Bon, sans vouloir être polémique ou bêtement provocateur, il est un peu simpliste de rejeter tous les torts sur un bouc émissaire monopolistique (qui n’a certes pas que des qualités) ou sur des forces obscures à l’œuvre pour empêcher David de terrasser Goliath. Si Linux ne connaît pas l’expansion qu’on aimerait lui voir prendre, c’est qu’il doit également reconnaître ses propres faiblesses et lacunes.
Examinons tout d’abord sa vocation. Il s’agit d’un système d’exploitation informatique assurant le bon fonctionnement des applications logicielles en administrant au mieux les ressources matérielles. A ce titre, il s’adresse à la population très large et particulièrement hétérogène des utilisateurs de postes de travail, serveurs et ordinateurs portables fonctionnant sur différentes plates-formes (x86 compatibles PC, mais aussi PPC, alpha, etc). J’exclue volontairement le cas des serveurs (qui sont utilisés essentiellement par des professionnels qualifiés et n’ont donc pas à se plier aux contraintes du grand public) pour se concentrer sur les postes des utilisateurs. Parmi ceux-ci l’objectif de certains est la capacité à exécuter des applications permettant d’exécuter des tâches plus ou moins complexes de manière simple et efficace (sans oublier la possibilité de jouer, de se distraire ou d’apprendre à travers des logiciels ludiques ou multimedia). Une autre partie des utilisateurs veut pouvoir comprendre le fonctionnement du système, le modifier, l’adapter à leurs besoins (Linux en tant qu’OS peut alors prendre une valeur pédagogique ou de recherche). Historiquement conçu et réalisé par cette seconde population - numériquement largement inférieure à la première - Linux s’est souvent efforcé de répondre à leurs besoins. Dans sa volonté d’élargir son audience, des aménagements ont été apportés afin de prendre en compte les besoins du premier groupe.
Il demeure néanmoins que Linux, encore aujourd’hui et malgré de très notables et appréciables progrès, n’est pas tout à fait un environnement que l’on pourrait qualifier de « convivial ». Avant de me faire violemment et copieusement insulter, je vais tenter d’illustrer mon propos en examinant différents aspects de l’utilisation d’un système d’exploitation par un utilisateur « normal » c’est à dire qui considère son ordinateur comme un moyen et non une fin :
Installation de Linux
De ce coté là, il n’y a quasiment plus aucun problème : des distributions comme Mandrake offrent une procédure graphique de bout en bout, claire et souple, rien à envier à qui que ce soit, si ce n’est le support de certains matériels. Linux n’est pas forcément à incriminer dans ce domaine puisque c’est aux constructeurs de fournir les pilotes nécessaires ou de communiquer la documentation nécessaire à leur développement, mais il reste vrai que cela peut poser problème à l’utilisateur final.
Installation de programmes
Aucun soucis quand ils font partie de la distribution, le système des rpm gère les dépendances et permet à l’utilisateur final de ne pas avoir à se soucier de ces aspects abscons du fonctionnement des applications. La question se corse sérieusement quand il faut installer autre chose que les paquetages livrés avec la distribution. Trouver un paquetage adapté n’est pas forcément simple (quand il existe). Et quand il n’existe pas, c’est un vrai chemin de croix (téléchargement du code source, décompression, compilation, éventuelle recompilation du noyau, etc…). Quant à la ligne de commande, il serait temps que les linuxiens (ou tout au moins une part irréductible d’entre eux) acceptent le fait que tout un chacun n’a pas nécessairement le temps ou l’envie de se pencher sur le fonctionnement de ce qui pour le grand public doit avant tout rester un outil. Même pour un utilisateur souhaitant passer le cap du « je clique et ça marche », Linux n’est pas franchement ce qu’il y a de plus simple.
Prenons Microsoft Windows, pas comme exemple à suivre ou même comme référentiel standard mais simplement comme illustration. Les applications sont stockées dans Program Files. Les données relatives à ces applications sont généralement stockées dans des sous-répertoires correspondant à chaque programme. Les paramètres correspondant à un utilisateur sont disponibles dans Windows, sous le répertoire Profiles. Sans être idéal ou intuitif, ce système a le mérite d’être a peu près clair et cohérent.
Sous Linux, bon courage :
- Les noms de répertoire sont particulièrement obscurs pour un non initié : « bin », « etc », « var »
- la même version d’un même programme s’installe à des emplacements différents en fonction de la distribution.
- Sur une même distribution, des versions différentes de la même application peuvent s’installer à des endroits différents.
- La documentation n’est pas toujours disponible ou à jour ou en français et n’existe pas forcément pour la distribution que vous utilisez.
- Et impossible d’ignorer complètement l’organisation du système de fichier puisque l’installation en ligne de commande vous impose d’être dans le bon répertoire !
Administration du système
Là encore, la tache la plus anodine peut rapidement devenir problématique. Une simple recherche de fichier dans l’environnement graphique peut générer un message indiquant que la base de données n’est pas à jour et qu’il faut la re-générer pour pouvoir faire tourner la recherche. Il va sans dire que cela requière une manipulation en ligne de commande (pas mortelle certes mais bonjour la convivialité).
Conclusion
Attention, je ne condamne pas Linux en tant que système d’exploitation. Je me borne à constater qu’au jour d’aujourd’hui, pour la majorité des utilisateurs, son fonctionnement n’est pas adapté. S’il doit, pour répondre aux objectifs de ses adeptes actuels rester souple, robuste, paramétrable et évolutif, il n’en doit pas moins faire des progrès en termes d’interface (et je ne parle pas ici d’esthétique graphique car dans ce domaine, il a d’ores et déjà dépassé l’OS dominant).
Il faut reconnaître que la plupart des distributions incluent suffisamment de logiciels pour répondre aux besoins standard de nombreux utilisateurs mais dès que l’on dépasse ce cadre, c’est beaucoup plus compliqué, voire inaccessible pour quelqu’un qui n’a pas envie d’y passer ses soirées et ses week-ends. Dommage pour un système qui est censé redonner la liberté aux utilisateurs ! Tant que la ligne de commande restera le mode d’interface privilégié, tant qu’il n’existera pas de moyen simple d’installer n’importe quelle application, Linux ne pourra prétendre à la conquête du grand public.
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capitaine caverne
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