Tiwaz a écrit:Bonjour,
J'ai été profondément choqué par un petit texte dont on m'a fait part. mon frère. Passionné de jeux vidéo sans être un hard-core gamers, il a commandé le jeu Fable. Sur les 4 CD, il y a la mention :
"il est illégal de prêter ou de copier ce logiciel", en Francais (donc on ne peut croire à un problème de juridiction étrangère).
Je suis surpris, et m'interroge sur la validité d'une telle mention. J'ai l'habitude de prêter mes jeux et d'en emprunter régulièrement pour découvrir les bonnes productions vidéo-ludiques, qui se font rare.
De même, l'interdiction de copier m'interpelle, surtout depuis qu'un CD original (du jeu Arcanum), s'est fendu dans mon lecteur. Je joue depuis uniquement avec des copies de mes originaux, lorsque c'est possible (Il faut avouer, sans utiliser de crack, c'est parfois dur désormais ).
Avec humour, mon frère a ajouté :
"Sans blague, un jour il sera illégal de l'installer sur un ordinateur
si il y a plusieurs utilisateurs et on sera condamnable si on nous
vole un jeu pour diffusion illégale."
C'est du cynisme, mais on s'en rapproche de plus en plus (voir les CD de Sony avec rootkit intégré, dont on doit effacer les MP3/WMA/OGG si on perd/se fait voler le CD)
Alors dois-je arrêter de prêter mes jeux, et dois-je aussi demander un échange standard en cas de rayures qui empêche le jeu? Est-ce vraiment légal en France, ce genre d'interdiction. Si j'ai acheté un produit, j'en fais ce que j'en veux non? (quoique, la location de vidéo est interdite)
Si je le prêtes, je ne peux y jouer, donc une seule personne y joue à la fois. Il ne semblait que par le passé, il était bien question d'un seul logiciel lancé à la fois.
Merci pour vos éclaircissements
bonjour,
tu poses il me semble deux questions, d'une part celle du droit de copier un logiciel (ici de jeu), d'autre part celle du droit de prêter ce jeu.
I- Sur le droit de copier un logiciel :En matière de logiciel, il n'y a pas l'exception des "copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste", prévue à l'article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle.
En effet, le cas du logiciel est spécifiquement envisagé par l'article 122-6-1 qui prévoit :
[...]
II. La personne ayant le droit d'utiliser le logiciel peut faire une copie de sauvegarde lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l'utilisation du logiciel.
Tu peux donc en faire une copie de sauvegarde, et toi seul. Elle est uniquement destinée à préserver l'utilisation du logiciel, si l'original venait à être altéré.
La jurisprudence (= l'application du droit par les juges) fait une lecture restrictive de ce texte, car c'est une exception au principe de l'article L122-6, selon lequel il faut l'autorisation de l'auteur pour pouvoir, entre autres, copier le logiciel.
Ainsi, elle a tendance à faire une lecture littérale du "
une copie", exigeant l'unicité de la copie (à la différence de l'exception de copie privée pour les oeuvres autres que logicielles, qui ne prévoit pas de limitation quant au nombre de copies).
Plus contestable à mon sens, une décision a estimé que cette copie de sauvegarde n'avait pas vocation à s'appliquer aux logiciels sur support cd, au motif que :
La copie de sauvegarde est effectivement nécessaire pour les logiciels livrés sur des supports spécialement vulnérables, c'est-à-dire dont le contenu peut être altéré sans faute de l'utilisateur, tel un programme sur disquette. Tel n'est pas le cas du CD-ROM qui n'est exposé, comme tout autre bien, qu'aux dommages accidentels ou par manque de soins et non aux risques de dégradation logicielle (Tribunal de Grande Instance de Valence, 2 Juill. 1999, APP, SDRM, SNEP, SONY, autres c/ Pascal D.).
A mon sens, cette restriction est contestable car elle ajoute une condition à la loi (la cause de la dégradation du support, alors que la loi ne distingue pas).
C'est pourquoi on peut écarter cette lecture.
Tiwaz a écrit:et dois-je aussi demander un échange standard en cas de rayures qui empêche le jeu?
Ca dépend :
- si le support (cd-rom, etc) a été vendu sans défaut originel,
ces éventuelles rayures postérieures sont de la responsabilité de leur auteur, plus de l'éditeur de jeux.
Si tu as réalisé une copie de sauvegarde tant mieux, sinon, tant pis.
- si le jeu dispose d'un procédé empêchant la copie de sauvegarde,
alors une demande d'échange standart me paraît cette fois pleinement justifiée, puisque c'est ce dispositif qui ne t'a pas permis de prendre la précaution d'en réaliser une copie de sauvegarde.
II- Sur le droit de prêter un logiciel :Tiwaz a écrit: Si j'ai acheté un produit, j'en fais ce que j'en veux non? (quoique, la location de vidéo est interdite)
Non, tu as acquis le support physique (le cd-rom, etc), le droit d'utiliser le jeu (sur accord de l'auteur, moyennant finances), mais pas la propriété des droits d'auteur sur le jeu.
Si l'ami n'utilise que le support physique (ex : pour en faire un rond de serviette

), pas de problème, ton droit de propriété sur la chose te permet de le prêter à qui bon te semble. En revanche s'il utilise le logiciel présent sur le support, sans autorisation de l'auteur, alors il y a contrefaçon.
Tiwaz a écrit: Si je le prêtes, je ne peux y jouer, donc une seule personne y joue à la fois.
Oui (sauf si tu en as réalisé une copie de sauvegarde et que tu joues en même temps sur cette copie).
Mais ça ne change rien du point de vue juridique : le logiciel est utilisé par une personne non autorisée par l'auteur, cela reste une infraction (délit de contrefaçon).
En revanche d'un point de vue économique, il est évident que cela porte moins atteinte aux droits de l'auteur que si pour un seul original acheté, il y avait une multitude de copies et d'utilisations non rémunérées.
C'est pourquoi en pratique, il n'y a pas de contentieux sur cette pratique (pas vu de jurisprudence), elle profite d'une certaine tolérance des éditeurs de jeu qui préfèrent s'attaquer à des pratiques bien plus préjudiciables pour eux.