Le marché de l'occasion n'a plus vraiment de sens avec l'économie numérique, hélas. Ceci soulève d'ailleurs un problème plus général qui concerne la "propriété" de l'objet culturel. Jusque là, que vous achetiez un CD, un vinyle ou un DVD, vous avez le droit de le donner, de le prêter, de le vendre (ou de l'acheter d'occasion) ou de l'inscrire sur votre testament. La virtualisation de la musique rend l'objet culturel tout aussi virtuel et supprime ces pratiques, pourtant importantes pour la culture et sa diffusion.
Donc, pour résumer, si vous acheter un album 7€ (la moitié d'un album CD) sur
une plateforme légale de téléchargement, vous avez :
- Un produit à durée limitée (vous pouvez le transférer qu'un nombre limitée de fois sur votre lecteur mp3)
- Un produit que vous ne pourrez quasiment jamais transmettre à un tiers
- Un produit qui ne pourra pas être écouté sur tous vos appareils.
Si on compare le marché de la musique à un supermarché (comme il est d'usage chez les majors et les stars), si la licence globale, c'est "le droit de piller le magasin pour un montant forfaitaire", alors les plateformes légale, c'est "le droit d'acheter des rasoirs jetables au prix de rasoirs électriques tri-lames".
M. Petitgirard de la SACEM,
sur le fil de discussion de ratiatum, répond ainsi à cette critique :
Il va probablement devenir nécessaire de pérenniser l'achat de fichiers musicaux sur Internet.
J'ai entendu émise l'idée d'une permanence de l'achat qui donnerai la possibilité, des années après, de retélécharger le titre.
C'est peut-être une voie, à condition que les sites eux-mêmes soient pérennes...
C'est un jugement très avisé et sage de sa part mais, n'est-ce pas justement le contraire que souhaite l'industrie musicale ? Jusque là, on ne renouvellait sa collection d'albums musicaux qu'à l'occasion d'un nouveau support (vinyle, K7, CD, DVD musicaux, ...), c'est à dire, tous les 10-15 ans. Les plateformes légales pourraient bien accélerer le mouvement et obliger l'auditeur à renouveller sa collection bien plus fréquemment. Est-ce que cette bonne poire de consommateur va suivre ? Est-ce que la montée des téléchargements légaux ne risque pas de retomber comme un soufflé lorsque les internautes commenceront à sentir l'arnaque ? Je crois qu'on peut s'attendre à une seconde vague de p2pistes pour les mois et années à venir : les déçus des sites légaux de téléchargement.
La licence globale, présentée souvent comme la solution à tous les maux du P2P serait-elle dans cette configuration une solution plus pertinente ? La réponse est oui - et tant pis pour ses opposants - car, si le marché de l'occasion et la notion d'objet culturel perdent de leur signification dans le cadre des échanges, elle apporte un plus indéniable par rapport à la situation actuelle et voulue par les majors :
- les consommateurs ne paient pas de nouveau pour une oeuvre qu'ils ont déjà acquis.
- les créateurs sont payés à chaque échange.
Ce dernier point est important car, actuellement, le marché de l'occasion rapporte 0€ aux créateurs : il aurait même, d'une certaine manière, tendance à se substituer à une partie des ventes d'albums "neufs". Et bien, dans le système de la licence globale, tout téléchargement étant théoriquement comptabilisé, que les mp3 soient d'occasion (copie de copie de copie, ...) ou neufs (c'est l'artiste qui a rippé sa chanson...), c'est la même somme qui sera versée au créateur.
Voilà bien des réflexions à méditer pour ceux qui vouent la licence globale aux gémonies.