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Quand l'esprit du libre pénètre le domaine culturel...

Mer 12 Oct, 2005 16:30

leto_2 a écrit:Antoine, tu parles sans compter le droit moral de l'auteur de l'oeuvre, qui est perpétuel, inaliénable et imprescriptible ( article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle).

Tu peux donc prendre la licence la plus permissive qui soit, elle ne permet pas de faire abstraction "de problème juridique" si l'auteur estime par exemple que le respect dû à sa paternité ou l'intégrité de son oeuvre n'est pas assuré.


Ah oui, tu as raison, j'oubliais le droit moral. Ceci dit le droit moral s'exerce au cas par cas, et l'utilisateur de l'oeuvre est dans son bon droit tant que l'auteur ne s'est pas manifesté explicitement. Ce n'est pas le cas avec une licence interdisant la commercialisation.

Question : si un auteur m'oppose son droit moral et que cela me floue dans mon activité, est-ce que je peux obtenir un dédommagement en échange ?
AntoineP

Messages : 1038

Mer 12 Oct, 2005 17:12

Comme tu le dis si bien à sucrepop, la lecture du Code de la propriété intellectuelle répond à un certain nombre de questions. ;)

l'article L 121-4 a écrit:Nonobstant la cession de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement à la publication de son œuvre, jouit d'un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit qu'à charge d'indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Lorsque, postérieurement à l'exercice de son droit de repentir ou de retrait, l'auteur décide de faire publier son œuvre, il est tenu d'offrir par priorité ses droits d'exploitation au cessionnaire qu'il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées.


Mis à part ce cas particulier de véritable repentir sur une cession consentie, peut-on obtenir des dommages-intérêts en cas d'exercice de son droit moral par l'auteur de l'oeuvre ?

Oui, si les conditions classiques d'indemnisation sont réunies :
Code: Tout sélectionner
si faute + préjudice + lien de causalité entre les 2,
alors réparation de ce préjudice


1- tu devras donc prouver le préjudice causé par l'exercice du droit moral, qui par exemple t'as empêché de créer l'oeuvre composite (=l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière).
Difficile à quantifier exactement d'ailleurs... frais préalables engagés, manque à gagner, encore plus évanescent.

2- un lien de causalité directe entre ce préjudice et l'exercice du droit moral

3- le meilleur pour la fin : une faute de l'auteur, dans l'exercice... de son droit !
Et c'est là une difficulté : exercer un droit que l'on détient peut-il être assimilé à une faute (=un comportement contraire à celui qu'aurait eu, dans les mêmes circonstances, le fameux modèle du bon père de famille) ?

Pour éviter que l'exercice d'un droit ne soit détourné de sa finalité afin de causer un préjudice, les juges ont inventé la notion d'abus de droit.
Commettra une faute celui qui exercera son droit dans le seul but de nuire, un but contraire à la finalité du droit (il y a bien des nuances sur le critère de l'abus de droit, mais je te la fais courte). Les âmes étant difficiles à sonder, il n'est pas aisé de rapporter cette preuve.
Ex : exercer son droit moral, au nom du respect de l'intégrité de l'oeuvre, pour obtenir en fait une rémunération plus importante

Donc pour conclure sur notre affaire :
tu pourrais obtenir indemnisation,
même en dehors du cas expressément prévu par l'article L. 121-4 (droit de repentir ou retrait),
si tu prouves un préjudice causé par l'abus du droit moral.
leto_2

Messages : 2305

Mer 12 Oct, 2005 17:39

leto_2 a écrit:1- tu devras donc prouver le préjudice causé par l'exercice du droit moral, qui par exemple t'as empêché de créer l'oeuvre composite (=l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière).


Ce n'est pas l'acte de création qui est empêché (en général, j'imagine que l'oeuvre conséquente est déjà créée quand l'auteur original se manifeste), mais l'acte de divulgation.

Difficile à quantifier exactement d'ailleurs... frais préalables engagés, manque à gagner, encore plus évanescent.


Oui, mais en matière de préjudice moral, j'ai l'impression qu'on trouve encore plus évanescent (exemple le dédommagement accordé à une mère en raison de mauvais diagnostic prénatal avant la mise au monde de son fils handicapé, si je me souviens bien :shock:).

2- un lien de causalité directe entre ce préjudice et l'exercice du droit moral


Assez simple pour le coup, non ? J'utilise en toute bonne foi une oeuvre placée sous une licence libérale et, hop, son auteur me tombe sur le rable. Mon utilisation est empêchée par l'intervention de son auteur.

Pour éviter que l'exercice d'un droit ne soit détourné de sa finalité afin de causer un préjudice, les juges ont inventé la notion d'abus de droit.


Mais le CPI spécifie explicitement l'existence de dédommagements liés à l'exercice du droit moral ; et même, il conditionne l'exercice de ce droit à l'exécution préalable des dits dédommagements. C'est bien qu'il s'agit plus que de l'application d'un principe général (l'abus de droit), non ?

Merci pour ces exercices de droit en direct live.
AntoineP

Messages : 1038

Mer 12 Oct, 2005 18:49

AntoineP a écrit:
leto_2 a écrit:1- tu devras donc prouver le préjudice causé par l'exercice du droit moral, qui par exemple t'a empêché de créer l'oeuvre composite (=l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière).


Ce n'est pas l'acte de création qui est empêché (en général, j'imagine que l'oeuvre conséquente est déjà créée quand l'auteur original se manifeste), mais l'acte de divulgation.

Quand l'oeuvre est déjà créée oui, mais ce n'est pas toujours le cas.
La création d'une oeuvre n'étant pas toujours, loin s'en faut, instantanée, il arrive que l'auteur ou ses ayant-droits se manifestent dès qu'ils ont connaissance du projet de l'oeuvre.
C'est ce qui s'est passé dans l'affaire du projet de suite aux Misérables de Victor Hugo.
Donc comme les moments où l'auteur est susceptible d'opposer son droit moral sont variés, c'est pour cela que j'avais cité celui d'empêchement de créer l'oeuvre comme un exemple et non comme le cas excluant toute autre hypothèse.

AntoineP a écrit:
Difficile à quantifier exactement d'ailleurs... frais préalables engagés, manque à gagner, encore plus évanescent.


Oui, mais en matière de préjudice moral, j'ai l'impression qu'on trouve encore plus évanescent (exemple le dédommagement accordé à une mère en raison de mauvais diagnostic prénatal avant la mise au monde de son fils handicapé, si je me souviens bien :shock:).

comparaison n'est pas raison ;)
- tu fais un parallèle entre deux préjudices de nature bien différente :
*le préjudice économique de l'auteur de l'oeuvre composite
*le préjudice moral de la mère.
Le premier est un préjudice patrimonial, consistant en un gain manqué ou une perte éprouvée. Il est donc, par nature, chiffrable en argent.
Le second est un préjudice non patrimonial, consistant en la souffrance morale ressentie par la mère du fait du handicap de son enfant. Il est, par nature, difficile de chiffrer une douleur en argent.
Mais c'est pour éviter de laisser une faute impunie et pour compenser la douleur, à défaut de pouvoir la réparer, que la jurisprudence admet depuis la moitié du XIXè siècle l'indemnisation du préjudice moral.

- d'ailleurs en l'occurence les débats ne portaient pas sur la question du préjudice subi par la mère, mais pour le préjudice subi par l'enfant (la vie est-elle un préjudice, la mort est-elle préférable, etc).

AntoineP a écrit:
2- un lien de causalité directe entre ce préjudice et l'exercice du droit moral


Assez simple pour le coup, non ? J'utilise en toute bonne foi une oeuvre placée sous une licence libérale et, hop, son auteur me tombe sur le rable. Mon utilisation est empêchée par l'intervention de son auteur.

oui, ce n'est pas cette condition qui fait difficulté.

AntoineP a écrit:
Pour éviter que l'exercice d'un droit ne soit détourné de sa finalité afin de causer un préjudice, les juges ont inventé la notion d'abus de droit.


Mais le CPI spécifie explicitement l'existence de dédommagements liés à l'exercice du droit moral ; et même, il conditionne l'exercice de ce droit à l'exécution préalable des dits dédommagements. C'est bien qu'il s'agit plus que de l'application d'un principe général (l'abus de droit), non ?

Non, relis bien.
L'article L 121-4 ne vise qu'un des 4 attributs du droit moral, celui du droit de repentir ou de retrait de l'oeuvre (je renonce à la divulguer malgré la commande passée ou postérieurement à cette divulgation, je décide de retirer l'oeuvre du marché).
Pour les 3 autres (droit de divulgation, droit à la paternité, droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre), le Code ne prévoit rien. D'où l'intérêt de recourir à la notion d'abus de droit (avec les réserves que j'ai faites pour l'établir).

C'est pourquoi j'avais bien distingué cette hypothèse dans mon message précédent.


AntoineP a écrit:Merci pour ces exercices de droit en direct live.

de rien, ça me fait penser que j'ai du boulot qui m'attend... :-)
leto_2

Messages : 2305

Mer 12 Oct, 2005 23:40

leto_2 a écrit:comparaison n'est pas raison ;)
- tu fais un parallèle entre deux préjudices de nature bien différente :
*le préjudice économique de l'auteur de l'oeuvre composite
*le préjudice moral de la mère.


Peut-on considérer que l'impossibilité de publier une oeuvre est un préjudice moral pour l'auteur ?
(après tout, le droit à la divulgation est un droit moral de l'auteur, même s'il semble énoncé dans l'autre sens...)
AntoineP

Messages : 1038

Jeu 13 Oct, 2005 01:04

AntoineP a écrit:
leto_2 a écrit:comparaison n'est pas raison ;)
- tu fais un parallèle entre deux préjudices de nature bien différente :
*le préjudice économique de l'auteur de l'oeuvre composite
*le préjudice moral de la mère.


Peut-on considérer que l'impossibilité de publier une oeuvre est un préjudice moral pour l'auteur ?
(après tout, le droit à la divulgation est un droit moral de l'auteur, même s'il semble énoncé dans l'autre sens...)

De quel auteur parles-tu : de l'auteur de l'oeuvre incorporée ou de l'auteur de l'oeuvre composite ?
Vu le passage que tu cites dans ton message, je pencherai pour ce dernier, l'auteur de l'oeuvre composite.

Peut-il, comme tu le demandes, invoquer un préjudice moral, pour atteinte à son propre droit moral à la divulgation ?


attention, comme je te l'ai dit :

- l'atteinte au droit moral ne signifie pas préjudice moral

- le préjudice économique et le préjudice moral sont bien différents.

- préjudice moral ne signifie pas réparation... il y a deux autres conditions à réunir (lien de causalité et faute)



Donc :

Prenons l'auteur d'une oeuvre composite qui se ferait opposer le droit moral de l'auteur de l'oeuvre incorporée, l'empêchant ainsi de divulguer son oeuvre composite.

Peut-il se prévaloir d'un préjudice moral ?

1- le préjudice moral est celui qui ne porte pas atteinte au patrimoine.
ex : souffrance ressentie, atteinte à l'honneur, etc.
La souffrance morale ressentie par l'auteur, de ne pouvoir divulguer une oeuvre incorporant celle d'un autre ?
Hum, comment dire... ça va être dur d'émouvoir avec ça. ;)
Vu la jurisprudence sur le préjudice moral, il n'est retenu et indemnisé réellement que pour des faits autrement plus graves : décès, handicap, etc.
Pour le reste, soit il n'est pas retenu (et même pas demandé, car les demandeurs se concentrent sur des préjudices plus consistants), soit il est réparé de façon symbolique (1€).

Tout ça pour dire que le préjudice moral de l'artiste ne pouvant divulguer son oeuvre me paraît très hasardeux.

Le préjudice, qui lui est plus consistant, est son éventuel préjudice économique... mais pas moral.


2- un préjudice ne suffit pas, il faut aussi les deux autres conditions pour qu'il soit réparable.
Or on revient au problème de la faute de l'auteur exerçant son droit moral.
Tant qu'un plaignant ne démontre pas que ce droit a été employé dans un but étranger à sa finalité (droit à la paternité, droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre, ...), on ne pourra retenir d'abus et donc de faute.

Conclusion :
une réparation hasardeuse, d'un préjudice lui-même hasardeux... c'est pas fabuleux ;)
leto_2

Messages : 2305

Jeu 13 Oct, 2005 01:36

Si je comprends bien, mon business d'exploitation ignoble d'oeuvres libres (incorporation de points Godwin, d'images de juristes, etc.) visant à piéger les auteurs exerçant leur droit moral a peu de chances de fonctionner... Dommage :(
AntoineP

Messages : 1038

Jeu 13 Oct, 2005 01:41

tu comprends bien ;-)
leto_2

Messages : 2305

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