M. Christian Paul - Je voudrais insister une nouvelle fois sur les risques que fait courir votre obstination. Savez-vous, mes chers collègues, qu'à l'heure où nous parlons, le Gouvernement procède à une réécriture complète de l'article 7, que vous avez voté en toute bonne foi ?
Mme Claude Greff - Heureusement que vous êtes là !
M. Christian Paul - Le Gouvernement va demander une deuxième délibération sur l'article 7 ! Chers collègues, faites preuve au moins une fois ce soir d'esprit d'indépendance et suggérez au ministre de demander aussi une nouvelle délibération sur l'amendement 150 2ème rectification, dit amendement Vivendi, que vous avez voté avec le même aveuglement que l'article 7, avec la même improvisation, vous comportant en apprentis sorciers prompts à ériger des remparts de papier qui ne tiendront pas au-delà de la bonne conscience d'un soir.
Le ministre nous a exposé son arsenal répressif, régressif pour contrôler la culture. Dans un entretien donné aux Inrockuptibles, il a d'ailleurs répondu à un journaliste qui l'interrogeait sur la proposition du président de l'UMP de supprimer le ministère de la culture, ce qui est une façon d'avaliser cette proposition...
Mme Claude Greff - Et alors ?
M. Christian Paul - Nous avons bien compris, nous, que le ministre de la culture allait quitter la rue de Valois pour la place Beauvau où il traquera les internautes.
M. Dominique Richard - Vous êtes fatigué !
M. Christian Paul - Voilà le dessein secret qui sous-tend votre entreprise répressive : créer un grand ministère de la police de l'internet !
M. Frédéric Dutoit - Je soutiens l'amendement 126. Comment, Monsieur le ministre, après avoir fait voter l'article 7 - mais peut-être le retirez-vous, avant de le réintroduire : vous nous avez habitués à tant de procédures particulières depuis décembre ! Comment, disais-je après avoir fait voter l'article 7 et l'amendement 150 2ème rectification, pouvez-vous prétendre que votre objectif serait de défendre les droits d'auteur à la française ?
M. le Ministre - On est à l'amendement 126 !
M. Frédéric Dutoit - Ce projet de loi n'est qu'un prétexte pour ouvrir aux fabricants de logiciels propriétaires un nouveau marché considérable et extrêmement rentable sur internet. Le voile s'est dissipé : votre texte a pour seul objectif de faire basculer la culture dans le marché. Et cela en dépit de vos beaux discours à l'UNESCO sur la diversité culturelle et l'exception française !
Nous aurions pu trouver un compromis satisfaisant pour tous, permettant de garantir le respect du droit d'auteur à l'ère du numérique. Vous vous y êtes refusé, mais le XXIe siècle vous rattrapera. Cet article 13 n'étant de toute façon pas applicable, il serait plus intelligent de le supprimer.
M. Patrick Bloche - Le 21 décembre dernier, le ministre de la culture déclarait ici, je le cite : « Vous aurez, sous les yeux du monde entier...
M. Christian Paul - Et au-delà ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)
M. Patrick Bloche - ...la magnifique responsabilité d'innover en la matière en définissant une réponse graduée. »
M. Richard Cazenave - Vous ne traitez pas de l'amendement. Ce n'est pas sérieux.
M. Christian Paul - Le ministre est-il sérieux ?
M. Patrick Bloche - La philosophie même de la réponse graduée procède d'une logique défensive, qui a été fort bien été analysée, notamment par le Conseil d'analyse économique. Dans son rapport sur la société de l'information, celui-ci explique qu'elle est « coûteuse en termes de bien-être social ». Elle cherche en effet à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés, retardant ainsi la marche de la révolution numérique. C'est, poursuivent les auteurs du rapport, la logique qui anime certains acteurs dominants du secteur de l'information de l'ancienne économie, éditeurs de contenus et grands groupes de médias, inquiets, à juste titre, des menaces que fait planer la nouvelle économie sur leurs modèles d'affaires. Le ressort de cette logique est de restaurer la liaison entre l'information et son support physique. L'histoire de la révolution industrielle montre pourtant que de telles tentatives conservatrices sont, à plus ou moins long terme, vouées à l'échec. À vouloir à tout prix préserver la protection de contenus propriétaires, on risque en outre de confisquer du bien-être en privant la société d'une bonne partie des bénéfices de la révolution numérique, concluent les auteurs. Voila pourtant ce que vous nous proposez, Monsieur le ministre, de voter sous les yeux du monde entier !
(...)
M. Patrick Bloche - Monsieur le rapporteur, nous sommes en plein dans le sujet ! Nous avons déjà évoqué la problématique de l'interopérabilité à l'article 7 ; dans le compte rendu de nos débats que faisait Le Figaro ce matin, la journaliste notait d'ailleurs avec pertinence que « nul ne sait encore exactement où commence et où se termine cette interopérabilité ». Rester dans l'imprécision, c'est confirmer l'insécurité juridique.
Montrons autant de détermination que la Commission européenne sur l'interopérabilité ! Selon une dernière dépêche, elle a envoyé une nouvelle lettre à Microsoft pour lui signifier qu'il ne respectait toujours pas les mesures anti-trusts imposés par Bruxelles en mars 2004 ; les services européens de la concurrence exigent de Microsoft qu'il fournisse à ses rivaux la documentation nécessaire au dialogue, ou interopérabilité de son système d'exploitation vedette Windows avec les produits concurrents. La Commission a même menacé Microsoft, fin décembre, d'amendes pouvant aller jusqu'à deux millions par jour.
M. Frédéric Dutoit - Monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous refusez cette définition claire de l'interopérabilité - dont en fait, semble-t-il, vous ne voulez pas...
M. Richard Cazenave - J'entends beaucoup de choses très injustes... Nous avons déjà pris des mesures pour garantir l'interopérabilité, et nous aurons l'occasion de les affermir encore. Je vous renvoie à l'article 7.
M. Christian Paul - Pourquoi le Gouvernement le réécrit-il ?
M. Richard Cazenave - C'est une fausse information, ce n'est pas le Gouvernement qui réécrit l'article 7.
M. Christian Paul - Qui d'autre alors ?
M. Richard Cazenave - Reconnaissez donc les progrès immenses qui ont été faits par rapport au texte initial, grâce au travail parlementaire et parce que le ministre a accepté d'entendre nos arguments. Par ailleurs, arrêtez de dire que les mesures techniques que la directive nous impose de prendre vont conduire au « flicage » des internautes : le flicage aurait bien plus résulté de la nécessité de repérer ceux qui auraient pratiqué le téléchargement sans avoir acquitté la licence globale optionnelle... Ici, nous mettons en place un suivi de l'œuvre.
Mme Martine Billard - C'est la même chose !
M. Richard Cazenave - Pas du tout ! Il n'y aura pas de flicage général des activités de l'internaute. Évitons les procès d'intention et abstenons-nous de refaire sans cesse l'ensemble du débat.
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cr ... 06/172.asp