Salut,
C'est en suivant ce débat que j'ai voulu m'inscrire sur votre forum. Plusieurs questions me viennent à l'esprit, et je veux donc vous les poser.
Pour commencer, je tenais à remercier leto_2 d'avoir composé son post rempli de droit. Souvent, lorsqu'une loi liberticide passe, beaucoup de juristes s'empressent de nous expliquer ce que nous pouvons encore faire, et comment.
Ainsi, la tentative de leto_2 s'inscrit pour moi clairement dans la même optique que ces juges qui soutiennent des mouvements comme resf en leur expliquant comment détourner les applications strictes de textes de loi. La principale différence serait alors que ces juges ont mieux l'habitude de parler généralement sans trop donner l'impression de ne répondre qu'aux cas particuliers qu'on leur présente. Ce n'est pas une critique, mais ça expliquera ce qui suit.
Sur quoi je suis d'accord avec leto_2 ?
Ca va aller tres vite. Des amis à moi se font tabasser par des policiers, je filme, suis-je complice de la bavure policière ? Quelque soient ses cas de figures, grosso-modo, sa réponse est négative. Et là, je vous assure que je souffle un bon coup, puisque pour rien au monde je n'aurai voulu me rendre complice d'une bavure policière.
Qu'on me permette de compliquer un peu le cas, parce que je n'ai vraiment pas besoin d'aller imaginer des policiers qui font disparaitre des preuves... Je n'y reviendrai plus par la suite, parce que je me sens moins concerné qu'odebi, et je trouve qu'on tourne en rond en ne restant que sur le cas des violences policières.
On imagine ici facilement de gentils manifestants impuissants devant les violences policières qu'ils subissent. Mais j'ai aussi des amis qui n'aiment pas du tout se laisser faire. Imaginons que je veuille filmer les actions d'un black block puisque j'habite une ville qui reçoit une grande réunion de l'OMC. Si je filme des moments où ils affrontent la police, suis-je complice ? Ben oui, me semble t-il. Leto_2, tu m'indiqueras où je me trompe sinon.
Sorti de prisons 3 ans après, j'ai ouvert un blog d'information. Dans la rue, je croise une personne qui reconnait ma photo et qui me propose la vidéo d'une bavure policière lors d'un controle qui a mal tourné. La personne se débattant, elle envoie aussi un policier à terre. ITT d'1 jour pour le brave fonctionnaire. Si je souhaite diffuser la vidéo, j'en prend pour un max de 5 ans. Si j'en fais prendre connaissance par la justice, on me demandera probablement comment je me la suis procurée. Si tu as une réponse toute faite à me souffler leto_2, je suis prenneur.
J'en finis donc avec l'exemple des bavures policières. Parce qu'on tourne en rond, je l'ai dit. Parce que ces affaires sont parfois conjointes avec une résistance aux forces de l'ordre qui, dès lors qu'elle serait violente est un délit prévu par le nouvel article Sarkozy, que cette nouvelle loi dans son ensemble présente quantité d'autres dispositions non moins inquiétantes pour nos libertés, qu'elle rente dans une volonté délibérée de jeter encore plus de suspission générale sur les jeunes des quartiers ( c'était déjà des potentiels terroristes, des antisémistes, des sexistes, des voleurs, des dealers, des violeurs en bande, des sauvageons à karcheriser, etc... maintenant, t'as vu ? En plus, ils filment... ).
Ceci dit, je tiens quand même à en rester au problème général soulevé ici. La question du journaliste citoyen appelé
DONC à rentrer dans la logique de la délation
dès que les infractions nommées par leto_2 sont en jeu.
Le cas que je vous propose m'a été tres sérieusement soumis par un intégriste religieux
Nan, j'rigole. En fait, j'me ballade beaucoup sur les forums au hasard des sujets qui m'interesse. Et j'ai ainsi connu un forum d'athées,
lemanlake. Vous connaissez ? bref... J'ai ainsi pris connaissance d'un lien redirigeant vers une pétition contre l'excision et qui, peut-être pour mieux convaincre de signer (?), diffuse la vidéo d'une excision. Le plus grand des hasards veut que le site en question vient juste d'être "suspended". C'est vraiment tout récent puisqu'on pouvait encore se rendre sur le site avant hier...
http://www.rationalisme.org/forum_athei ... ght=#15751
J'ai eu quelques petits problèmes de compréhension avec le Père Dralnar, mais je doute vraiment qu'il aurait fait de la pub à un vulguaire site raciste. A part la vidéo que je n'ai même pas voulu regarder plus de 5 secondes, rien ne m'avait vraiment choqué dans les informations diffusées par ce site. A noter que la vidéo était signée d'un certain comité Inter-Africain dont j'ai cru comprendre qu'ils étaient mobilisés pour faire reculer cette pratique. Voilà, je crois avoir bien poser le décor.
Imaginons maintenant que je possède cette vidéo sur mon disque dur. Et que je veuille la diffuser sur un blog, dans le cadre d'un article informant sur cette pratique.
On est donc bien d'accord : je n'ai pas fillmé, je n'ai pas assisté, je suis seulement dans la situation de vouloir diffuser.
Suis-je dans les cas prévus par la loi ?
Je crois me souvenir que oui. Ca m'est d'ailleurs confirmé par un article
wikipedia sur le sujet.
En France, l’excision constitue une atteinte à la personne. Elle entre dans le cadre des violences ayant entraînées une mutilation permanente, crime passible en cours d'assise de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende dans le cas général. Lorsque la victime est mineure de 15 ans la peine est portée à 15 ans d'emprisonnement, 20 ans si le coupable est un ascendant légitime (Art 222-9 et 222-10 du Code pénal).
Donc, maintenant, je peux reprendre ton argumentation juridique leto_2
leto_2 a écrit:c'est parti... je préviens les allergiques, ce message contient de vrais morceaux de droits.

[hr]
I - Rappel : le texte applicableLe nouvel article 222-33-3 du Code pénal (par commodité, l'article anti
happy slapping) comporte 3 alinéas :
le premier vise l'enregistrement,
le deuxième vise la diffusion,
le troisième délimite le champ d'application de l'article, en excluant expressément 2 situations, à raison de la finalité de l'enregistrement.
A - Sur le premier alinéa :« Est constitutif d'un acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 et est puni des peines prévues par ces articles le fait d'enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions. »
plusieurs conditions sont requises pour que l'infraction soit constituée :
1- le fait d'enregistrer des images
2- sciemment
3- relatives à la commission de ces infractions, c'est-à-dire les « atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31»
- le fait d'enregistrer des images : tous les enregistrements (« par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit »), mais rien que les images (les enregistrements sonores ne sont pas concernés)
- sciemment : c'est l'élément moral (au sens d'intentionnel) de l'infraction : il faut avoir voulu filmer l'agression, et non l'avoir enregistrée de façon fortuite. S'agissant d'un élément intentionnel, sa preuve peut être difficile à rapporter. En tout état de cause, la charge de la preuve pèse sur l'accusation et le doute profite au prévenu.
- relatives à la commission de ces infractions, c'est-à-dire les « atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 »
c'est là que ça devient intéressant :
L'article précise clairement qu'il s'agit d'un « acte de complicité ».
Or, la complicité suppose par définition de se rattacher à une autre infraction principale, que l'on appelle aussi le fait principal punissable.
Ici, pour que l'article 222-33-3 puisse s'appliquer, il faut nécessairement que les actes enregistrés constituent des infractions visées par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31, soit :
1. des tortures ou des actes de barbarie (article 222-1)
2. des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7)
3. des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-9)
4. des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-11)
5. des violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, mais qui rentrent dans l'un des 13 cas énumérés par article 222-13
6. des viols (article 222-23)
7. des agressions sexuelles (article 222-27)
(qui seront donc appelées les 7 agressions de l'article anti
happy slapping)
Les conséquences juridiques de ce rattachement :- S'il est jugé que celui qui est poursuivi comme auteur n'a en réalité commis
aucune infraction, celui qui est poursuivi comme complice ne peut être que relaxé.
- Si le fait principal a bien été commis mais n'est
pas punissable (car il a été commis en état de légitime défense ; sous l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité légitime ; en état de nécessité, etc.) ou
plus punissable (prescription par 3 ans pour les délits), alors il ne peut y avoir complicité
- D'un point de vue procédural, la complicité suppose d'abord l'existence d'un fait principal punissable et
les juridictions de jugement sont tenues d'en constater la présence et de la caractériser sous peine de voir leurs décisions cassées(jurisprudence abondante sur ce point : Cass. crim., 1er mars 1886 : Bull. crim. 1886, n° 56. - Cass. crim., 31 juill. 1895 : Bull. crim. 1895, n° 41. - Cass. crim., 12 févr. 1898 : Bull. crim. 1898, n° 63. - Cass. crim., 2 août 1912 : Bull. crim. 1912, n° 442. - Cass. crim., 28 juin 1917 : Bull. crim. 1917, n° 151. - Cass. crim., 1er mars 1945 : Bull. crim. 1945, n° 17 ; D. 1945, p. 265. - Cass. crim., 21 juin 1945 : JCP G 1945, IV, p. 90. - Cass. crim., 20 nov. 1945 : JCP G 1946, IV, p. 14. - Cass. crim., 28 nov. 1957 : Bull. crim.1957, n° 785. - Cass. crim., 2 juill. 1958 : Bull. crim. 1958, n° 513. - Cass. crim., 17 déc. 1959 : Bull. crim. 1959, n° 567. - Cass. crim., 27 déc. 1967 : Bull. crim. 1967, n° 190. - Cass. crim., 13 nov. 1973 : Bull. crim. 1973, n° 414 ; JCP G 1973, IV, p. 420. - Cass. crim., 7 mai 1979. - Cass. crim., 3 déc. 1980 : Bull. crim. 1980, n° 332. - Cass. crim., 1er déc. 1987 : Juris-Data n° 1987-002187 ; Bull. crim. 1987, n° 438. - Cass. crim., 28 mai 1990 : Juris-Data n° 1990-702296 ; Bull. crim. 1990, n° 124 ; Rev. sc. crim. 1991, p. 346, obs. G. Levasseur. - Cass. crim., 4 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-001847 ; Bull. crim. 1998, n° 83. - Cass. crim., 14 avr. 1999 : Bull. crim. 1999, n° 81 ; Rev. sc. crim. 1999, p. 809, obs. B. Bouloc).
B - Sur le deuxième alinéa :« Le fait de diffuser l'enregistrement
de telles images est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende. »
La diffusion (sans précision quant à son mode) est sanctionnée indépendamment de l'enregistrement, mais ne concerne que "de telles images", c'est-à-dire "des images relatives à la commission de ces infractions", c'est-à-dire "des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31" (les 7 cas précités).
Donc même si la diffusion est érigée en infraction autonome, elle reste cependant étroitement liée au sort de l'enregistrement :
si l'enregistrement n'est pas punissable, la diffusion ne l'est pas non plus.
On raccroche donc son sort à tout ce que l'on vient de voir sur la notion de complicité et ses conséquences juridiques.
Tu es d'accord jusqu'ici leto_2 que tout ce que tu as écris fait de moi un délinquant imaginaire si je veux diffuser cette vidéo dont la censure m'étonne ?
L'excision entre bien dans les 7 articles. Pour posséder cette vidéo, je l'ai bien enregistrée sur mon disque dur. Et je compte en plus la diffuser.
Donc, je suis dans la merde...
Le joker du troisième alinéa ? Ben... qu'est-ce que la justice pourraient faire de ces images ? Elles sont manifestement tournées à l'étranger. Me reste plus qu'à constater que cette vidéo est censurable et la faire immédiatement disparaitre de mon disque dur ??
Mais c'est là que revient la liberté d'information leto_2, celle qui est en danger, celle qu'on ne veut réserver qu'aux seuls professionnels de l'info. C'est grave je trouve. Car un journal aurait bel et bien le droit de diffuser cette vidéo. Mais le citoyen, non.
Autre exemple : je veux diffuser des images de skinheads russes s'en prenant violement à un étranger; une fois mis en ligne, un groupe de fafe français porte plainte au nom de l'article de Sarkozy, je fais quoi moi ? Je les diffuserai sciemment ces images si je les avais, au nom de quoi devrais-je m'en priver ? mais surtout, pourquoi devrais-je être obligé d'en répondre devant un juge ? J'peux toujours espérer sa clarvoyance. Elle sera peut-être au rdv. Mais cette volonté de criminaliser l'information alternative en a encore remis une louche avec cet article. Même si je peux filmer une bavure policière.
Merci de m'avoir écouté.