette loi, les « pirates » et autres flibustiers n'étant qu'un prétexte.
Pour pouvoir créer un marché de produits culturels avec paiement à l'acte (c'est à dire, avec paiement à chaque fois que l'on écoute ou visionne l'oeuvre) il faut commencer par interdire au public de posséder ou conserver ces oeuvres et d'en disposer à sa guise. La simple copie est donc à proscrire et le concept actuel de « copie à usage privé » une aberration à faire oublier.
Pire encore pour ces industriels : internet et l'informatique, avec leur facilité d'accès et leur faible coût, mettent à la portée d'un nombre croissant d'artistes les moyens de produire, promouvoir et même distribuer leurs oeuvres sans recourir aux géants de l'industrie et leurs conditions de rentabilité, leur formatage culturel et leur mainmise sur les moyens de diffusion et de promotion.
Des groupements comme musique-libre.org ou jamendo.com permettent déjà à une multitude d'artistes libres d'exister et de diffuser leurs oeuvres sans coûts d'infrastructure, de promotion ou de diffusion ; grâce aux outils d'échange sur internet, le fameux Peer To Peer, les oeuvres se diffusent « toutes seules » par simple échange entre internautes.
On voit déjà de plus en plus d'artistes assurer eux mêmes la promotion et la diffusion de leurs oeuvres grâce à internet et aux mêmes outils d'échange en P2P.
Ces moyens sont d'ores et déjà à la disposition des artistes, leur permettant de concevoir et mettre en place de nouvelles formes et structures de production, promotion et diffusion ; des structures décentralisées et efficientes, des structures aussi diverses et nombreuses que nécessaire (du fait des coûts quasi-inexistants d'infrastructure).
Ces nouveaux modèles de production et diffusion de la culture pourraient prochainement concurrencer les monopoles ou oligopoles de la culture, qui ont royalement ignoré le développement d'internet et de ses possibilités, en se reposant sur leurs lauriers et les vaches à lait que sont les CD et DVD.
Voilà, à mon avis, les véritables motivations des industriels de la culture, du ministre de la culture et de leur projet de loi DADVSI, modifier la loi (la faire sur mesure même) pour interdire tout ce qui pourrait leur faire concurrence : le droit du public à conserver et partager la culture, et la possibilité pour certains artistes de se passer des « services » des industriels.
A cette fin, le projet de loi DADVSI ne sait rien faire d'autre que d'interdire :
- La copie privée (interdiction pure et simple).
- Le libre usage des oeuvres acquises (restrictions imposées par les MTP).
- Les outils techniques permettant de mettre en place des réseaux de distribution des oeuvres indépendants, et même concurrents, des industriels (par les amendements Vivendi-Universal).
- La simple information ou promotion de ces outils techniques (encore Vivendi-Universal).
- L'accès direct des citoyens à l'institution judiciaire pour défendre leurs droits face à ces mêmes industriels (par la création de « hautes autorités » chargées de gérer tous les litiges relatifs aux MTP et à l'interopérabilité).
- Le logiciel libre (pourtant classé au patrimoine de l'humanité par l'Unesco) qui, dans tout un tas de domaines (allant des outils de communication aux logiciels multimédias), est incompatible, par nature, avec les contraintes arbitraires imposées par ce projet de loi (probablement par accident, comme dégâts collatéraux, pour ce qui concerne les industriels de la culture et leur ministre, qui n'avaient même pas conscience qu'il existe une vie à côté de leurs intérêts ; pour le plus grand bénéfice des grands industriels du logiciel qui se frottent les mains de la disparition de leur seul vrai concurrent).
- Etc ... (la liste de ces infamies est bien longue).
Alors que le projet de loi DADVSI (droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, rappelons le) devrait, selon toute logique, apporter des réponse pour ce qui est de la rémunération des artistes choisissant les nouveaux modes de diffusion de leurs oeuvres, comme la diffusion via internet en Peer To Peer, il s'escrime, au contraire, à interdire ces nouveaux moyens de diffusion ou à les ôter aux artistes et au public pour les offrir aux industriels, seuls en mesure d'obtenir les licences et autres agréments nécessaires à la mise en oeuvre des MTP que cette loi rend obligatoires.
Le système actuel de rémunération des artistes pour la copie privée, grâce à la taxe sur les supports d'enregistrement, est inaccessible aux artistes qui choisissent de diffuser leurs oeuvres par eux mêmes, sur les réseaux d'échange P2P, car l'organisme chargé de la collecte et la redistribution des revenus de cette taxe, la SACEM, interdit à ses adhérents de diffuser leurs oeuvres sur ces réseaux.
De plus, ce système de rémunération pour copie privée ne peut décemment pas perdurer après l'adoption de cette loi. La copie privée étant interdite, on voit mal comment justifier une taxe pour copie privée.
Comme on vient de le voir, monsieur le président, une loi DADVSI est bien nécessaire pour défendre les droits légitimes des auteurs dans la société de l'information.
Les anciens modèles économiques et les oligopoles empêchent aujourd'hui les artistes de profiter des possibilités techniques offertes par les nouvelles technologies de cette « société de l'information », elle empêche les artistes de créer et diffuser librement leurs oeuvres, d'enrichir la diversité culturelle, tout en obtenant la juste rémunération à laquelle ils ont droit. Rémunération qui est pourtant disponible, aujourd'hui déjà, mais leur est refusée.
Mais, comme nous venons aussi de le voir, le projet de loi DADVSI, tél qu'il est aujourd'hui rédigé par l'assemblée nationale puis aggravé par le sénat, dans des conditions de non débat indignes d'une démocratie adulte, que des milliers d'internautes ont suivi en direct sur les sites de l'assemblée et du sénat ; fait exactement le contraire de ce qu'il devrait faire pour servir les intérêts légitimes des artistes, fait exactement le contraire de ce qu'il devrait faire pour servir les intérêts légitimes de la société française, dans le seul but de servir les intérêts illégitimes de quelques centaines de personnes (quelques milliers tout au plus), les marchants de culture.
Si ce projet de loi est adopté dans son état actuel, ou dans un état proche, il sera tout bonnement inapplicable et inacceptable par la société française.
Il semble évident que la majorité des français continueront d'user de l'exception de copie pour usage privé car c'est un droit légitime, qu'ils continueront à disposer librement des produits culturels qu'ils auront légalement acquis, qu'ils continueront à partager leur culture, leurs goûts et leurs coups de coeur ou coups de gueule sur internet comme ailleurs, qu'ils s'échangeront les informations sur les moyens de contourner les entraves absurdes que les MTP imposeront à l'usage légitime des produits culturels et même à leur vie privée.
Mais en accomplissant ces actes simples et légitimes, ils deviendront des délinquants aux yeux de cette loi injuste, et beaucoup n'en auront même pas conscience.
Pour ma part, j'ai l'intention de ne pas respecter cette loi illégitime, j'ai l'intention de continuer à user de mon droit légitime à copie privée (la vrai, copie d'oeuvres pour mon usage personnel et non commercial, copie d'oeuvres que je n'aurai pas acheté ; sinon ça s'appelle une copie de sauvegarde ou copie technique), j'ai l'intention de continuer à utiliser les logiciels de diffusion et d'échange de contenus, j'ai l'intention de continuer à les promouvoir auprès de mes connaissances, j'ai l'intention de me débarrasser de tous les DRM et autres mouchards qui infesteraient mes machines, ...
Et je pense que nous serons nombreux à faire de même.
Il n'est pas concevable de cesser ces pratiques légitimes sous le seul prétexte que nos élus, députés et sénateurs, ont édicté une loi absurde et injuste, par un coup de force mené au pas de charge.
Mais je ferai cela en parfaite connaissance de cause.
Je me dois de vous informer, monsieur le président, malgré tout le respect que j'ai pour les institutions et le droit de ce pays, ou plutôt en raison de ce respect, que le jour même où cette loi serait promulguée je serais dans l'obligation de prendre le maquis, d'entrer en résistance et en désobéissance civique.
Je terminerai ma lettre à la manière de mon modèle de circonstance, par sa phrase « si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes que je n'aurai pas d'arme et qu'ils pourront tirer ».
Croyez bien, monsieur le président, que je comprends tout à fait le sens de cette phrase : la désobéissance civique aux conséquences assumées et la résistance non violente.
C'est bien ce libre accès à la culture qui m'a permis d'envisager des réactions comme la non coopération et la non violence. Sans cette possibilité de me cultiver, ma réaction, et celle des gens simples comme moi, prendrait certainement une forme plus proche de la « java des bombes atomiques » de Boris Vian, et la France pourrait bien dans un futur proche ressembler à la cagna de son oncle.
C'est cet avenir là que le projet de loi DADVSI nous prépare, un avenir de culture uniquement commerciale et éphémère, de pénurie de culture et d'ignorance organisée.
Cet avenir là, je le refuse. Et si une loi devait me l'imposer, elle serait illégitime, et je refuserais cette loi.
Veuillez agréer, monsieur le président, mes plus respectueuses salutations.
Pour les ceus qui seraient encore plus incultes que moi, voici mes sources littéraires, rendons à Boris ce qui est à Vian.