jeudi 9 mars 2006, 19h12
Droits d'auteur: nouvelle épine dans le pied du gouvernement à l'Assemblée
PARIS (AFP) - Le projet de loi sur les droits d'auteur dont l'examen à l'Assemblée était totalement bloqué jeudi après la réintroduction surprise de l'article légalisant le téléchargement, est devenu une nouvelle épine dans le pied du gouvernement, après le CPE.
Le Premier ministre a refusé de lever l'urgence sur ce texte (une lecture par assemblée) alors que PS, PCF, Verts et UDF l'ont demandé solennellement et que le groupe UMP le conseillait discrètement.
"Villepin ne veut pas paraître céder à la jeunesse sur ce texte, sinon c'est la brèche ouverte pour le CPE", indiquait un député UMP sous couvert de l'anonymat.
Ce projet de loi, comme celui instaurant le Contrat première embauche, concerne au premier chef les jeunes dont la plupart téléchargent de la musique.
Objet d'un bras de fer entre l'industrie de la musique, des sociétés d'auteur et les internautes, ce texte est désormais devenu, comme le CPE, un enjeu politique brûlant entre la gauche et le gouvernement, à 14 mois de l'élection présidentielle. "M. de Villepin a décidé de ne pas capituler, nous non plus", a averti Henri Emmanuelli (PS) dans l'hémicycle.
Précisant qu'il avait consulté le Premier ministre durant la pause déjeuner, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, s'est contenté de promettre que le gouvernement "ne passerait pas en force" et que les parlementaires "auraient tout le temps nécessaire" pour discuter.
Au risque de se voir reprocher de faire pression sur les sénateurs, il s'est engagé à ce qu'en cas d'écart important entre le texte du Sénat et de celui de l'Assemblée, la Commission mixte paritaire (CMP, 7 sénateurs, 7 députés) ne soit pas convoquée avant une tentative de conciliation.
Après la énième volte-face du gouvernement sur ce projet, la confusion était totale jeudi dans l'hémicycle avec une gauche portant le fer sur les questions de procédure contre le gouvernement, une UDF furieuse de travailler dans cette pagaille et une UMP de plus en plus mal à l'aise.
Le premier secrétaire du PS, François Hollande, est descendu dans l'arène réclamant, à défaut de retrait du texte, de supprimer l'urgence: "où vous vous obstinez, ou vous pensez qu'il est encore temps de faire un geste", a-t-il dit.
Le président de l'UDF, François Bayrou, a enchaîné, en assurant que "ce débat était celui de nos libertés".
M. Donnedieu de Vabres avait suspendu avant Noël l'examen du projet de loi après l'adoption contre son avis de deux amendements identiques UMP et PS légalisant le téléchargement sur internet à usage privé contre rémunération, ce qui ouvrait la voie à la licence globale.
A la reprise du débat en début de semaine, il avait provoqué la surprise en supprimant l'article 1 du texte comportant ces amendements et en remplaçant par un article additionnel sans ces amendements. Mercredi soir, nouvelle volte-face, l'article 1 était réintroduit, le ministre ayant été averti d'un risque d'inconstitutionnalité.
Jeudi, chacun, gouvernement et groupe UMP, se rejetait la responsabilité de ce nouveau couac. Or dès le 1er mars, le groupe UMP s'était prononcé pour une reprise normale des débats aboutissant au rejet en séance de l'article 1.
Les députés devaient donc jeudi poursuivre l'examen de l'article additionnel avant celui de l'article 1 qu'il était censé remplacer, faisant dire à Marine Billard (Verts) "je n'y comprends plus rien" et, au plus ancien élu Didier Julia (UMP), dans les couloirs, "parole de doyen, on a jamais vu ça!".