J'ai suivi avec un réel bonheur le bouillonnement autour des débats parlementaires au sujet des DADVSI. Vous avez même réussi de par votre enthousisame à arracher ma carte d'électeur de la fosse aux lions à laquelle elle était promise (enfin... n'ayant pas même un chat sous la main, je pense en fait que je l'aurais bouffée moi-même). J'ai personnellement signé la pétition d'EUCD dès que j'ai appris son existence, j'ai lu pas mal de choses, saoûlé mon entourage du mieux que j'ai pu, tout ça dans l'espoir de voir peu à peu se dresser le poing du Peuple dans la face des engeôleurs de libertés. Seulement à présent, gavé-saturé de débat (et tout de même de dégoût), me voici pris d'une certaine lassitude, la même qui me prît naguère devant le dernier écran bleu que je vîs sur mon PC.
Eh oui... car il y a bien eu un jour où j'ai dit "assez" dans un autre domaine: celui du logiciel. "Assez" de ces logiciels de qualité tout juste moyenne qu'on vous culpabilise de copier et d'échanger (prononcer "pirater"). "Assez" de ces gens qui vous traitent comme si vous ne pouviez vous passer de leurs produits et qui fort de cela exigent de vous le droit de connaître la couleur de vos caleçons... "assez", "assez !", "ASSEZ !!!" : ça vous gêne que j'utilise vos logiciels ? je veux dire, ça vous fait tant de mal que ça ? et bien... et bien... je ferai sans ! gardez-les vos logiciels et foutez-moi la paix. Aujourd'hui je n'utilise plus que des logiciels Libres. J'insiste, pas gratuits, Libres ! je me fous qu'un truc soit gratuit s'il n'est pas Libre, on fait pas payer leurs chaînes aux bagnards. Je veux dire que ce qui m'insupporte avec les logiciels propriétaires, c'est avant tout la manière dont on traite l'utilisateur : ignare à qui c'est déjà faire une fleur que de laisser ses sales pattes traîner sur leur bijou numérique, bijou qu'il a de surcroît obtenu pour un prix frisant la vente à perte.
Voilà résumée la genèse d'un pingouin, mais dites-moi, ces artistes qu'on entend soudainement crier à l'assassin éventreur de bourse que font-ils donc d'autre que les éditeurs de logiciels propriétaires ? Comme eux ils prétendent que c'est le public qui a besoin d'eux et ils ont l'air de trouver normal qu'on assujetisse celui-ci. C'est sans doute leur immense talent qui les autorise à règner via leurs fermiers généraux sur la masse d'abrutis dépendants qui a l'inégalable privilège de pouvoir les écouter. Ou bien peut-être la boursoufflure de leur ego leur masque-t-elle un monde un peu moins rose où les artistes sont artistes parce qu'un public - peu importe sa taille - a bien voulu les suivre dans leur aventure.
On peut traiter les gens comme des compagnons de route ou comme ces porteurs indigènes que les films d'aventure hollywoodiens sacrifient sans compter à la douzaine. C'est au choix, c'est leur choix, mais personnellement j'ai fait le mien : je ne suis pas un porteur indigène, ou plutôt je suis un porteur indigène qui dit au grand héros qu'il a qu'à porter son matos tout seul. Puisque c'est son aventure toute personnelle, je voudrais surtout pas m'incruster.
D'aucuns plaideront que le héros en tête de cortège face au danger n'a pas vu ce qui se passait à l'arrière garde ? que ces artistes tout à leur art ne savent pas ce qui se fait et sont manipulés par les méchants industriels ? Et bien :
1- Le problème présenté n'est pas nouveau... et où étaient-ils donc les gentils artistes quand on a commencé à "protéger" les CD quitte à les rendre inécoutables ? quand les a-t-on vus protester qu'un CD à 25€ n'était ni plus ni moins que du vol ? n'en achètent-ils donc jamais qu'ils ne savent pas combien ça coûte ? quand les a-t-on entendus hurler contre les producteurs qui meublent les CD avec toujours et encore les mêmes pistes pour faire plus d'albums ?
2- Aujourd'hui de toute manière le temps de la fausse innocence est révolu. Il va choisir de faire la guerre pour ou contre le public, c'est d'ailleurs à mon avis le seul mérite du projet DAVDSI.
"Assez" ici aussi donc : tu ne veux pas que j'écoute ta musique, dont acte, je n'écouterai que des Morts qu'on trouvera non-DRMisés (j'assume l'ordure que je suis en risquant de faire périr le fantôme de Léo Ferré d'inanition) et des vivants Libres. Parce que oui ! il y a des abrutis inconscients qui font de la musique Libre, qui sont contents que les gens écoutent et partagent leur musique, exactement comme il y a des développeurs qui font du logiciel Libre. Je me fous qu'on me vende le droit d'utiliser mes oreilles pour 5 ou 10€ par mois, je veux être libre de partager mon univers musical, d'acheter un CD (ou faire un don) non pour goûter mais pour soutenir. J'ai d'ailleurs commencé à expérimenter quelques morceaux Libres pour soigner mon ignorance en la matière, et je peux déjà dire que ce que j'ai entendu est fort engageant.
Ce ne sera pas facile (je suis en 56k et jusqu'ici je m'alimentais plutôt via médiatèque) mais pour moi c'est décidé, je reprends le sentier de la guerre, cette fois contre la musique propriétaire. La formule peut paraître violente, inconsidérément violente, mais pour autant je ne crois pas qu'elle soit inadéquate. Le péril mortel pour un logiciel Libre n'est pas tant le manque de moyens que d'utilisateurs. De même - je peux me tromper, mais c'est mon sentiment - si personne n'encourage ni n'écoute la musique Libre, elle crèvera faute de motivation pour les musiciens.
En route pour un monde impossible, qui ne peut-être que meilleur précisément parce qu'ils le disent impossible,
Hoka Hey !
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Wazo
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