La commission de contrôle critique sévèrement les sociétés d'auteurs
LE MONDE | 06.04.06 | 15h13 • Mis à jour le 06.04.06 | 15h13
La répartition des droits d'auteur ressemble à s'y méprendre à "un entonnoir", explique le rapporteur général de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD), Marie-Thérèse Cornette. "Tout l'argent versé par les organisateurs de spectacles, les chaînes de télévision, les radios, les fabricants de supports de reproduction, les discothèques, etc., passe par une ou plusieurs sociétés, qui elles-mêmes prélèvent des frais de gestion, des frais de fonctionnement, parfois des sommes destinées à l'action culturelle ou sociale. La déperdition est très forte, si bien qu'il ne reste parfois que des sommes résiduelles à l'artiste."
Ce constat est repris par la commission qui, dans son troisième rapport, rendu public mercredi 5 avril, analyse les flux financiers des 25 sociétés d'auteurs sur 2003 et 2004. "Les sommes réparties aux ayants droit progressent plus rapidement que les perceptions mais ne représentent chaque année qu'une faible part des montants disponibles, entre 43 et 44 % (perceptions auxquelles s'ajoute ce qui n'a pas été affecté l'année précédente)", affirme ce rapport.
SYSTÈME TRÈS ATYPIQUE
"L'efficience d'un système qui comprend autant de sociétés intermédiaires (comme Copie France par exemple) n'est pas prouvée sur le plan financier", note le nouveau président de la commission, Bernard Menasseyre. Très attendu au moment où le projet de loi sur les droits d'auteur dans la société de l'information a profondément divisé les partis politiques, les internautes et l'industrie culturelle, ce rapport de la commission - créée par la loi du 1er août 2000 pour contrôler les comptes des sociétés chargées de la gestion collective - a pour vertu principale de dresser un état des lieux financier du système très atypique en vigueur en France. Tout d'abord, note M. Menasseyre, "les perceptions augmentent moins vite entre 2003-2004 qu'au cours des deux années précédentes. Une forte incertitude existe quant aux évolutions futures".
Depuis 2000, la perception des droits a augmenté de 30 % pour atteindre 1,21 milliard d'euros tandis que les montants disponibles n'ont augmenté sur la même période que de 20 %. La commission relève "le caractère structurel du retard des affectations aux ayants droit". Elle note aussi la faible propension des sociétés d'auteurs à utiliser leurs réserves, qui "pourraient et devraient faire l'objet de répartitions plus significatives". D'ailleurs, la trésorerie des sociétés progresse en moyenne de 12 %, soit une fois et demie plus vite que les perceptions.
Souvent très critiqué, le poids des charges de gestion de toutes les sociétés dans les perceptions brutes de l'année baisse faiblement, de 22,3 % en 2000 à 20 % en 2004. La commission rappelle, pour les trois sociétés d'auteurs - la Société des auteurs-compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), qui gère 5 millions d'oeuvres, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), qui en gère 364 000 et la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), qui en gère 300 000 - que "la situation est celle d'un monopole de fait, les auteurs n'ayant d'autre choix que de s'adresser à la seule SPRD qui gère le répertoire correspondant à la nature de leur oeuvre". Le rapport souligne que l'identification des oeuvres exploitées reste "malaisée" et préconise "de ne pas instituer de nouveaux droits tant qu'il n'est pas possible d'expliciter les mesures à mettre en oeuvre pour les répartir".
Parmi les problèmes relevés pour répartir les rémunérations figurent concrètement "les incertitudes qui affectent les bulletins de déclarations" que doivent remplir les auteurs ou "les mécanismes adoptés pour classer les oeuvres" - ce qui a suscité de graves tensions au sein de la SCAM, par exemple. A l'Adami (société d'artistes interprètes) en 2004, plus de 60 000 comptes sans adresse étaient ouverts, totalisant 9,8 millions d'euros.
Dès son premier rapport annuel, la commission déplorait que toutes les sociétés d'auteurs n'aient pas harmonisé leurs méthodes comptables. Ce constat est encore vrai, malgré la constitution d'un groupe de travail sur cette question et l'étude réalisée à ce sujet par un magistrat de la Cour des comptes. Les sociétés d'auteurs refusent de modifier quoi que ce soit tant que la question de la nature juridique de la relation entre les sociétés et leurs membres n'a pas été tranchée.
Nicole Vulser
Article paru dans l'édition du 07.04.06
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