Je viens de lire dans les quelques derniers messages une réflexion fort intéressante sur la différence entre logiciels et oeuvres artistiques.
J'ai moi-même écrit sur ce site qu'il ne fallait pas confondre créations artistiques et logiciels - et donc pas attendre de la part d'une licence prévue (principalement) pour les créations artistiques les mêmes clauses que celles d'une licence prévue pour des logiciels. Mon argument était : un logiciel est un outil, ce qui induit une problèmatique forcément différente de celle d'une oeuvre artistique.
Les objections dans ce fil de discussion sont intéressantes. Et en effet, on peut convenir du fait que la création d'un logiciel et celle d'une oeuvre artistique ne sont pas si différentes, et peuvent être perçues de manière analogue par les créateurs impliqués. La création d'un gros logiciel est planifiée ? Celle d'un film également, et souvent à un degré supérieur... La création d'une chanson peut se faire sous l'inspiration du moment ? Certes, mais l'idée de départ d'un bon logiciel peut être trouvée de la même manière... Un logiciel peut être une oeuvre personnelle et "intime", tandis que certaines oeuvres artistiques sont collectives.
Donc pas de différence ? Non,
pas de différence majeure du point de vue du/des créateur(s).
Et du point de vue du public/des utilisateurs ?
Le logiciel libre comme la culture libre (ou en libre diffusion) ont pour but principal de donner une place plus importante au public, aux utilisateurs. Qui ne sont plus alors uniquement des consommateurs, mais des destinataires, des récipiendaires, voire des contributeurs !
Je ne dis pas que le point de vue du destinataire conditionne totalement le statut de ce qui lui est adressé, mais vu la place accordée à ce destinataire par le monde du "libre" (au sens fort large), on peut supposer que la perception qu'à ce destinataire du "produit" est significative.
Or, pour l'utilisateur, le logiciel reste globalement un outil. Pas uniquement, bien sûr, sinon comment expliquer les marques d'affection des utilisateurs pour "leur" Internet Explorer (ou de moi pour "mon" Firefox

) ? Il y a donc du symbolique en jeu. Mais l'aspect outil reste capital.
Par contre, il est difficile de qualifier une oeuvre artistique d'
outil. Sauf cas limites, une oeuvre artistique n'a pas d'autre "utilisation" que l'accès à l'oeuvre. Pour ce qui est des cas limites, on a :
- l'oeuvre comme support pédagogique : requiert l'accès collectif à l'oeuvre (ce qui va bien avec la clause minimale de libre diffusion).
- l'oeuvre comme matériau pour une oeuvre dérivée... La chose produite est alors également une oeuvre artistique, proche de la première. L'oeuvre est alors matériau, non pas outil, car un outil sert à faire quelque chose de différent (dans son statut même) de lui-même.
Il est toujours dangereux de faire des catégories, et cette différenciation entre outil et matériau n'est sans doute pas absolue. Certains cas le montrent d'ailleurs clairement :
- un jeu vidéo est un logiciel, mais ce n'est pas un outil. Il n'est pas nécessaire pour faire quoi que ce soit qui soit en dehors de lui-même (c'est peut-être d'ailleurs une bonne définition du jeu par opposition à l'outil !). Je ne serais donc pas choqué si la plupart des jeux libres devenaient des jeux "CC by nc nd"... sauf que, petite nuance : les jeux vidéo contiennent des "modules" qui pourraient être réutilisés pour produire d'autres oeuvres... des modules que l'on peut donc considérer comme des outils ! Un peu comme le football qui est un jeu, mais qui utilise des outils, appelés accessoires (ballon, cages...).
- un manuel, même s'il s'apparente par le forme à une oeuvre artistique (littéraire au sens large), n'est-il pas d'abord un outil ? Son objet n'est pas le manuel lui-même, mais un savoir, la maitrîse d'un... outil. Ah ben oui, ça devient un peu compliqué
Houlà, il se fait tard... mes idées sont fort embrouillées, et j'espère que vous m'en excuserez. J'ai sûrement dû écrire des choses de travers, mal tourner mes phrases, etc. Il faudra que je reprenne ça à tête reposée.