Mar 28 Mars, 2006 21:16
"vol: délit constitué par la soustraction frauduleuse d'une chose appartenant à autrui."
A partir de ce moment: la personne qui met à disposition sa musicothèque échange des fichiers, partage, et celui qui reçoit ne vole pas, mais reçoit une copie du bien proposé. Pas de fraude, "pas de soustraction" étant donné que le bien culturel musical ou vidéo est un bien non rival et non exclusif (je vous renvoie aux définitions que l'on trouve ça et là).
Ainsi, la notion de vol n'est pas celle de prendre quelque chose qui appartient à quelqu'un, mais de lui "ôter". le vol c'est la perte. la dépossession, selon la définition du dictionnaire, bien entendu.
On ne saurait parler de vol dans le cas des échanges de pair à pair (quelle est la signification du mot "pair"? il se rapproche étrangement de l'ami, de la connaissance de travail ou autre, et favorise l'idée que l'on partage, que l'on échange entre "amis", ce qui renforce l'idée jurisprudntielle que la copie de mp3 peut être, selon certaines conditions, considérée comme de la "copie privée", autorisée par la loi.). Dans le cas des dvd, la jurisprudence considère que ce n'est pas de la copie privée, mais de la contrefaçon.
Pour valider l'idée du vol, il faut en revenir à celui à qui n'appartient plus le morceau (puisqu'il l'a vendu en le démultipliant sur des galettes, en le chantonnant dans ses concerts), c'est-à-dire l'artiste.
Donc, que perd l'artiste?
- ses droits en tant qu'auteur, ou bien en tant qu'interprète, ou bien en tant qu'accompagnateur, etc.
Mais là, il en va de même: si celui qui télécharge gratuitement et illégalement un morceau ne l'aurait jamais acheté, il ne prive pas l'artiste de quoi que ce soit. Il me semble que c'est le plus important.
Et cela engage de nombreux autres débats et objections que je n'avancerais pas ici...(prix exorbitants des cds ou des morceaux à télécharger légalement, crise économique, construction personnelle des goûts musicaux...)
Quant à la créativité, je me permets de penser, et cela me semble important, aux quelques groupes qui ont émergé grâce à internet et vendent très bien leurs albums. Comment expliquer cela avec la mentalité d'une major? on ne peut pas. Leur rhétorique bien huilée ne peut malheureusement pas répondre à ça.
Internet et le pair à pair, c'est aussi des inédits d'artistes célèbres, de nombreuses artistes peu connus qui peuvent se faire connaître même là où ils ne sont pas distribués (avec les externalités que cela implique), ce sont des groupes qui cherchent à se faire connaître et qui trouvent sur ces plate-formes l'occasion de montrer qu'ils existent, voire qu'ils ont du talent.
Je pense que ce qui est déterminant dans la créativité, ce sont les restrictions imposées par les directeurs artistiques et producteurs qui ne veulent pas prendre de risques: les plate-formes illégales permettent de créer en liberté.
la créativité est bloquée par la culture musicale restreinte: les plate-formes de pair à pair permettent de découvrir, de décloisonner les cultures auxquelles nous n'avons pas accès.
Je vudrais amener une autre idée: est-ce que l'auteur est un véritable "démiurge", avec tout ce que cela comporte en connotations, ou bien n'est-ce qu'une personne qui puise dans les ressources culturelles communes de l'humanité?
Doit-on sacraliser l'auteur, ce petit bout de rien? Il est temps de démythifier nos conceptions de la musique et de l'art...