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F. Lalanne sur la loi Hadopi : une belle mise en perspective

Le Libre soulève de nombreuses questions, notamment sur la vente liée, les verrous numériques, les libertés numériques.., Parlons-en avec écoute et respect de l'autre.

Mar 03 Nov, 2009 02:22

Prenez le temps de lire cette entrevue très enrichissante de Francis Lalanne qui atteint là de façon impressionnante le niveau d'un R. M. Stallman.
Tous les sujets de ces dernières années ayant trait aux lois liberticides poussées par les industries musicales déclinantes y passent avec une belle reflexion. Deux exemples.

Tout d'abord ce passage :

Q : Parmi les droits et libertés fondamentaux, il y a effectivement la vie privée, la liberté de communication, mais il y a aussi le droit de propriété. Comme l’artiste peut-il vivre dans un tel contexte ?

R : Parce que la propriété intellectuelle est une propriété relative. On peut considérer aussi que j’utilise des choses qui ne m’appartiennent pas pour m’exprimer. Par exemple, le langage ne m’appartient pas. On décide à un moment donné qu’on fait de la production de conscience, un produit


met en évidence que les régressions de la société trouvent leur source dans l'assimilation qui est faite lorsque l'on traite la "propriété intellectuelle" comme un droit de propriété alors que ce sont des droits de nature très différents.

Je cite Richard Stallman

PROPRIETE INTELLECTUELLE

Les éditeurs et les juristes aiment décrire le droit de reproduction en termes de «propriété intellectuelle». Cette expression véhicule un postulat sous-jacent: la façon la plus naturelle de concevoir le droit de reproduction reposerait sur l'analogie avec les objects physiques, que nous identifierions, tout aussi naturellement, avec la propriété.

Mais cette analogie néglige qu'il existe une différence essentielle entre les objets matériels et l'information: cette dernière peut être reproduite et partagée presque sans effort, ce qui n'est pas le cas des objets matériels. Fonder sa pensée sur cette analogie revient à montrer que l'on ignore cette différence.

Même le système législatif des États-Unis n'admet pas entièrement cette analogie, puisqu'il ne traite pas les droits de reproduction de la même façon que les droits de propriété sur les objets physiques.

Si vous ne voulez pas vous limiter à cette façon de penser, il vaut mieux que vous évitiez d'employer l'expression «propriété intellectuelle».

Un autre problème que pose la «propriété intellectuelle» est qu'elle sert à amalgamer des régimes juridiques distincts: le droit de reproduction, les brevets, les marques déposées, toutes choses fort différentes. Si vous n'êtes pas un expert de ces catégories juridiques et si vous n'en maîtrisez pas les définitions, ne vous risquez pas à les associer, ce qui vous mènerait certainement à des généralisations incorrectes?

Pour éviter la confusion, le mieux est de ne pas chercher à remplacer la «propriété intellectuelle» par une expression alternative. Parlez plutôt, selon le cas, de droit de reproduction, de brevets, ou de tout autre terme permettant de désigner avec précision ce dont vous parlez.


Ensuite cet autre passage de l'entrevue :
Il faut arrêter de prendre les êtres humains pour des consommateurs, ils le sont s’ils veulent, comme ils veulent. Il faut prendre les êtres humains comme des êtres humains. Leur faire confiance, parler à leur cœur, leur dire des choses évidentes qui est qu’un artiste pour continuer à faire son métier, a besoin de vivre et que si on l’aime, il faut agir de manière à ce qu’il ne soit pas dans le dénuement.

Je crois que chaque personne qui aime un artiste trouvera le moyen de lui donner le moyen de quoi vivre, il faut faire confiance aux gens, leur proposer une nouvelle façon peut-être de rémunérer leur travail et en tout cas dissocier l’écoute gratuite, voire le téléchargement gratuit, du fait de vouloir se procurer l’œuvre d’un artiste.


il est tentant de dresser le parallèle avec le projet (formidable) de la SARD inspiré par la proposition du Mécénat Global, basé sur le don du public aux œuvres qu’il souhaite soutenir :
http://www.framablog.org/index.php/post ... ard-hadopi
http://www.framasoft.net/article4935.html
Linux : il y a moins bien, mais c'est plus cher
http://libre-ouvert.toile-libre.org/
antistress

Messages : 3854
Géo : Ile de France

Mer 04 Nov, 2009 00:26

Franchement, autant je n'apprécie pas particulièrement son œuvre (désolé, ça arrive :wink:), autant son discours est épatant ! Enfin un artiste qui se rend compte que l'art, c'est avant tout fait pour être partagé. Je souhaite vraiment que les autres artistes ne le prennent pas pour un Stallman extrémiste. Sa remarque sur le fait qu'on utilise toujours quelque chose qui ne nous appartient pas est très juste alors que bientôt, avec les hadopistes, siffler un air dans la rue sera une violation du droit d'auteur.

D'ailleurs personne n'a jamais parlé du problème de la part d'héritage culturel dans une œuvre : comment fait-on pour dissocier la copie, violation du droit d'auteur, de l'inspiration venant d'autres œuvres ? Parce que personne ne pourra me faire croire que les artistes ne s'inspirent jamais d'œuvres existant déjà, c'est donc en partie du plagiat ! Il n'y a qu'à allumer la radio pour s'en rendre compte. Et pourquoi est-ce que reprendre les paroles ou la mélodie serait plus une copie que reprendre l'accompagnement ou les accords ? Il y a même des styles musicaux qui sont en quelque sorte « standardisés » (je pense aux 12 mesures du Blues). Personne n'a déposé de brevet sur les 12 mesures du Blues ? Dommage…

Pour en revenir à l'interview, Francis Lalanne touche du doigt le fond du problème : il n'y a pas de propriété possible avec les créations de l'esprit car elles ne sont pas matérielles ! C'est à mon avis la plus grande erreur qu'ait commise toute l'industrie qui s'est construite sur la création intellectuelle : musique, cinéma, livres, journaux, logiciels, jeux vidéos, etc. (j'ai dû en oublier…). Comme je le disais récemment en privé, les choses sont finalement très simples : l'industrie de la création intellectuelle, parce qu'il fallait produire des supports de diffusion, s'est fondée sur une logique d'industrie secondaire (de transformation) alors que cela relève à la base d'une activité tertiaire (divertissement, enseignement, recherche, etc.).

Du coup on a entouré tout ça d'artifices dignes de contorsionnistes : les brevets, les licences, les droits de copie, les protections logicielles, les DRM, etc. Je pense qu'il est important de faire comprendre au public que, bien qu'on ne parle que du « pillage » de la musique, toute l'industrie de la création intellectuelle est dans le même bateau. Ça permettra en plus de faire passer le fait que les protections logicielles n'ont pas lieu d'être (ce sont les DRM des logiciels et ceux-ci sont donc défectueux par conception), et donc ça devrait en faire arriver certains à la seule conclusion possible : les logiciels doivent être libres !
Le logiciel libre n'est pas une obsession, c'est la seule voie raisonnable.
http://philipjm.free.fr/blog/
philipjm

Messages : 3

Mer 04 Nov, 2009 12:19

@phillipjm : Je partage ton point de vue.

Certes, Francis Lalanne se traine une image de chanteur-looser (cf http://www.europe1.fr/Radio/Videos-podc ... -saloperie que je trouve particulièrement virulente, comme critique) mais le contenu de ce qu'il dit est *réellement* interessant.

J'ai trouvé son intervention particulièrement pertinente sur le fond. Ca renvoie les artistes à se poser la question : suis-je un artiste au service d'une industrie, ou au service d'un art ?
Une grande partie de la problematique actuelle repose sur le fait que l'industrie à fait un matraquage permanent de l'idée suivante : "un artiste qui n'est pas au service de l'industrie culturelle n'aura rien à bouffer, sauf à faire partie d'une petite élite lèche-botte subventionnée par les ministères/Drac/etc"
Bref, les majors ont réussi à faire passer cette idée perverse qu'en dehors d'eux, point de salut (un peu comme la SACEM, d'ailleurs).

Or cette idée est fausse. Je pense qu'on connait tous autour de nous des artistes qui vivent au moins partiellement de leur art (ma voisine est prof de musique le jour, concertiste certains soirs, et jazz woman pour le plaisir).
Alors, certes, elle ne passe pas à la télé, et diffuse des albums de façon confidentielle. Mais on est loin de l'image de l'artiste "génie romantique" qui crève la dalle.

F. Lalanne a donc pour moi le mérite de (re)poser la bonne question : "pourquoi faites vous de l'art ?"
Clairement, si c'est dans l'espoir de devenir (ou de rester !) millionnaire, pas de probleme : Hadopi est votre ami (et encore).
Sinon, si c'est pour créer, tout en en faisant un métier, alors, non, Hadopi n'est pas une bonne chose pour vous, parce qu'elle sanctuarisera la poignée d'artistes "élus" par les majors, et vous empêchera de diffuser vos oeuvres en rajoutant de nouvelles barrières.
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pyg

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Messages : 7858
Géo : Lyonnais

Mer 04 Nov, 2009 17:58

J'avais déjà entendu parler Lalanne à ce sujet. Et c'est clair qu'il a bien comprit les enjeux.
deadalnix

Messages : 864

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