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Communiqué de la Ligue Odebi 08-01-2007
Publication du décret anti-interopérabilité :
L'état-UMP persiste dans l'incohérence.
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Le décret no 2006-1763 du 23 décembre 2006 "relatif à la répression pénale de
certaines atteintes portées au droit d’auteur et aux droits voisins" vient
d'être publié au journal officiel.
Avec ce décret, Donnedieu entend sanctionner d'une amende de quatrième catégorie
(750 euros) tout utilisateur pour le simple fait de mettre en oeuvre
l'interopérabilité (c'est à dire lire un produit sur le lecteur de son choix).
Début 2006, c'est le gouvernement lui-même qui présentait l'amendement 261 [1]
au projet de loi DADVSI, instituant une "riposte graduée", en précisant dans
l'exposé sommaire : "Cet amendement clarifie les incriminations du
contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d’atteinte aux
informations protégées portées sur les œuvres, en mettant en place un système de
réponse pénale graduée."
Dans cet amendement, le contournement des mesures techniques n'était pas
pénalisé s'il était effectué à des fins d'interopérabilité.
Cette introduction du droit au contournement des mesures techniques à des fins
d'interopérablité dans la loi française avait amené le secrétaire d'état au
commerce américain à s'ingérer dans le processus législatif français [2] , et
c'est sans surprise que le conseil constitutionnel censurait ensuite le texte,
en supprimant le mot interopérabilité des articles 22 et 23 [3] (... mais pas
des articles 13 et 14). Le motif invoqué par le conseil étant que le terme
interopérabilité serait mal défini.
Au final la loi DADVSI[4] prétend simultanément garantir l'interopérabilité
(article 13) et sanctionner les contournements de dispositifs de contrôle
d'usage alors que ces contournements sont pourtant -ce fait objectif est
incontestable- indispensables en pratique à la mise en oeuvre de cette
interopérabilité.
Le décret de Donnedieu confirme que cette mise en oeuvre sera sanctionnée
puisqu'il précise uniquement : "« Ces dispositions ne s’appliquent pas aux
actes qui ne portent pas préjudice aux titulaires de droits et qui sont
réalisés à des fins de sécurité informatique ou à des fins de recherche
scientifique en cryptographie. »" alors que l'amendement 261 garantissait que
:" Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes
réalisés à des fins d’interopérabilité ou pour l’usage régulier des droits
acquis sur l’œuvre. "
En accouchant au total d'un texte qui prétend garantir l'interopérabilité, et
simultanément pénalise la simple mise en oeuvre pratique de cette
interopérabilité, l'état-UMP fait preuve d'une incohérence que tous les
français sont à même de juger.
La publication de ce décret en période pré-électorale confirme quant à elle le
solipsisme de dirigeants politiques soumis à de puissants intérêts économiques,
et portant atteinte aux droits élémentaires des français en matière d'accès à la
culture et au progrès technique.
Pour la Ligue ODEBI, il ne fait aucun doute que le thème des droits et libertés
dans la société de l'information ne sera pas oublié lors de la campagne
présidentielle.
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La Ligue ODEBI
http://www.odebi.org[1] <http://www.assemblee-nationale.fr/12/amendements/1206/120600261.asp>
dans lequel l'exposé sommaire prévoyait la publication d'un décret :
" le détenteur ou l’utilisateur de logiciels mis au point pour le contournement,
qui profite des moyens mis à sa disposition pour s’affranchir des mesures de
protection, relèvera d’une contravention de la 4ème classe (750 € d’amende),
qui sera créée par un décret en Conseil d’Etat."
[2] <http://www.odebi.org/new/theme/accueil.php?a=330>
A noter, concernant l'intervention du secrétaire d'état américain, que la loi
américaine prévoit -elle- d'autoriser le contournement à des fins
d'interopérabilité, comme l'affirme le rapport Vanneste :
"Les États-Unis ont réagi très vite aux risques potentiels pour les industries
culturelles résultant du développement du numérique, et ont traduit les
engagements internationaux pris au sein de l'ompi dès le 28 octobre 1998 dans
leur législation nationale, à travers le Digital millenium copyright act
(dmca).
Celui-ci prévoit notamment l'interdiction, à compter de 2000, de la
neutralisation des dispositifs de contrôle d'accès autorisés par le titulaire
des droits, ainsi que, dès 1998, de la fabrication et de la vente de
techniques, produits ou services visant principalement à contourner les
dispositifs d'accès et de protection contre la copie. Sont cependant prévues
diverses exceptions à cette dernière interdiction : en cas d'évaluation
pré-achat par les bibliothèques, à des fins d'interopérabilité, pour des tests
de sécurité, pour les activités de recherche sur le cryptage, pour garantir la
vie privée..."
<http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r2349.asp>
[3] <http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2006/2006540/2006540dc.htm>
<http://www.odebi.org/new/theme/accueil.php?a=384>
[4]
<http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MCCX0300082L>
"Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en
oeuvre effective de l'interopérabilité,[...]"
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Le décret :
MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION
Décret no 2006-1763 du 23 décembre 2006 relatif à la répression pénale
de certaines atteintes portées au droit d’auteur et aux droits voisins
NOR : MCCA0600979D
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de la culture et de la communication,
Vu la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 22 mai 2001 sur
l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le code pénal, notamment son article R. 601-1 ;
Le Conseil d’Etat (section de l’intérieur) entendu,
Décrète :
Art. 1er. − Dans le chapitre V du titre III du livre III du code de la propriété intellectuelle, il est ajouté,
après l’article R. 335-2, deux articles R. 335-3 et R. 335-4 ainsi rédigés :
« Art. R. 335-3. − Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait :
« 1o De détenir en vue d’un usage personnel ou d’utiliser une application technologique, un dispositif ou un
composant conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique efficace mentionnée à
l’article L. 331-5 du présent code qui protège une oeuvre, une interprétation, un phonogramme, un
vidéogramme, un programme ou une base de données ;
« 2o De recourir à un service conçu ou spécialement adapté pour porter l’atteinte visée à l’alinéa précédent.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas aux actes qui ne portent pas préjudice aux titulaires de droits et qui
sont réalisés à des fins de sécurité informatique ou à des fins de recherche scientifique en crytographie.
« Art. R. 335-4. − Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait :
« 1o De détenir en vue d’un usage personnel ou d’utiliser une application technologique, un dispositif ou un
composant conçus ou spécialement adaptés pour supprimer ou modifier un élément d’information visé à
l’article L. 331-22 et qui ont pour but de porter atteinte à un droit d’auteur, à un droit voisin ou à un droit de
producteur de base de données, de dissimuler ou de faciliter une telle atteinte ;
« 2o De recourir à un service conçu ou spécialement adapté pour porter, dans les mêmes conditions, l’atteinte
visée à l’alinéa précédent.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas aux actes qui ne portent pas préjudice aux titulaires de droits et qui
sont réalisés à des fins de sécurité informatique ou à des fins de recherche scientifique en cryptographie. »
Art. 2. − Les dispositions du présent décret sont applicables, outre à Mayotte, dans les îles Wallis et
Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Art. 3. − Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de la culture et de la communication et le
ministre de l’outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera
publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 23 décembre 2006.
Par le Premier ministre :DOMINIQUE DE VILLEPIN
Le ministre de la culture
et de la communication,
RENAUD DONNEDIEU DE VABRES
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
PASCAL CLÉMENT
Le ministre de l’outre-mer,