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Page 1 sur 21, 2 SuivantJamendo ou le modèle économique de la musique -libre-

Quand l'esprit du libre pénètre le domaine culturel...

Sam 25 Nov, 2006 11:00

Bonjour, j'ai rédigé un texte de réflexion sur Jamendo.



Jamendo : ou le modèle économique de la musique « libre »

Ancien « artiste jamendo », mais surtout ancien acteur en terme de réflexions, critiques, avis
sur les espaces communicatifs du site (forums, critiques d'oeuvres…), j'ai quitté cette plate-forme en
masquant mes albums en août 2006. Nous sommes en novembre 2006, je tente ici de faire le point
sur cette démarche.

J'ai découvert Jamendo par le biais des débats sur la loi DADVSI, je m'intéressais à ces
débats qui me semblaient importants, en tant qu'artiste mais aussi en tant que téléchargeur sur les
réseaux p2p. Mon parcours musical étant très long (près de dix ans) mais aussi en pointillés selon
certaines périodes, je reste un « musicien amateur » dans le sens ou je n'espère pas en vivre et je
n'espère pas une diffusion à grande échelle des mes créations. Je reste malgré tout attaché à un
projet plus concret pour ma musique pour lui donner une forme plus directe avec le public
(concert), et je suis dans une logique de projet sur le long terme. J'explique ma présence sur
Jamendo par différentes raisons. La première, c'est de vouloir contribuer au mouvement du « libre »
en général, issu du logiciel libre qui ouvre les portes à énormément de possibilités pour les créateurs
et leur public. La seconde, vouloir utiliser le p2p d'une autre manière, avoir un usage en accord avec
mes idéaux, partager les savoirs hors de toutes utilisations commerciales, hors de tout commerce.
La troisième, découvrir des artistes inconnus, découvrir un autre monde culturel immensément
présent dans le quotidien des milieux culturels alternatifs mais absent des médias, de la
reconnaissance « publique » des institutions, voire même des commerçants qui se disent défenseurs
de la « diversité culturelle »… autre concept galvaudé pour justifier toutes les dérives d'un système
inégal de rétribution aux artistes. J'y verrais une quatrième raison, plus personnelle dans le sens où
mes créations ont rencontré quelques oreilles avisées et la démarche de les offrir au plus grand
nombre m'a séduit.


1/ Pourquoi m'être investi dans la « communauté Jamendo » ?


C'est une question qui avait déjà été posée sur le site en lui-même. J'avais répondu en disant
que la démarche me plaisait, que mettre à disposition mes créations pour toutes les oreilles
attentives était une démarche qui allait de soi pour moi, que cela me permettait de rencontrer des
avis différents, de discuter, et de rencontrer d'autres artistes. Aujourd'hui, je l'analyserai plus
finement en ajoutant le côté « militant » à la démarche. Les débats sur la loi DADVSI étant très
présents dans les médias que je consultais (Ratiatum, Pc-inpact, Libération…), j'étais imprégné par
la certitude que les cultures, pour exister, doivent être partagées, diffusées, commentées, et de plus
j'étais persuadé qu'une entreprise comme Jamendo pouvait aider à construire une légitimité à ce
partage. Je reste toujours un fervent partisan du partage des cultures, dont l'accessibilité doit être
garantie par les pouvoirs publics car je crois que c'est un problème qui concerne tout le monde.
Mais je ne crois plus aux « promesses » du modèle de « troisième voie » de Jamendo qui n'en est
pas un, mais plutôt une escroquerie intellectuelle qui fait croire à ceux qui l'utilisent et participent à
la vie de ce site qu'ils oeuvrent pour une meilleure reconnaissance des artistes « libres ».


2/ Les raisons de la colère.


Parce que pour moi toute démarche dans ce sens se doit d'avoir une cohérence, des bases
idéologiques solides et pas un fourre-tout qui accepte tout sauf la critique de son propre modèle et
qui entretient un flou sur ses buts et motivations.

Jamendo est un site qui accepte des artistes sous contrat Sacem. Cette société n'autorise pas
ses sociétaires à mettre leur musique à disposition du public sur Internet, même de leur propre chef
et à titre gracieux : seul le streaming sur le site officiel de l'artiste est autorisé. En acceptant ces
oeuvres, Jamendo crée des conditions illégales de jouissance des oeuvres déposées sur le site. Pour
les exemples d'artistes sous contrat Sacem, citons par exemple : Myassa, Le Cri du Chat…
(http://www.jamendo.com/fr/forums/discussion/3953/en-supposant-que-certains-artistes-naient-pascompris/).
Ceux-ci déposent leur musique, d'autres créent un compte pour seulement annoncer leurs concerts, comme par exemple Khaban'… (http://www.jamendo.com/fr/artist/khaban/) ou Noe
(http://www.jamendo.com/fr/artist/noe/).
Dites moi que tout cela n'est pas fait pour amener du trafic
pour que les visiteurs regardent les publicités du site !

D'autres griefs à l'encontre de Jamendo, bien sûr… Le fait en premier lieu d'utiliser les
artistes dans une fin commerciale et avec un « service » totalement flou au niveau du
fonctionnement (avez-vous déjà essayé d'avoir, en tant qu'artiste contributeur à l'entreprise, ne
serait-ce que les comptes ou bilans de cette dernière ?). Les publicités pour SFR, Bouygues,
Endemol en première page du site, puis sur les pages artistes… qui contredisent totalement le
discours énoncé sur la musique libre. Ils veulent faire la promotion des artistes indépendants mais
font un gros encart publicitaire voyant, clignotant et sonore à un modèle qu'ils dénoncent… du bout
des lèvres parfois
(http://www.jamendo.com/fr/forums/discussion/6727/le-topic-ou-on-dit-merciaux-maisons-de-disques/#Item_19).

Apporter du contenu musical, éditorial (les critiques, les forums et ses longs posts), doit se
faire avec une rétribution, logique pour tout travail. Et la seule rétribution communément admise
pour les artistes sur le site, c'est la visibilité qu'il apporte… on rentre ainsi dans le même système
qu'une major qui va dire à un groupe, qui se sera produit en première partie d'une grande star
française – qui se produit dans des stades – et qui aura touché 150€ à partager en 5, « tu es
déficitaire, contente toi de ça si tu veux qu'on te rappelle ». Et n'allez pas demander à ces
esclavagistes des droits d'auteurs ou un quelconque contrat de travail : « vous n'êtes pas là pour
nous faire chier, si vous êtes pas content, cassez-vous ».

Jamendo dit « faire partie de la communauté de la musique libre », mais que font-ils pour
cette « communauté » ? Ils existent et pour eux c'est déjà bien, ils n'ont rien d'autre à faire… les
initiatives libres, les festivals ? Relégués à un petit encart dans la section « communauté » en bas de
page qui ne prend en compte que des flux RSS (donc pas de travail de rédaction). Quand on est
présent sur Jamendo, on fait partie de la « communauté Jamendo », on devient un « artiste
Jamendo », avec de « la visibilité Jamendo », et de « l'avoine Jamendo » pour vous faire taire.

Voilà, en espérant que ces quelques lignes feront réfléchir certains artistes quand à leur
« engagement » dans la société Peermajor éditrice de Jamendo.com. Je voudrais préciser que je n'ai
rien contre les personnes qui font partie du public de Jamendo (ceux qui font vivre les forums du
site, ceux qui critiquent, ceux qui font des blogs d'actualités, ceux qui font des émissions de webradio…),
je critique essentiellement le fonctionnement du site et sa prétendue « recherches de
troisième voie » qui n'en est pas une.

Aisyk

Ce texte est librement diffusable selon les termes du contrat Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France.
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/
Aisyk

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Messages : 51
Géo : Lyon

Sam 25 Nov, 2006 18:17

hum, merci pour ce long post, ca fait echo à Dogmazic : si on veut un modèle cohérent avec le libre, quel que soit le sujet, il semble que le modèle associatif est largement préférable au privé... l'évolution de Jamendo vers leur cynisme actuel en est la preuve.
Sans cohérence, l'intelligence n'est rien.
Sythuzuma-Ka

Messages : 1730

Sam 25 Nov, 2006 18:41

Merci pour ce long message, explicatif et largement compréhensible pour le grand public.

Pas facile de sombrer dans le pathétique et le vindicatif quand on commence à vouloir critiquer un système que l'on dénonce, et tu t'en es sorti brillament.

Bref, un message que j'ai largement apprécié et qui mériterait une 'diffusion massive'. Possible que cela puisse (aider en tout cas) faire évoluer les choses.

Tolosano
Veni, Vidi, Libri - Diffuseurs de Licences Libres
http://VeniVidiLibri.org
Tolosano

Messages : 1940
Géo : Toulouse

Sam 25 Nov, 2006 18:43

j'étais moi aussi un fervent défenseurs du site jamendo (pour l'écoute, je ne suis pas musicos) mais je suis du
même avis que Aisyk le jam du début n'a plus rien à voir avec cette machine (lourdeur du site et pub à
gogo) qui renie ces origines !

Bien sur pour faire vire un site il faut de l'argent mais pas en faisant de la pub pour ce quoi on lutte !
Cela fait, du coup plus de 3 mois que je ne le visite plus.

bha je passe mon temp sur les fora de framasoft :wink:
Marnic

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Messages : 1724
Géo : Prémian (34 hérault)

Dim 26 Nov, 2006 02:09

Merci pour vos commentaires et vos encouragements.

Suite du débat avec L.Kratz, PDG de Peermajor, société éditrice de Jamendo.

http://forum.culturelibre.net/viewtopic ... d=285#p285
Aisyk

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Messages : 51
Géo : Lyon

Dim 26 Nov, 2006 09:47

Salut
Merci Aisyk pour tes explications claires et précises et elles tombent bien.
De temps à autre, je téléchargeais de la musique depuis Jamendo et me faisais de petites compilations et je souhaitais faire partager cette découverte à d'autres gens. Maintenant, tes propos éclaircis me dévoilent une alternative tronquée qui me pose un cas de conscinece.
En ce moment, au sein du GULL (Groupe d'Utilisateurs de Logiciels Libres) auquel j'appartiens, il y a débat autour de "le libre au delà du logiciel". En bref, l'idée de créer un CD avec du contenu libre (logiciels + littérature libre + musique libre) à été soulevée.
Nous pourrions refiler un exemplaire de ce CD aux gens que nous rencontrons pour leur faire découvrir la phylosophie du libre et en débattre.
Pour ce qui est des logiciels et de la littérature il existe du contenu libre au sens des 4 libertés GPL (exécution, modification, redistribution, amélioration). Transposer ces libertés dans un domaine artistique ne semble pas aussi simple et les avis sont très partagés. Pour la musique, c'est très difficile de trouver du contenu sous GPL ... mais nous en cherchons.
Les musiques sous Creatives Commons de part leurs restrictions et contrairement à la GPL sont un frein à la création du CD en projet pour notre GULL car elles ne nous autorisent pas les 4 libertés.

Peut-être est-ce là la 3ème voie, de la musique GPL diffusable par les associations du libre.

nono (plus que jamais, le débat reste ouvert)
nonokrouik

Messages : 110

Dim 26 Nov, 2006 10:54

Pour de la musique sous GPL, il suffisait de demander :
http://www.dogmazic.net/static.php?op=musiqueIndex.php

Vérifiez bien quand même si les règles de la GPL sont respectées et n'hésitez pas à lancer un message aux administrateurs si tel n'était pas le cas.

Le problème de la musique c'est qu'elle est gérée différemment. Il n'y a pas à ma connaissance de société de gestion de droits d'auteurs dans l'informatique qui fait des sondages, demande des paiements pour toute utilisation (même non commerciale), qui lie les artistes pendant 10 ans à elle (15 si on compte que toutes les musiques faites par celui-ci 5 ans auparavant tombent aussi dans la gestion des droits de la Sacem)... Et c'est peut-être là tout le problème, la musique ne se produit pas comme un programme informatique, parfois ce n'est qu'une simple expression et elle demande à l'artiste (j'en suis un) des mois de travail/pause pour un résultat de 4-5 minutes... Dans le milieu de la musique, un artiste doit faire des contrats de travail pour toute utilisation de sa musique, et les sociétés de gestion collective de droits sont là pour éviter toutes les paperasses rébarbatives (un bar qui passe 50 artistes différents...), et en plus pour casser les prix avec des forfaits.

Certains artistes vivent exclusivement de leurs droits d'auteurs, d'autres font régulièrement des concerts/albums car ils le peuvent, certains sont désintéressés d'en vivre... Le problème c'est comment sont réparties les ressources, et elles ne le sont pas du tout de manière équitable (109 000 sociétaires à la Sacem, 3 000 qui touchent plus de 10 000E/an). Si on ajoute le système de taxe SDRM (société satellite de la Sacem qui délivre un "bon pour pressage" indispensable) qui demande des sous à chaque pressage d'un enregistrement physique si on est inscrit à la Sacem, cela revient à dire que les plus petits artistes engraissent les plus gros.

Mais quand j'y réfléchis un peu plus je me dis que tout cela devient un peu absurde et que la notion de "travail" au sens artistique est parfois un peu galvaudée surtout quand certains deviennent plus des "rentiers" que des travailleurs. En même temps une entreprise qui utilise une musique, un travail d'un artiste, se doit de le rémunérer... bref les débats sont ici aussi bien ouverts.
Dans d'autres milieux artistiques 98% des auteurs ne vivent pas de leur "art" (le livre par exemple, voir le livre de Bernard Lahire sur le sujet La Condition des Auteurs).


Pour ce qui est de la troisième voie, toute musique qui n'a pas de mention "nc" est rediffusable sans autorisation, la licences LAL le permettent aussi, après si votre but c'est de faire un CD 100% GPL... Mais de nombreuses autres solutions existent, peut-être plus adaptées à la musique (comment publier les sources d'un son utilisé dans une musique ?).
Je viens du monde des "trackers", malheureusement je suis trop jeune pour avoir connu la période Amiga, mais je compose sur un tracker aujourd'hui (open-modplug-tracker sous windows malheureusement), les fichiers .mod .xm .it sont des fichiers éditables, dans lesquels les sons sont modifiables, présents sans effets, toutes les pistes et les pages sont éditables. J'ai appris à m'en servir en regardant des autres .mod défiler.
Peut-être est-ce que ce "monde là" est plus proche dans l'esprit de la GPL.
Dernière édition par Aisyk le Dim 26 Nov, 2006 22:48, édité 1 fois au total.
Aisyk

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Messages : 51
Géo : Lyon

Dim 26 Nov, 2006 13:35

[Autocensuré]
Dernière édition par Haikai le Mer 06 Déc, 2006 13:03, édité 1 fois au total.
Haikai

Messages : 134

Dim 26 Nov, 2006 15:55

Bon. Une personne de plus viens de perdre ses illusions (en l'ccurence, si vous ne l'aviez pas compris, moi :wink: ).
Enfin, malgré tout, c'est mieux que rien, et ca permet de découvrir des artistes interessants ...
Il y a des gens qui vendent de la nourriture, des médicaments, du pétrole, de la drogue, des armes, etc. Mais tous sont pauvres face à celui qui vent des logiciels mal fichu !

Je teste pour vous en ce moment le Web 3,2189a Bêta
Hybrid Son Of Oxayotl

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Dim 26 Nov, 2006 17:42

Pour reprendre Haikai, je dirai qu'il est très difficile de faire la différence entre copiage et inspiration. Et d'ailleurs quelques affaires dont je n'ai plus le souvenir exact dans mon esprit endimanché traitaient de ces problèmes (droit d'interprétation, droit d'auteur... limite entre les deux...).

Il faut dire qu'avec cette histoire de droits voisins (donc droits du producteur, droits d'interprétation...), les frontières sont devenues plus floues, depuis cette loi de 1985...

Après dans l'absolu, j'adhère complètement à ton analyse, on s'inspire de beaucoup de choses. Mais peut-être que ce qui en sort devient une production personnelle ? On a tous une manière de sélectionner ses inspirations, de les construire, de les assembler, de les utiliser. Tout ce processus est éminemment personnel, non ?

Ah oui j'oubliais, voici les chiffres officiels des statistiques de la Sacem et des rémunérations de ses sociétaires :

chiffres du rapport d'activité de la sacem 2005 (ou 2004) :

2,75% des sociétaires touchent 10 000€ ou plus : 3000 sociétaires sur 109 000 annoncés.
ensuite, 9000 sociétaires touchent entre 1000 et 10 000 ;
30 000 touchent entre 20 et 1000 ;
67 000 touchent entre 0 et 20.

ce qui donne autre pourcentage, 7% des 42000 ayant perçu qq chose, perçoivent plus de 10 000 (ce qui est moins que le smic, par ailleurs) . de toute façon en dessous des 10%
Aisyk

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