Envoyé au médiateur de France-Inter. Un peu approximatif parce que rédigé tard dans la nuit, le médiateur s'exprimant le lendemain (chaque vendredi). Urgence finalement inutile, car il était parti en vacances.
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Monsieur le Médiateur,
Je vous écris avec tristesse, parce que je suis auditeur de France-Inter depuis mes dix ans. N'ayant pas la télé adolescent, j'ai grandi avec Foulquier, Blanc-Francard, Klein, Lenoir, Manoeuvre, Pradel, Villers, et j'en oublie certainement...
En mûrissant, je suis évidemment devenu plus critique envers la diffusion de l'information. Je consulte tous les médias avec un recul critique. Mais quand même en gardant une certaine confiance envers le service public.
Cette semaine, j'ai été choqué par le traitement de l'information à propos du projet DADVSI sur le droit d'auteur.
Cela a commencé dès mardi (journal de 8h), par un reportage déséquilibré:
la seule réserve mentionnée venait de photographes. Or ils étaient loin d'être les seuls à s'inquiéter : l'UNAF, UFC-Que Choisir, les auteurs de logiciels libres (
http://eucd.info/ & FSF France, qui ont organisé une pétition de plus de 130 000 personnes et 160 entreprises), une partie des artistes (ADAMI, SPEDIDAM, SAMUP, autres syndicats), les enseignants et chercheurs, l’Interassociation Archives-Bibliothèques-Documentation, des spécialistes en sécurité informatique, le SNJ tout récemment. J'en oublie sûrement.
Je comprends que Mme Siméone (la seule à m'avoir envoyé une réponse au début) ait souhaité donner un exemple, mais ne choisir que les photographes donnait l'impression d'une inquiétude très spécialisée, et donc marginale.
Cela suivi d'un couplet moralisateur sur le piratage, avec annonce des futures amendes. Il aurait mérité d'être tempéré par le rappel de la proposition de licence globale, défendue par Alliance Public-Artistes regroupant l'UNAF, UFC-Que Choisir et une partie des artistes (ADAMI, SPEDIDAM, SAMUP). Egalement sous forme d'un projet de loi supporté par 45 députés UMP (
http://fr.news.yahoo.com/19102005/7/45- ... nt-le.html). Bref, pas exactement des internautes utopistes. Cette proposition avait été publiée depuis un moment, et on saisit maintenant son importance, et ce n'est pas grâce aux médias...
Voilà pour mon analyse du premier reportage sur le sujet. Bien que Mme Siméone m'ait dit avoir en réserve une interview d'un représentant des logiciels libres, et une autre de l'UFC-Que choisir, tout ce qui me semble avoir été diffusé par la suite (j'ai consulté les journaux de 8h, 13h et 19h, et parfois 7h) a été des micro-trottoirs. Pas mal faits, mais qui a dit que le micro-trottoir était le degré zéro du journalisme ?
Pendant ce temps-là, de nombreuses minutes sur l'hypothétique/probable/futur/possible retour de Juppé. Cela méritait-il plus qu'une brève ? Pourquoi répète-t-on que les gens en ont marre de la politique politicienne, tandis que les premiers à pousser dans cette direction sont les journalistes ? Et vous n'avez pas eu l'impression de participer à la stratégie de com' de Juppé ?
J'ai ensuite suivi les débats à l'assemblée depuis leur début. Je crois qu'on n'y a jamais autant prononcé les mots "logiciels libres". Et plusieurs députés ont rappelé que beaucoup d'internautes les regardaient.
Et nombre d'entre eux, de tous bords, ont parlé de la licence globale. Et une nuit, ils en ont tellement parlé
que leur amendement est passé par surprise...
A ce moment-là, ce jeudi, il vous a fallu en parler. Encore que c'est Mme Boutin qui en a bien parlé... dans le journal de 13h. Parce que dans le journal de 8h, le temps semblant plus limité, fallait-il le gaspiller en lui posant la question de la mise en difficulté du ministre ? Politique politicienne, encore une fois... Que nous importe que le ministre se fasse enguirlander par Villepin ou Vivendi ?
En conclusion, voilà mes reproches :
- ne pas avoir parlé de la licence globale dès le début. L'information n'avait rien de confidentielle. J'ai lu qu'une émission de l'après-midi en avait parlé. A tous les coups, ce doit être ce trotskiste de Mermet !
- dès mardi mardi, avoir relayé la propagande culpabilisatrice du gouvernement et des multinationales du disque. La preuve est éclatante : vous avez explicité les futures amendes, alors que les amendements en rapport n'étaient même pas encore déposés. Inconnus des députés. Sans parler d'être votés... encore que je n'ai guère d'illusions sur ce que prépare le gouvernement pour janvier.
- avoir méprisé toutes ces inquiétudes que j'ai mentionné au début.
- avoir sous-estimé l'importance du débat. Le ministre lui-même a dit qu'il était historique... mais il y a bien d'autres éléments. Licence globale, ou verrouillage technologique, dans les deux cas, ça a des allures de première mondiale.
Incidemment, je trouve curieux cette méconnaissance du sujet du P2P. Les journalistes utilisent beaucoup l'informatique. Certains ont des enfants (les députés ont bien parlé des leurs).
Par ailleurs, je vous invite à consulter ce document de l'UNAF (Union Nationale des Associations Familiales), que je trouve révélateur de la façon dont cette loi a été préparée :
http://www.unaf.fr/article.php3?id_article=2688