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Les limites de la loi sur le droit d'auteur
LEMONDE.FR | 22.03.06 | 20h09 • Mis à jour le 23.03.06 | 09h35
'est fait ! Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture, peut souffler. La loi sur le droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (Dadvsi) a été définitivement votée par l'Assemblée nationale. Le parcours du projet de loi gouvernemental a été particulièrement cahoteux. Le plan initial, imaginé par le ministère de la culture, visait à profiter d'un Parlement quasi désert, à la veille des fêtes de fin d'année 2005, pour faire passer en douceur un projet controversé.
Contre toute attente, le 21 décembre, sont votés deux amendements, déposés par des parlementaires de l'UMP et du PS. Ils légalisent le téléchargement en échange d'un forfait (la licence globale). Branle-bas de combat Rue de Valois et à Matignon, l'examen du projet de loi est suspendu, le temps de remettre un peu d'ordre au sein d'une majorité indisciplinée.
Majors, producteurs, sociétés d'auteurs, artistes investissent l'Assemblée nationale et sa périphérie. Le ministère de la culture revoit sa copie et allège légèrement le volet répressif, sans pour autant changer les axes majeurs du projet initial. Le 8 mars, l'examen de la loi reprend. Journalistes et parlementaires assistent abasourdis à un tour de passe-passe procédural. L'article comprenant les amendements votés est retiré, réintroduit par peur du Conseil constitutionnel, pour enfin être rejeté et remplacé par un article additionnel. Le mardi 21 mars, la loi est finalement adoptée par 286 voix contre 193.
RÉPONSE GRADUÉE
Selon la loi, l'internaute qui télécharge illégalement pourra recevoir une contravention de 38 euros. Dans les faits, c'est une amende plus importante, de 150 euros, que peuvent s'attendre à recevoir de nombreux utilisateurs de logiciels d'échanges de pair à pair (P2P, ou peer to peer). En effet, la mise à disposition, qui est au cœur du fonctionnement des échanges P2P, est plus sévèrement puni. Toutefois, le ministère de la culture nie avoir créé une loi anti P2P. "Cela fait partie du principe de réponse graduée, il ne s'agit pas de lutter contre une technologie", répète-t-on Rue de Valois.
Les mesures techniques de protection qui visent à limiter les échanges et les copies sont reconnues par la loi. Créer ou distribuer un outil susceptible de contourner ces mesures se paiera au prix fort : jusqu'à 6 mois de prison et 3 750 euros d'amende. Les utilisateurs de ces logiciels peuvent craindre l'amende maximale.
L'article 12 comprend un amendement baptisé "Vivendi" particulièrement répressif. Il viserait les éditeurs de logiciels pair à pair. Editer ou mettre à disposition "sciemment" un système d'échange comme eMule pourrait valoir trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. Cet article n'aurait pourtant que très peu d'impact sur le développement et la distribution future des systèmes d'échange de pair à pair. Selon Jarodc42, spécialiste français, "les logiciels sont très rarement développés ou hébergés sur le territoire national. Le principe de base de notre justice est qu'une loi française ne s'applique qu'à l'intérieur de nos frontières hors coopération internationale", ironise-t-il. Par contre, un internaute français qui laisserait en partage le fichier exécutable d'un logiciel de pair à pair pourrait payer le prix fort. Une hypothèse confirmée par le ministère de la culture.
MOYENS TECHNIQUES SOUS-TRAITÉS
La chasse au p2piste pourrait bientôt reprendre sur le Réseau français. Un "service spécialisé" pourrait être prochainement constitué, indique-t-on Rue de Valois. La police pourrait avoir recours à des prestataires pour lui fournir les moyens techniques de la traque. La société Advestigo, spécialisée dans la"protection d'actifs numériques", attend patiemment la fin du débat parlementaire pour prendre langue avec les autorités. "Notre technologie est prête", souligne Christophe Tilmont, directeur marketing. "En partant d'un catalogue de titres, nous sommes capables de tracer les mises à disposition de fichiers et de nous assurer qu'il s'agit bien d'une œuvre protégée et ensuite de trouver les adresses IP. Il reste aux fournisseurs d'accès à identifier les utilisateurs." (*)
En réponse à ce nouveau "challenge" technologique, les auteurs de systèmes d'échange de pair à pair peaufinent des réseaux décentralisés, construits pour ne plus utiliser l'adresse IP d'un client comme identifiant.
Dernière gageure pour l'application de la loi Dadvsi, l'application de l'article 7. Ce dernier est censé garantir l'interopérabilité des mesures de protection afin que les fichiers musicaux légalement achetés soient lisibles sur l'ensemble des baladeurs. Un principe à l'avantage du consommateur mais qui détruirait le modèle économique élaboré par Apple ou Sony (les fichiers musicaux achetés sur Itunes d'Apple sont lisibles sur les Ipod d'Apple uniquement). La réponse du géant américain ne s'est pas fait attendre : "L'application par la France de la directive européenne sur le copyright aboutira à du piratage parrainé par l'Etat", a déclaré Natalie Keris, porte-parole d'Apple. "Cette loi ne vise pas à freiner le succès des plates-formes légales", se défend un porte-parole du ministère de la culture. "Nous allons prochainement rencontrer les dirigeants d'Apple Europe", poursuit-il. Mais cela suffira-t-il pour convaincre Apple de revoir la stratégie propriétaire qui a fait son succès ? il est permis d'en douter.
Eric Nunès
©LeMonde.fr
(*)Je croyais que RDDV, nous avait indiqué lors de l'examen du projet de la loi DADVSI, qu'il était hors de question d'utiliser des mercenaires à la solde des Majors et/ou des Sociétés de Gestion de Droits, pour traquer les internautes...
Et pourtant il semble bien que RDDV le fera pas simple décrêt...
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