moi a écrit:> Madame, Monsieur,
> je vous écris en tant que citoyen francais résident à Lyon pour vous
> parler du projet de loi DADVSI. S'il est parfaitement légitime, à plus
> d'un titre, de vouloir protéger le travail des artistes, il s'agit
> également de respecter les libertés des consommateurs. Ce projet de loi
> remet en effet en cause une grande part du droit à la copie privée, et
> légitime des procédés de verouillage éléctronique pour restreindre
> l'utilisation de documents multimédias. Cette loi, appellée à être votée
> en urgence les 20 et 21 décembre 2005, mériterait d'être examinée plus
> longuement. en effet :
>
> - elle légitime les système de DRM ( Digital Rootkit Management ) dont
> il a été démontré ( affaire Sony ) à plusieurs reprise qu'ils
> engendraient des failles de sécurité et des problèmes d'instabilité sur
> les systèmes informatiques.
> - elle crée de l'incompatibilité entre les documents venant de sources
> différentes. Elle autorise à ce qu'un document obtenu auprès d'une
> certaine société ne soit lisible qu'avec le logiciel / matériel fourni
> par cette société, et favorise donc un controle du contenu et des abus
> de monopoles. Un fichier musical acheté légalement sur un site internet
> pourrait par exemple ne pas être lisible sur un balladeur mp3.
> - elle restreint le droit à la copie privée, empêchant par exemple de
> posseder une copie d'un CD acheté légalement, que ce soit pour des
> raisons de sauvegarde ou pour l'écouter dans sa voiture. Elle supprime
> par ailleurs les exceptions faites au droit d'auteur dans les domaines
> de la recherche et de l'éducation, ce que je trouve particulièrement
grave.
> - dans la mesure où elle ne précise pas la nature des procédés
> techniques de protection des documents, et dans la mesure ou ces
> procédés reposent forcément sur un "secret de fabrication", elle porte
> une attaque dangereuse aux logiciels libre, qui reposent au contraire
> sur une parfaite transparence des procédés de fabrication. Ces logiciels
> ont pourtant un poids commercial important : pour ne citer que trois
> exemples, les 5 plus gros ordinateur du monde, 70% des sites internet et
> une partie de l'administration française fonctionnent avec des solutions
> libres, reconnues pour leur stabilité et leur niveau de sécurité. je
> suis moi meme un utilisateur de Linux, concurrent de Microsoft Windows,
> et je ne pourrais vraisemblablement bientôt plus lire de musique sur mon
> ordinateur.
> - il existe par ailleurs une communauté importante d'artistes qui
> distribuent leurs oeuvres via internet en autorisant les internautes à
> telecharger et copier librement leur musique, conformement à un certain
> nombre de licences qui ont un statut légal reconnu. Cette loi ne risque
> elle pas d'accroitre le clivage entre un vivier d'artistes qui
> fonctionnent grâce au bouche à oreille, mais qui n'ont ni les moyens ni
> l'envie d'utiliser des DRM, et les artistes produit par les majors ?
>
> En définitve, cette loi, parce qu'elle ne donne aucune précision
> technique, parce qu'elle occulte une grande partie de la distribution
> culturelle, me semble très éloignée des réalités du monde numérique. Je
> ne suis pas sur que tous ces points favorisent réellement le
> developpement culturel de la France, ni la juste rétribution des
> artistes. Je vous encourage donc à vous prononcer contre ce projet de loi.
>
> Veuillez agréer, Madame, Monsieur, mes salutations les plus sincères.
Comparigni a écrit:Monsieur,
Vous avez souhaité attirer mon attention, depuis plusieurs mois, sur le
contenu et le déroulement des débats du projet de loi relatif au droit d’
auteur et aux droits voisins dans la société d’information, et je vous en
remercie.
Les discussions se sont terminées mardi dernier à l’Assemblée nationale par
les explications de vote et le vote du texte. Je tenais à prendre le temps
de vous répondre en présentant l’action des députés UDF lors des débats.
- Tout d’abord, en ce qui concerne les exceptions au droit d’auteur, vingt
exceptions au droit d’auteur figuraient dans la directive. Seules deux
exceptions avaient été retenues par le projet de loi initial :
- une exception de reproduction technique transitoire.
- une exception relative aux personnes handicapées.
Suite au vote de dispositions intégrant la licence globale dans l’article 1,
le gouvernement avait décidé de le retirer. Mais devant le risque d’
inconstitutionnalité, le gouvernement a réintégré cet article pour le faire
rejeter par l’Assemblée nationale au profit d’un article additionnel plus
conséquent, reprenant un plus grand nombre d’exceptions au droit d’auteur.
Cet article additionnel a intégré quatre exceptions au droit d’auteur : la
première, relative aux reproductions techniques provisoires, inscrite dans
le projet de loi et reprise dans le texte final ; la deuxième, relative aux
personnes handicapées, prévoit une exception pour la reproduction et la
représentation d’œuvres pour les personnes handicapées.
Cette exception a fait l’objet d’une extension sous l’impulsion du groupe
UDF qui a fait inscrire dans la loi le principe d’un dépôt légal sous format
numérique. Cette mesure permettra aux personnes morales et établissements
concernés de réaliser des économies substantielles car elles n’auront plus à
numériser les œuvres physiques. Mesure très attendue par les associations.
Troisième exception, reprise d’un amendement déposé par l’UDF, relative aux
bibliothèques, musées et archives. Mesure également très attendue par les
personnes concernées. Enfin quatrième exception, également reprise d’un
amendement UDF, celle relative à la reproduction d’œuvres dans un but
uniquement d’information.
- Ensuite en ce qui concerne la copie privée, la commission copie privée
instituée par la loi de 1985 a créé une redevance prélevée sur les supports
enregistrables vierges. Redevance dont 75% est versée aux créateurs,
interprètes et producteurs et 25% revenant à la création et au spectacle
vivant (le groupe UDF avait demandé de relever ce pourcentage à 30%).
Cette rémunération prendra en considération les éventuelles incidences sur
les usages des consommateurs de la mise en place des mesures techniques de
protection. Amendement défendu par le groupe UDF, cette disposition
permettra de prendre en compte la compensation équitable que devront
recevoir les titulaires de droits.
En outre, la gestion de la copie privée d’œuvres protégées par le droit d’
auteur est confiée à un collège des médiateurs. Chargé de réguler les
mesures techniques de protection pour garantir le bénéfice du droit à la
copie privée, le collège fixera les modalités d’exercice de la copie privée.
Il aura également à connaître les différends liés à l’exception en faveur
des personnes handicapées.
A la fois juge et partie, la création du collège n’a pas recueilli l’
approbation du groupe UDF, critiquant la création d’une autorité
supplémentaire et estimant que la gestion du droit à la copie privée devait
revenir au législateur et non à une commission d’experts.
Enfin, s’agissant de la copie privée, le bénéfice du droit à la copie privée
a été reconnu.
Le groupe UDF souhaitait que le bénéfice de l’exception pour copie privée
soit reconnu comme un droit à part entière.
Paradoxalement, un amendement du rapporteur, voté en commission a fait l’
objet d’un retrait.
Il prévoyait que le nombre de copie privée devait être égal au moins à un.
Remplacé par un amendement ne prévoyant aucun chiffre minimal, il ouvre la
voie à l’interdiction totale de la copie privée pour les DVD. Le rapporteur
a justifié sa décision en s’appuyant sur un arrêt récent de la cour de
cassation restreignant le droit à la copie privée d’œuvres de cinéma sur
DVD.
- Par ailleurs, les débats ont aussi porté sur la réponse graduée qui
instaurait notamment au mois de décembre selon les termes de François Bayrou
une « police de l’Internet ». Suite à sa dénonciation par les députés UDF,
le gouvernement a allégé son dispositif.
C’est désormais un système de réponse graduée avec plusieurs niveaux de
sanctions :
6 mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour le pourvoyeur de
moyens de contournement des mesures techniques de protection, 3750 euros
pour le hacker qui décrypte individuellement les MTP et une contravention de
750 euros pour le détenteur ou l’utilisateur de logiciel mis au point pour
le contournement.
Enfin, des contraventions notamment de 38 euros pour le téléchargement
illégal pour usage personnel (trois ans et 300 000 euros actuellement au nom
de la contrefaçon), ou de 150 euros si le téléchargement s’accompagne de
mise à disposition de ces œuvres.
Malgré ce dispositif, le gouvernement est resté très flou sur les modalités
de constatation de l’infraction, sur le volume et le nombre d’œuvres faisant
l’objet d’une infraction….
L’UDF a voté en faveur de ce système même si le groupe avait proposé un
dispositif intégrant une responsabilisation du titulaire de l’abonnement,
une prévention par message d’avertissement et enfin un contrôle par les
forces de police et une sanction par les juridictions ordinaires.
- Concernant la licence libre, en deuxième délibération et à la dernière
minute, un amendement similaire à un amendement déposé par l’UDF a été
adopté qui évite de freiner l’utilisation de logiciel libre. Il permet de
mettre les codes sources à la disposition de tous les utilisateurs. Il
permet ainsi comme l’appelait de ses vœux l’UDF laisser libre cours à la
capacité de recherche, à la créativité et à l’inventivité du monde de l’
Internet.
La bataille de l’UDF depuis le début du texte consistait à favoriser l’
interopérabilité afin de développer la compatibilité entre tous les
systèmes. Nous avions donc retiré l’amendement 151, contrairement à ce qu’
indique le site de l’Assemblée nationale, et fait adopter un amendement 136
(144 rectifié du groupe UMP) qui va pleinement dans le sens des logiciels
libres.
Ainsi les dispositions relatives à l’interopérabilité votées en deuxième
délibération ont été enrichies d’une disposition proposée par le groupe UDF
visant à obliger les fournisseurs de mesures techniques à donner l’accès aux
informations essentielles à l’interopérabilité.
Il s’agit par cette mesure de lutter contre les ententes et oligopoles des
grands groupes et de permettre aux logiciels libres de continuer leur
activité.
- Les débats sur la licence globale ont été très denses. Défendue par les
syndicats et sociétés civiles d’artistes-interprètes ainsi que par l’UFC Que
Choisir, soutenue par une partie du PS et une partie de l’UMP, très divisés
sur le sujet, la licence globale avait finalement été adoptée par l’
Assemblée nationale le 21 décembre. Seul le groupe UDF à l’unanimité, s’est
prononcé contre, pour deux raisons exposées par Jean Dionis du Séjour :
- le caractère optionnel, reposant sur une simple déclaration de
bonne foi de l’internaute, ne pourra pas fonctionner sans aucun contrôle
alors que huit millions d’internautes pratiquent actuellement le
téléchargement illégal.
- l’ajout d’un surcoût de sept euros ne fait pas de la licence
globale un modèle populaire ayant vocation à se développer alors même que
60% des internautes ne téléchargent pas.
Enfin, la répartition pour les auteurs ne pourrait se faire que sur la base
de sondages favorisant dès lors les artistes les plus populaires et les plus
médiatiques.
L’UDF a proposé le développement des plateformes musicales légales, plus
accessibles, moins chères et en élargissant le catalogue disponible. Ceci
conduira inévitablement à une baisse des prix (actuellement l’internaute
verse en moyenne 0,99 € pour l’acquisition d’un morceau de musique avec des
limitations d’usage en terme de nombre de copie et de transfert sur
différents supports).
Par ailleurs par voie d’amendements, l’UDF a proposé de favoriser la
compatibilité entre les logiciels et/ou les supports. Ceci permettra à l’
internaute de lire toute œuvre acquise avec le logiciel et le matériel de
son choix. Ces amendements favorisent le respect de la liberté de choix du
logiciel et du support de l’internaute.
- Les Mesures Techniques de Protection ou DRM ont aussi été discutées. Les
mesures techniques de protection (MTP) ne sont pas une nouveauté du projet
de loi ; en revanche, leur protection juridique en constitue une, puisque le
texte prévoit désormais que le contournement de ces mesures sera passible de
trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende. Cette disposition soulève
plusieurs écueils.
Pour l’UDF, il ne parait pas possible de prévoir une limitation des droits
de l’internaute de faire une ou plusieurs copies à usage privée d’une œuvre
qu’il a acquis légalement. Le projet du gouvernement entraîne la sanction
pénale de l’utilisateur qui a choisi de lire ces fichiers sur des supports
différents (par exemple la lecture d’un DVD sur un logiciel libre ou la
lecture acheté sur un plateforme par exemple type I tunes sur un lecteur
autre que Ipod).
Lors des débats François Bayrou s’est demandé s’il convenait de maintenir
la redevance destinée à rémunérer les copies privées et prélevée sur les
supports (DVD, CD) vierges "si la transmission des oeuvres se trouve
interdite".
- Enfin, il est nécessaire d’aborder le contenu des amendements dits Vivendi
ou « Mariani ». Ils prévoient l’un au pénal, l’autre au civil de
sanctionner de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende le fait
de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment
et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la
mise à disposition du public non autorisée d'œuvres ou d'objets protégés.
Il revient en fait à sanctionner les éditeurs de logiciel de pair à pair et
risque de mettre fin au développement de la technologie du P2P malgré l’
atténuation votée indiquant que la répression ne s’appliquera pas aux
applications destinées au travail collaboratif et à la recherche.
Le groupe UDF n’a voté aucun de ces deux amendements estimant que le
logiciel libre est incontestablement une voie d'avenir, l'un des modèles de
développement de l'industrie du logiciel et qu’il faut laisser évoluer la
communauté du libre.
En conclusion des débats, le Groupe UDF n’a pas voté le texte. Vous
trouverez en pièce jointe, l’explication de vote prononcée par mon collège
Jean DIONIS du SEJOUR.
Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma considération
respectueuse.
Anne-Marie COMPARINI
Députée du Rhône
Romain GARY
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