L'amour de soi ne me gêne pas, chacun fait ce qu'il lui plaît, mais ce que je trouve incongru c'est de penser que "donner son moi" aux autres (comme l'entendait la posteuse à l'origine) peut ne pas aller à l'encontre d'une volonté de protection de ce "moi"....
Si on considère qu'il y a des choses terriblement sensibles et douloureuses dans une oeuvre, et qu'on n'est pas prêt à voir ces choses déformées par d'autres, alors il vaut mieux tout simplement les garder pour soi (ou attendre un moment propice, voire inscrire la publication posthume dans son testament, etc.).
oui, ce que tu dis a une certaine logique.
Mais, c'est
le propre de l'art d'exhiber quelque chose de soi, ou émanant de soi, ou créé par un sujet, il y a là, sous le couvert des règles de l'art, de l'impudeur c'est évident, une brutalité.
Il y a une chanson (magnifique) de Léonard Cohen, famous blue raincoat (une de mes chansons préférées de tous les temps) où il écrit à la fin :
"signed Léonard Cohen"
Est-ce que cette signature est un acte de propriété ? Non, évidemment.
Le problème pour l'artiste dans sa relation à l'oeuvre, j'ai envie de dire sa relation la plus intime, en tant que l'oeuvre est son bébé en quelque sorte - et pourquoi pas filer la métaphore de la maternité ici ? - n'est pas une question juridique : cette question là ne se pose qu'une fois l'oeuvre divulguée dans le monde.
(et j'en profite pour rappeler ce que j'ai déjà dit dans mon essai sur la dissémination de la musique -que cette relation juridique est pensée par le droit comme relation de paternité - le droit des oeuvres, leur commerce et leur diffusion c'est -symboliquement - le travail des pères, la création, els processus secrets et irréductibles à tout discours qui sont en amont de l'oeuvre, voilà l'affaire des mères)
Cette décision d'articuler juridiquement le rapport de l'auteur (on de devrait pas parler d'artiste ici) à l'oeuvre sous le mode de la paternité et de la propriété, est le choix fait au XVIIIème siècle par les fondateurs du droit d'auteur en France. Ils avaeint de bonnes raisons our cela (relisez le Diderot de la Lettre sur le commerce de la librairie, 1767). Les écrivains vivaient alors dans des conditions désastreuses, tandisque les libraires s'enrichissaient sur leur dos. Ceux qui choisissent une clause NC ne font rien d'autre que refuser qu'on s'enrichisse sur leur dos.
Certes, le droit d'auteur aurait pu faire le choix d'une fondation différente : les débats à ce sujet furent serrés jusqu'à la fin du XIXème siècle.
Il n'empêche, nous vivons en tant que créateurs sous la modalité de la paternité et de la propriété. Et les licences libres sont articulées à ce droit.
Toutefois, et c'est là où je veux en venir, l'expérience de la création (je parle ici bien avant la divulgation éventuelle d'une oeuvre), ne peut être pensée sous ce mode de la paternité/propriété. Elle est intime, personnelle, comme on voudra, et même si elle se déploie tout de même dans une certaine mesure dans la conscience qu'on aurait de l'existence d'un monde des oeuvres (sauf peut-être dans le cas limite de l'artiste brut), il s'y joue autre chose. C'est ce que veut dire la signature de Léonard Cohen : cete histoire est la miene. Je vous la raconte parce que j'avais besoin de le faire, de régler des problèmes personnels avec cette chanson, et peut-être vous y trouverez matière à penser à vos propres problèmes, peut-être, qu'importe au fond.
Ce n'est pas là une prétention à la propriété : c'est l'affirmation d'un SUJET.
Alors à moins de réduire tout sujet à n'être que propriétéaire ou consommateur (ce qui arrangerait bien certains décisionnaires économiques), on est bien forcé de reconnaître qi'il existe une part de nous-mêmes qui échappe tout à fait à ces logiques de la prorpriété et de la paternité au sens juridique.
C'est à cette prétention que notre ami ayant suscité ce post faisait référence je crois, c'est à cette prétention que je fais référence en publiant certaines de mes chansons sous licence CC NC ND.
Le droit ne parle pas - et heureusement - de la création, mais du commerce des oeuvres (commerce entendu au sens le plus large), c'est-à-dire de la manière dont elles sont disséminées dans uen société donnée.
Ne demandons pas au droit (fut-il énoncé sous la forme d'une licence libre ou pas) de dire ce qui se joue en amont de l'oeuvre, de se déterminer sur ce que devrait être un artiste. Le droit s'occupe des auteurs (c'est-à-dire des pères au sens de celui qui a -de droit- la paternité sur une oeuvre, ou des ayants droits), pas de création artistique.