En tant que professionnel de la musique et de l’internet, voici notre éclairage sur la loi en cours de discussion à l’assemblée nationale la semaine prochaine :
La DADVSI interdit la vente, l’écoute ou tout usage d’œuvres musicales ou cinématographiques qui n’utilisent pas de Digital Rights Management (DRM).
Or les DRM sont mauvais :
* Mauvais pour les consommateurs, qui perdent ainsi leur droit de propriété sur les œuvres achetées, et ne sont jamais sûrs de pouvoir les lire demain avec un nouveau logiciel ou un nouveau périphérique. Or la musique et les films sont déjà partout et le consommateur veut pouvoir les lire sur son ordinateur, sa télé, son téléphone (qui sont aujourd’hui compatibles mp3), son balladeur, sa voiture et bientôt sa machine à laver. Son principal intérêt est aujourd’hui d’acheter de la musique en format libre (ogg) ou non contrôlé (mp3), ou de s’en procurer par le peer to peer, l’échange de fichiers anonyme entre internautes ;
* Mauvais pour l’innovation technique et commerciale : de nombreuses solutions de vente de musique ou de films fleurissent aujourd’hui, souvent sans DRM, et apportent déjà une alternative légale au peer to peer. Il y a notre service YO bien sûr mais toutes les variantes existent.
* Mauvais pour l’économie, car ils rendent les œuvres plus chères à cause du contenu technologique qui leur est ainsi ajouté. Il faut développer, fabriquer et maintenir les DRM, dans une course sans fin contre les hackers qui cherchent et arrivent toujours à les contourner ;
* Mauvais pour les artistes, car ils empêchent ceux-ci de profiter des potentialités d’internet : établir un contact direct et privilégié avec chaque fan, et donc chaque acheteur, depuis leur propre site internet, et avoir la possibilité d’élargir ainsi leur public dans le monde entier, sans barrière technique mais selon le succès de leur création. Les DRM obligent les artistes à passer par des plateformes de téléchargement qui s’approprient le contact avec les acheteurs, avec lequel elles font du Management de la Relation Client (CRM) ;
Alors à quoi servent les DRM et pourquoi deviendraient-ils obligatoires ?
* ils entretiennent l’illusion que la musique et les films gratuits sur internet vont disparaître, pour s’y substituer. Mais cela ne marchera pas, comme la même loi passée en 1996 au Etats-Unis n’a pas empêché loin s’en faut l’avènement du mp3 et du peer to peer. Certains internautes technophiles continueront à contourner les protections, et les œuvres sans DRM continueront d’être accessibles au plus grand nombre ;
* ils sont l’espoir des multinationales de la musique et du cinéma de conserver leur business et leurs emplois, en attendant l’avènement de « l’informatique de confiance » que nous préparent les ingénieurs de Redmont. Les prochains systèmes d’exploitation sécurisés interdiront la lecture de musiques ou de films qui n’auront pas été dûment achetés ou loués. Mais qui peut dire si la liberté de l’internet ne gagnera pas au bout du compte, et Microsoft faire machine arrière pour lui-même sauver son business. Voilà le combat gigantesque qui va se mener dans les années à venir, une guerre des formats sur l’internet à l’échelle planétaire. Le législateur français souhaite-t-il prendre aujourd’hui position dans cet affrontement après avoir fait passer une partie des administrations sur le logiciel libre ? C’est ce que lui demandent aujourd’hui les lobbies de l’entertainment et des télécommunications.
La licence globale peut-elle être une alternative ?
Partiellement car elle doit être mesurable et proportionnelle à l’utilisation des œuvres qui est faite pour être économiquement cohérente, c'est-à-dire rémunérer les artistes et producteurs proportionnellement à l’audience de leurs oeuvres et coûter aux diffuseurs (upload) proportionnellement aux oeuvres diffusées et à l'usage qui en est fait. Elle s’impose pour les accès identifiés et quantifiables donnés aux oeuvres, les weblogs, les sites et les portails de téléchargement, à l’instar de la licence musicale pour la radio et les lieux publics, mais elle ne peut pas s’appliquer à l’échange anonyme de répertoire personnel constitué par le peer to peer. La conséquence logique de cette licence légale sera de légaliser le téléchargement (comme l'écoute de la radio), mais de faire payer la mise à disposition (upload) proportionnellement à l'usage et aux revenus générés par cette mise à disposition. La mise à disposition par le peer to peer devra rester interdite car invisible et inquantifiable.
Le peer to peer doit donc rester illégal ?
Illégal mais pas criminel. C’est pourquoi les dispositions de la DADVSI sont bonnes pour réduire les condamnations et les graduer, grâce à une collaboration forcée des Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) et des sociétés d’auteurs et de producteurs (SACEM en tête). Il y a peu de temps en France, nous dépassions tous les limitations de vitesse sur la route malgré la sévérité des condamnations pour les malheureux qui étaient pris. Aujourd’hui nous les respectons car les contrôles sont plus fréquents. Demain une majorité d’internautes souhaiteront accéder aux musiques et aux films sans risquer d’avertissement par leur FAI, mais les DRM ne sont pas nécessaires pour cela. Il ne paraît pas abérent que les FAI payent eux-aussi une taxe sur la copie privée compte tenu qu'une part importante de leur service est constitué par l'accès aux oeuvres, payant ou gratuit.
Pour ces raisons, modifions la DADVSI, ou au pire supprimons là.
mousse
-
hpmousse
- Messages : 3