Saisie sur renvoi après cassation, la Cour d'appel de Paris vient de rendre le 4 avril une décision importante relative aux MTP qui bloquent la copie des DVD
(merci à
televore d'avoir signalé cet arrêt).
Pour rappel, il s'agissait d'une action en justice, intentée par un particulier qui avait acheté un DVD de Mulholland drive. N'ayant pu en faire une copie privée sur VHS ou DVD, il avait signalé ce problème à l'UFC Que Choisir qui intenta alors une action commune contre l'éditeur du DVD.
Leur argumentation était double :
- atteinte au droit à la copie privée
- défaut d'information sur une caractéristique essentielle du produit (= le fait qu'il ne puisse être copié), au sens de l'article L111-1 du Code de la consommation
Après avoir été
déboutés en première instance, ils avaient obtenus en partie satisfaction en appel :
la Cour a écrit:Considérant en conséquence, qu'en l'état du droit interne applicable, qui ne prévoit aucune limite à l'exception de copie privée, si ce n'est qu'elle doit être effectivement réalisée pour un usage privé et doit respecter les conditions de l'article 5.5 de la directive, Stéphane P. qui, en l'espèce, a acquis de manière régulière dans le commerce un DVD et qui n'a pu procéder à une copie sur une vidéocassette destinée à un usage privé, a subi un véritable préjudice du fait du comportement fautif des sociétés qui ont "verrouillé" totalement par des moyens techniques le DVD en cause ;
la Cour a écrit:Considérant que les sociétés Alain Sarde et Studio Canal, qui ont produit le film en cause et représentant les ayants droits, sont responsables des fautes ci-dessus retenues tant au titre du manquement à l 19exception de copie privée ayant autorisé un verrouillage du DVD empêchant toute reproduction, que du défaut d'information ; que la société Universal, professionnelle de la distribution, est également responsable d'avoir distribué des DVD ne comportant pas une information suffisante sur une des caractéristiques essentielles du produit ;
Saisie sur pourvoi contre cet arrêt d'appel, la Cour de cassation avait
cassé cette décision et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris afin qu'elle soit à rejugée.
C'est à présent chose faite avec
cet arrêtde la Cour d'appel de Paris rendu le 4 avril 2007, qui déboute totalement les demandeurs.
Que dit-elle :
1- tout d'abord, elle déclare l'UFC Que Choisir irrecevable en ses demandes, pour un motif procédural :
l'action de l'UFC était basée sur l'article L421-7 du Code de la consommation, qui prévoit que les associations de consommateurs agrées peuvent
intervenir devant les juridictions civiles.
Prenant appui sur ce mot intervenir, la Cour considère qu'intervenir n'est pas introduire : si l'UFC pouvait se joindre à une action introduite initialement par un consommateur, elle ne pouvait introduire d'action à sa place.
La Cour confirme donc l'irrecevabilité de l'action de l'UFC
2- la Cour examine à présent la recevabilité de l'action du consommateur (Stéphane P.).
* premier point positif, elle rappelle que l'usage privé de la copie "ne saurait être réduit à une usage strictement solitaire de sorte qu'il doit bénéficier au cercle de proches, entendu comme un cercle restreint de personnes qui ont entre elles des liens de famille ou d'amitié".
* mais ce qui suit est nettement moins favorable :
elle déclare l'action irrecevable. Le raisonnement est le suivant :
- la copie privée n'est pas un droit mais une exception légale au principe d'interdiction de reproduction sans accord de l'auteur.
- en tant qu'exception, elle peut être opposée comme
moyen de défense, si le consommateur est poursuivi pour contrefaçon (copie sans accord).
- mais comme ce n'est qu'une exception, elle ne peut servir de fondement à une action du consommateur, en vertu du principe "pas de droit, pas d'action".
- par conséquent l'action du consommateur basée sur ce fondement n'est pas recevable
* sur le deuxième argument (absence d'information sur une caractéristique essentielle du produit), la Cour donne le coup de grâce :
"les premiers juges ont, à bon droit, jugé que l'absence de la mention relative à l'impossibilité de réaliser une copie privée ne saurait constituer une caractéristique essentielle d'un tel produit".
Sur l'argument de la loi DADVSI qui prévoit expressément une obligation d'information sur la présence de MTP, la Cour répond que de toute façon, cette loi "n'est pas applicable aux faits de l'espèce".
Qu'en penser :
- sur l'obligation d'information, désormais, la loi DADVSI est applicable et pourrait être opposée (pour un exemple voir
jugement du TGI de Nanterre du 15 décembre 2006
- sur la copie privée, la situation est inconfortable et manque de sécurité juridique. Comme le consommateur ne peut se fonder dessus pour intenter une action, mais seulement à titre de moyen de défense s'il est poursuivi, il est coincé :
d'un côté on lui dit qu'il ne peut agir pour faire interdire cette MTP, qu'il ne pourra en parler que s'il se fait assigner pour copie sans autorisation ;
d'un autre côté on lui dit que s'il copie le DVD, il risque de commettre une contravention pour contournement de MTP et un délit pour contrefaçon si sa copie n'est pas considérée comme légale.
La voie de la copie privée est décidément bien étroite, et pendant ce temps, la redevance de copie privée continue son bonhomme de chemin...