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Le Nouvel Obs observe la privatisation du monde

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Ven 03 Juin, 2005 20:32

Surtitré "Culture: tout se paie, tout se plaide", voici La privatisation du monde (de Jacques Drillon) un article d'un grand média classique autour de la propriété intellectuelle (et des excès d'icelle).

Je vais abuser un peu du droit de citation parce que je trouve pertinente et pércutante l'introduction ci-dessous.

La Sacem a fait un procès au cinéaste Pierre Merejkowsky parce qu’un personnage de son film «Insurrection résurrection» siffle «l’Internationale» pendant sept secondes. Refrains, romans, titres, tout n’est plus que marque déposée. Enquête

Ce qui nous vient des Etats-Unis, c’est la privatisation, opération par laquelle ce qui appartenait à tous devient la propriété d’un seul: un mot ou une suite de mots, un mythe, une couleur, une forme, et même un signe de ponctuation (la virgule de Nike). Tout se dépose, tout se protège, tout devient propriété, même les noms de chevaux. Des petits malins ont ainsi déposé à tout va des «noms de domaine» (sites internet), pour pouvoir les revendre à prix d’or à ceux qui en auraient besoin plus tard. Trouver un titre devient un casse-tête. Radio-France a déposé plus de 350 titres d’émissions, et en dépose 20 nouveaux tous les ans. Mais la journaliste Anne-Marie Gustave, qui a fait son enquête sur la question, raconte que France-Culture est attaqué en justice pour l’utilisation de «Science-Frictions», qui appartenait à un marchand de parapluies (?). Une marque de lingerie ayant déposé «Tam-Tam», Pascale Clark a dû intituler son émission «Tam Tam Etc.». L’antériorité ne suffit plus depuis longtemps. Radio-Luxembourg n’avait pas déposé «Quitte ou double», qu’elle a diffusé pendant vingt ans. Un fabricant de jeux bien avisé l’a déposé pour son compte; quand RTL a voulu reprendre l’émission, son émission, il a fallu payer une licence au propriétaire. Quant à la revue «le Monde de la musique», qui avait quitté depuis longtemps le giron du «Monde» quotidien, elle lui a pendant des années payé le droit d’imprimer le mot Monde en gothique sur sa couverture. Il est interdit de dessiner des oreilles rondes, elles appartiennent à Disney; il n’est pas conseillé de s’appeler Bernard quand on est boucher, ni de laisser voir la tour Eiffel de nuit dans un film sans payer des droits à l’éclairagiste.
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Avec la propriété vient le vol, et donc la judiciarisation de la vie. Le tribunal se fait omniprésent. Un bon avocat peut décider un juge à prendre des décisions ahurissantes. Depuis que François Cérésa a été attaqué par les héritiers de Victor Hugo pour avoir écrit une suite aux «Misérables», et qu’il a perdu en appel (il s’est pourvu en cassation), on ne s’étonne plus de rien. Tout s’attribue, tout se paie, tout se plaide. C’est que la privatisation ne connaît aucune limite, elle est devenue compulsive. Logo et marque déposée ont pris le pouvoir. L’idée de propriété a été poussée jusqu’à l’absurde, et le rôle du juge au grotesque. La protection d’une œuvre est une excellente chose, mais au nom du droit moral, imprescriptible en France, un héritier de Molière pourrait faire interdire une nouvelle mise en scène du «Misanthrope». Dans l’affaire qui a opposé en 2002 les chocolats Lindt au château de Versailles, on ne sait que déplorer, car tout y est déplorable. Versailles accuse Lindt d’abuser de l’image de marque du château. Ridicule. Versailles attaque Lindt. Minable. Lindt se défend, car le chocolatier est propriétaire de la marque (donc du mot) «Versailles». Incroyable. Lindt gagne son procès. Inouï. Qu’aurait-on pensé si Lindt avait perdu? Qu’on allait boycotter Lindt et Versailles? Mais Chambord est une marque déposée, et Marquise de Sévigné aussi.
aKa

Messages : 7721
Géo : Roma

Sam 04 Juin, 2005 07:40

Ouais, quand on lit l'article complet, c'est vraiment pitoyable.
Aucun scrupule, comment ces gens penvent-ils se regarder dans une glace?
Les escrocs et les voleurs ne sont surement pas ceux que l'on croit !
:twisted:
Steed

Messages : 213

Sam 04 Juin, 2005 09:56

aKa a écrit:Surtitré "Culture: tout se paie, tout se plaide", voici La privatisation du monde (de Jacques Drillon) un article d'un grand média classique autour de la propriété intellectuelle (et des excès d'icelle).


Ce qu'il faut retenir essentiellement, ce sont les deux citations suivantes (j'ai ajouté du gras pour les mots-clefs) :
Avec la propriété vient le vol, et donc la judiciarisation de la vie. Le tribunal se fait omniprésent. Un bon avocat peut décider un juge à prendre des décisions ahurissantes.[...]

Tout s’attribue, tout se paie, tout se plaide. C’est que la privatisation ne connaît aucune limite, elle est devenue compulsive. Logo et marque déposée ont pris le pouvoir. L’idée de propriété a été poussée jusqu’à l’absurde, et le rôle du juge au grotesque. La protection d’une œuvre est une excellente chose, mais au nom du droit moral, imprescriptible en France, un héritier de Molière pourrait faire interdire une nouvelle mise en scène du «Misanthrope».


Au niveau des aberrations, les noms de domaine sur Internet sont un exemple flagrant :
déposés à la pelle par des personnes calculatrices et/ou vénales mais aussi parfois par des personnes homonymes, des "noms de famille" ont été achetés et déposés si bien que
que vous ne pouvez plus utiliser votre nom de famille pour un nom de domaine sur le Web :(

"Papa ! Je croyais que je portais ton nom et qu'il m'appartenait mais quelqu'un me l'a pris ! S'il te plaît papa, dis-leur de me le rendre...:-) :-) :-) "
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Géo : Région parisienne

Jeu 01 Fév, 2007 16:16

aKa a écrit:
Depuis que François Cérésa a été attaqué par les héritiers de Victor Hugo pour avoir écrit une suite aux «Misérables», et qu’il a perdu en appel (il s’est pourvu en cassation)


La Cour de cassation vient tout juste de rendre son arrêt le 30 janvier 2007 :
elle censure l'arrêt d'appel, en lui reprochant de ne pas avoir caractérisé l’atteinte au droit moral allégué et d'avoir méconnu la liberté de création (en visant l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales).

Lire la décision complète : ici.
leto_2

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