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Compte rendu des séances parlementaires DADVSI du 07 mars

Le Libre soulève de nombreuses questions, notamment sur la vente liée, les verrous numériques, les libertés numériques.., Parlons-en avec écoute et respect de l'autre.

Mer 08 Mars, 2006 06:15

la version la plus récente est dispo là : http://pasunblog.org/article.php3?id_article=20

DADVSI 2.0.1 (beta) : Un coup de gomme et ça repart.
Compte rendu des séances parlemantaires du mardi 07 mars 2005

Mardi 8 Mars 2005 . 17h15. Deuxième manche de l’examen du projet de loi relatif aux droits d’auteurs et aux droits voisins dans la société de l’information (n° 1206 dit « DADVSI »). Les tribunes sont pleines, toujours parsemées des mêmes lobbyistes d’horizons divers et variés [1]. La séance reprend. Une cinquantaine de députés sont présents dans l’hémicycle, soit plus du double de la moyenne durant la session de décembre : beaucoup de « nouvelles » têtes, surtout à l’UMP...

(écrit tard, maigre relecture, etc. merci de me prévenir de probables fautes de sens, de goût, de style...)

La séance sera égayée par l’humour potache de J-L Debré (UMP) himself, qui préside la séance d’une main de maître (selon l’article 95-2 du règlement intérieur « les interventions des commissions et des députés sur les articles du texte en discussion.../... ne peuvent excéder cinq minutes » !). Il accorde dans sa grande bonté une discussion générale préalable à la reprise de l’examen des divers articles et amendements [2] composant le projet de loi. Au programme : une intervention du ministre, du président de la comission des lois, et des présidents de chaque groupe.

Plusieurs députés prennent toutefois la parole afin de procéder à des rappels au reglement, qui prennent plutôt la forme d’interrogations au sujet d’une manoeuvre assez exotique du gouvernement : lors de la séance de la veille, l’article 1er du DADVSI a tout simplement été retiré du texte de loi ! Or, cet article contenait les amendements 153/154, premiers pans du dispositif dit de « licence globale » , précisément ceux qui avaient causé tant de remous en décembre dernier.

Le président Debré explique que le procédé est parfaitement légal et que conformément à l’article 84-1 du reglement intérieur [3], « Les projets de loi peuvent être retirés par le Gouvernement à tout moment jusqu’à leur adoption définitive par le Parlement ». Or, il précise qu’une jurisprudence du Conseil Consitutionnel du 26 Juillet 1984 crèe un précédent dans le retrait d’un seul article [4]. Les députés semblent estomaqués par ce coup de « Bonneteau » (dixit l’incorrigible J-P. Brard (PCF) ). J-M. Ayrault (président du groupe PS) affirme que « les députés de la majorité ne cessent de se coucher devant le diktat de l’exécutif », ce qui provoque un tollé sur les bancs de la sus-dite majorité. ambiance !
VIVRENSEMBLE[DRM]

S’en suit une rassurante intervention du ministre Donnedieu. Tout va bien ! Le texte est é-qui-li-bré ! Tout le monde a été entendu (mention spéciale au « Je vous ai entendus ! » très gaullien). La copie privée ne s’est jamais aussi bien portée (un « collège des médiateurs », juridiction d’exception, déterminera des conditions de la mise en oeuvre de ce droit essentiel, pourra l’interdire ou l’autoriser, en fixer le nombre [5] en fonction du type de support ! ). Les logiciels libres sont en fait hyper-sympas et seront tous préservés (mais aura-t-on le droit de contourner une mesure de restriction d’usage afin de lire une oeuvre légalement acquise ? Pourra-t-on permettre à un logiciel libre d’interopérer avec une mesure technique de contrôle d’usage, en obtenant ses spécifications techniques ? mystère !)... Ha oui et puis aussi, l’interopérabilité, c’est hypra-chouette-kikoolol (là encore attendons de voir comment elle sera mise en oeuvre dans le texte. pourra-t-on réellement contourner une mesure technique lorsqu’il s’agira d’atteindre l’interopérabilité ? A l’aide d’un logiciel libre diffusé légalement avec ses sources ? Pour réaliser une copie privée par exemple... ). Un bien beau discours d’intentions qui laisse transparaître une certaine inquiétude et une certaine pression sur les épaules du ministre.

Après une critique en règle de la licence globale, et quelques contre-vérités et autres affirmations non prouvées ressemblant étrangement au discours de l’industrie du disque (« Au cours du débat, est apparu combien le téléchargement illicite est un phénomène dangereux, et nul ne conteste l’ampleur du préjudice causé. ») Nous aurons été nombreux à apprécier que « la surveillance des échanges illégaux concerne les œuvres et non les internautes. » [6] .

S’en suit une intervention de P.Houillon (UMP), président de la commission des lois dont la pratique de la novlangue prête également parfois à sourire (« Il faut donc se féliciter que du temps supplémentaire ait été laissé à la réflexion, et que le Parlement ait pu faire valoir certaines de ses idées, avant de les faire partager au Gouvernement. » concernant un projet de loi programmé dans le cadre d’une procédure d’urgence, initialement prévu pour passer en catimini, et dont le gouvernement vient de gommer une décision majeure du parlement, il fallait oser !). Tout le monde est rassuré d’apprendre que « S’agissant des internautes, toute copie non autorisée à des fins personnelles ou non commerciales relèvera d’un simple régime contraventionnel. », ce qui implique qu’ « Ainsi amélioré, ce projet de loi garantira en effet la juste rémunération des auteurs et le respect de la liberté d’accès des jeunes internautes aux œuvres de l’esprit, tout en confortant le droit à la copie privée. »

P.Bloche (PS) revient sur l’éternelle question de la licence globale qui vient d’être enterrée, et rappelle les principes généraux des souhaits des opposants à la version repressive du projet DADVSI : « Nous demandons d’abord un strict encadrement des mesures techniques de protection, afin de préserver l’exercice de la copie privée et des usages normaux d’une œuvre légalement acquise, de garantir l’interopérabilité, d’associer les auteurs et les artistes à la décision d’installer des mesures techniques de protection sur leurs œuvres, et d’éviter les effets collatéraux sur le développement du logiciel libre. Ensuite, l’abandon de la riposte graduée qui, même dans sa version « allégée », suppose la mise en place d’une véritable « police privée » de l’internet. En perdant sa capacité de dissuasion, ce dispositif banalise du reste la gratuité et étatise le droit d’auteur, puisque les amendes versées par les contrevenants ne rémunéreront pas les auteurs. ».

F. Bayrou (UDF) résume ainsi les conditions d’examen du texte : « Amendement surprise plus urgence : le Gouvernement imaginait que le Parlement lui ferait aveuglément confiance et qu’il pourrait éviter le débat dans le pays. Cette approche est stupide : il faut au contraire que les deux assemblées prennent le temps de l’échange pour que le pays tout entier s’investisse dans la réflexion. » et demande la levée de l’urgence sur le projet.

Il rappelle ensuite que « Le premier de ces enjeux essentiels, c’est le logiciel libre. L’imposition de mesures techniques de protection, de DRM, exclusivement compatibles avec tel logiciel ou tel matériel constituerait une prise de contrôle subreptice de la chaîne informatique. » B.Carayon lui assure que « C’est reglé ! ». F.Bayrou effectue ensuite une bonne synthèse sur les problématiques de l’interopérabilité « soit la possibilité de faire passer l’œuvre que l’on a reçue à bon droit d’un support à un autre et le droit de la faire partager dans ce cercle privé. À nos yeux, ce droit doit être garanti par la loi. .../... Cette protection ne doit pas être déléguée à un cercle d’experts - ou réputés tels -, de « médiateurs » professionnels qui seraient investis du pouvoir de déterminer le droit de tout un chacun, et même de refuser ce droit. » Selon lui, si les modalités d’exercice de la copie privée venaient à être restreintes (voire même interdites sur certains supports comme le laisse penser la version actuelle des amendements du gouvernement), la redevance exercée à son titre devrait également diminuer, ce qui serait une menace pour le spectacle et la culture en général.

Le député F.Dutoit (PCF) rappelle que l’objectif du projet de loi est la légalisation des DRM qui contrôlent et entravent les utilisations des oeuvres numériques. Il s’oppose au collège des médiateurs.

Le président ouvre alors le débat sur le nouvel « article additionnel après l’article premier » (celui qui vient d’être supprimé...) introduit par l’amendement 272, déposé la veille. Quelques questions-réponses sur les arcanes du règlement de l’Assemblée (voir art.84) plus tard, ce gros amendement (8 alinéas) déposé la veille au soir suscite de vives réactions.

Il est en fait une réécriture de l’article 1 incluant les exceptions qui avaient été votées en décembre, plus quelques nouvelles [7]. On attend toujours la fameuse « exception éducation » au sujet de laquelle le ministre jure ses grands dieux qu’un accord a été trouvé... sans que personne n’ait pu voir l’ombre d’une ligne de texte. Bien sûr, cette nouvelle rédaction n’inclut pas les amendements 153/154 (le petit bout de licence globale).

Puis, le débat s’empêtre dans les eaux boueuses de la licence globale. Cela rappelle ces conférences-débats depuis le mois de décembre, ou tout le monde s’écharpait allègrement autour de cette « source de revenus supplémentaire pour les artistes » / « fausse bonne idée » / « oui d’accord, mais la répartition » ( rayez les mentions inutiles ) sans évoquer les enjeux cruciaux, tant économiques, que stratégiques et socio-culturels que représentent les verrous numériques (DRM) et le contrôle de l’usage privé des oeuvres et de leurs canaux de diffusion ! ... [ décrochage ] ...

B.Carayon(UMP) recentre le débat en expliquant que « Ce débat touche donc très directement aux évolutions culturelles, scientifiques, et technologiques. Le droit peine à encadrer les progrès scientifiques. Il se doit d’être souple, créatif et clair. Ce n’était pas tout à fait le cas avec le texte présenté en décembre, même s’il s’y manifestait le souci légitime de protéger les auteurs. Mais des progrès formidables ont été faits depuis quelques semaines : la reconnaissance du droit à la copie privée, l’interopérabilité et le sauvetage des logiciels libres, la diminution très forte des sanctions, la soumission des mesures techniques de protection aux nécessités de la sécurité nationale et de la protection de la vie privée - on se souvient que Sony avait caché des programmes espions dans ses CD. » Espèrons que ses amendements de bon sens seront suivis par la majorité.

D.Mathus(PS) rappelle que « nous [anciens députés] avons assisté à un lobbying comme nous n’en avions jamais connu [8], à une pression directe sur le Parlement et en fait d’argument, on a souvent entendu le lamento déchirant des comptes en banque le soir au fond des bois numériques ! On aurait préféré un vrai débat sur cette révolution numérique face à laquelle les modèles anciens des industriels de la culture sont aujourd’hui inopérants. Là est le débat, entre l’accroissement du bien être collectif par l’échange de fichiers peer to peer, et des industriels de la culture qui tentent d’imposer leur rente de situation aux nouvelles générations. »

Après l’évocation par C. Paul (PS) des « contredanses pour la musique », amendes de première catégorie [9] de 38 Euros prévues pour sanctionner le téléchargement simple (d’une oeuvre ? 38 * nb_oeuvres ?) et leur faible pouvoir dissuasif, la séance est levée.

22h00. La séance reprend alors que l’amendement 272 n’a toujours pas été voté. Les députés n’ont pas chômé dans l’intervale : plus de 60 nouveaux amendements sont apparus ! Ils sont pour beaucoup des sous-amendements au nouvel-article-après-l’article-1-qui-a-été-gommé (pfouuuu...)

Le ministre RDDV rappelle que l’amendement 272, tout comme la précédente rédaction de l’article 1, inclut la transposition telle-quelle du fameux « test en trois étapes » [10] des accords ADPIC de l’OMC. (Il doit normalement servir de base à l’appréciation des exceptions au droit d’auteur par le législateur, et non être livré tel quel aux juges, car ces derniers ne devraient pas avoir à rendre dans leur jugements d’interpretations d’ordre économique, sous peine d’un rétrécissement progressif mécanique du champs des exceptions... comme les dérives récentes l’ont d’ailleurs fort bien prouvé.)

Démarre alors l’examen des sous-amendements à l’amendement 272 ! Le 332 est rapidement rejeté.

Ensuite, les amendements 308, 335 et 336, identiques, sont examinés. Ils tentent de confirmer la jurisprudence établie par de nombreux tribunaux ayant conclu que le simple téléchargement d’oeuvres sur internet relevait de l’exception de copie privée. Ils sont rapidement rejetés par l’écrasante majorité UMP et le soutien assidu de J. Dionis du Séjour(UDF) et quelques « vivendistes » de l’UDF que F. Bayrou aura laissé sans surveillance.

Après un vote expéditif du sous-amendement 309, la séance est suspendue.

Elle reprendra 20 minutes plus tard avec la proposition de sous-amendement 307 du député UMP A.Suguenot : une sorte de « patch » visant à réintroduire la licence globale dans ce nouvel-article-1-qui-remplace-l’article-1-supprimé-parce-qu’il-contenait-la-licence-globale ! L’expression de la « démocratie » peut parfois s’avérer assommante...

Le groupe PS demande un scrutin public. Il y a moins de suspense qu’en décembre... Chacun regagne son pupitre et s’apprête à appuyer sur un-et-un-seul bouton de vote (chaque député a droit à une procuration, qui est préalablement programmée et grâce à laquelle l’appui sur son bouton déclenche deux votes.). "Le scrutin est ouvert, le scrutin est clos." Un petit malin au dernier rang du banc UMP [11] a trouvé le temps d’appuyer sur 3 boutons durant la seconde qu’a duré le vote ! Il lève les yeux et me voit le regarder en le pointant du doigt. Il sourit. 85 voix contre 44. Il n’y avait pas besoin de ces voix si méprisantes des fondements de notre démocratie pour faire disparaître définitivement la licence globale....

La suite du débat s’annonce « sport ».
Post-scriptum :

Les compte-rendus (provisoires) sont disponibles à ces adresses :

http://www.assembleenationale.fr/12/cra ... P253_63840

http://www.assembleenationale.fr/12/cra/provisoire/

PS : Il y a eu tentatives, afin de rendre le texte un peu moins aride , d’extraire des images des séances diffusées en direct par le site de l’assemblée... Hélas le format propriétaire de mauvaise qualité dans lequel est encodé la video fait invariablement planter mon logiciel libre avec lequel je tentais naïvement d’interopérer ! (sic) Quand est-ce que l’Assemblée Nationale utilisera le magnifique Videolan, logiciel libre et Français de diffusion de video ?

[1] du disque, du cinéma, des éditeurs de logiciels, des bibliothéquaires, des handicapés, des familles, des consommateurs, des extrèmistes-intraitables-dogmatiques du logiciel libre, etc.

[2] (Les travaux de décembre ont été suspendus au beau milieu de l’article 7, alors que de nombreux articles précédents, le 1, le ? et le ? avaient été réservés c’est à dire que leur vote avait été reporté à la fin de l’examen du projet de loi, ou encore « mis sous le coude », qu’un spécialiste en droit parlementaire me corrige si je me trompe.)

[3] Décidément, j’ai bien fait de l’acheter, pour 5 Euros, à la boutique de l’Assemblée ! :)

[4] Il faudrait vérifier cela ! Quelqu’un a des infos ?

[5] l’application de ce nombre de copies se fera évidemment à l’aide d’un logiciel propriétaire de contrôle de l’usage privé acquis dans le cadre d’une vente liée, mais ça n’est qu’un menu détail technique...

[6] Est-ce réellement dissociable, monsieur le ministre ? Allons...

[7] Si quelqu’un a une analyse détaillée comparant les anciennes exceptions et les nouvelles, je suis interessé !

[8] Le député A.Joyandet(UMP) en a, pour preuve, déclaré : « Même si la licence globale a pu sembler la meilleure option à un moment donné, j’ai été convaincu par les explications que nous ont données les artistes. Merci donc, Monsieur le Président, d’avoir organisé ces rencontres avec eux. », au sujet de cocktails organisés avec les représentants de tous les industriels du disque et des « stars ».

[9] c’est à dire sans possibilité de faire appel !

[10] pronconcer « tchwipeul test »

[11] son numero de siège interesse quelqu’un ? Y aurait-il un moyen de le prouver ?
Dernière édition par jz le Mer 08 Mars, 2006 15:43, édité 1 fois au total.
jz

Messages : 90

Mer 08 Mars, 2006 07:59

Vu que là je dois aller bosser et qu'hier soir je n'ai pas pu suivre les débats, je n'avais que quelques minutes ce matin pour voir où en étaient les évènements. Merci donc pour ce résumé clair et concis :)
shroomz

Messages : 8

Mer 08 Mars, 2006 09:38

Je pensai devoir lire les 50 pages du thread "en direct a l'assemblée" pour savoir ce qui s'etait passe hier...
MERCI :)
Hoper

Messages : 151

Mer 08 Mars, 2006 11:14

jz a écrit:Un petit malin au dernier rang du banc UMP [11] a trouvé le temps d’appuyer sur 3 boutons durant la seconde qu’a duré le vote ! Il lève les yeux et me voit le regarder en le pointant du doigt. Il sourit.


:shock: Mais c'est quoi ça?! On est encore en démocratie là? :x

jz a écrit:Y aurait-il un moyen de le prouver ?


Si les procurations sont prévues à l'avance et si les noms des députés présents sont notés quelque part ça devrait être verifiable. Il suffit de chercher les députés ayant voté alors qu'ils n'étaient pas présents et que personne ne les représentait par procuration. Mais malheureusement je suppose que ce genre d'informations ne nous est pas accessible à nous, pauvres internautes :( .
Ti-nérisson

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