Mer 17 Mars, 2004 17:08
OK avec la plupart de ce qui précède, et en particulier l'argumentation très développée de SDJ, sur laquelle je rebondis.
Quelques réflexions en vrac et à chaud.
1. MS a clairement pris conscience du phénomène du Libre et du danger représenté par cette démarche et les 'produits' qui en découlent. Les analyses relayées -notamment- sur framasoft (dont l'excellent 'chronique d'une mort annoncée') sont lues également par les stratèges de MS, et elles ont été décortiquées dans leurs moindres détails.
D'où le changement de communication : on évite le choc frontal sur le terrain 'politique' et des valeurs, l'affrontement sur la logique coopérative vs propriétaire, car ce terrain ne leur est pas clairement favorable. Kimmerlin déclare d'ailleurs 'à titre perso' (... début de phrase classique pour passer un coup de brosse à reluire) 'je me sens très proche de la population des développeurs qui' (...) 'en si peu de temps' (...) 'projets humains' (...) 'telle envergure' (...) 'vraiement changé le monde.' Beaucoup de métier là dedans, et le fait d'éviter l'argument-bourrin linux=communiste est pas mal aussi. On admire l'utilisation des termes de 'communautaire' et de 'libertaire'.
D'où également le 'changement' de ton (linux=cancer 'n'était peut être pas la meilleure formule') et l'interlocuteur dédié, qui se définit comme le 'Monsieur Linux' (sic) de MS. Ce n'est pas encore le 'mister free', mais c'est pour le prochain plan com'. Toujours est-il que Kimmerlin, vu son cursus, est loin d'être un amateur posé là à la va vite comme un vulgaire patch correctif :-)
2. faut voir les études dans le détail, je ne les connaît pas. En fonction de la méthodologie choisie (et du commanditaire), les résultats peuvent varier, ça arrive (le saumon pas-de-chez-nous, qui justement serait cancérigène ?)
3. L'offensive est menée pour l'instant sur le terrain des grands comptes et des serveurs. C'est normal, c'st le job de Kimmerlin, c'est de là qu'est venu le premier danger, et c'est sur ce terrain que les offres alternatives sont les plus abouties. Les final-users ne perdent rien pour attendre, on cartonne d'abord Napster et on verra les autres ensuite.
4. L'argumentation sur le TCO me semble juste, mm s'il faut voir les chiffres. Une communication trop enthousiaste sur le mode full linux = full gratuit = full free cause du tort au développement du Libre, car les décideurs sont des gens (1) qui ne maîtrisent pas toujours toute l'info et (2) qui comptent. Inutile de leur promettre monts et merveilles, mais un bon petit -30 % à performances globales suppérieures, ça fonctionne très bien. Et surtout si les performances annoncées sont au rendez-vous. pour se faie une idée plus juste, il faut attendre 1 an ou 2 et les retours d'expérience des auchan, mercedès et autres groupes qui sont passés au Libre. Ces opérateurs économiques étant tout sauf altruistes, leur choix n'est motivé que par un soucis de rentabilité, et ils abandonneront sans états d'âme toute solution qui ne va pas dans ce sens.
5. Kimmerlin vise juste quand il parle du rapport de forces économique : 'ce qui fera la différence ce sera le modèle économique et la qualité de l'organisation et des hommes (...) enfin, nous avons une réelle capacité d'investissement (...)' C'est vrai. Le développement d'une idée, d'une innovation etc ne dépend pas exclusivement de sa qualité, mais aussi (beaucoup) de la manière dont elle est 'mise sur le marché', développée. Une idée ou un produit pourri peut très bien marcher parce qu'il est développé par des tueurs sans états d'âme. Et inversement, un excellent produit peut rester dans les cartons à cause de trop d'angélisme ou de confiance dans l'humanité environnante.
Mais là où il est insufisant, c'est dans son analyse du cycle de développement du Libre. Il omet de rappeler que le phénomène est récent, qu'il a commencé dans la communauté des informaticiens, et qu'il se développe actuellement chez les newbies. C'est pour ça que le libre est dangereux pour les proprios, parce qu'il sort des communautés spécifiques et spécialisées. D'où l'intérêt d'acteurs comme framasoft. D'où la nécessité d'autres acteurs 'de proximité', des SSLL plus proches des besoins des utilisateurs non-informaticiens qui recherchent juste (1) un produit qui marche simplement et (2) à moindre coût, voire gratuit. Le combat pour la démocratie et les libertés est rarement le fait des masses (nan, je suis méchant là)
Il sent d'ailleurs le truc et met un bon coup de pression sur les SSII quand il dit 'qui aura intérêt à rendre les systèmes open source plus faciles à développer, à utiliser, plus riches en fonctionnalités, quand c'est précisément la complexité et les possibilités de développer des fonctionnalités manquantes qui constituent l'intérêt des SSII ?' Il sent le truc, mais il lui manque une donnée essentielle : l'appât du gain maximalisé et à tout prix n'est pas forcément une valeur universelle, même si elle est répandue dans certains points du globe, à Redmond ou ailleurs.
6. Conclusion provisoire à ce (trop long) billet d'humeur :
- ils font vraiement chier avec leur 'conception industrielle'
- le phénomène du Libre est suffisamment enclanché, je ne pense pas qu'une vraie marche arrière surviendra. Des ajustements certainement, et une stabilisation du rapport de forces peut être autour de 50-50. Le Libre est le premier phénomène irréversible du XXI° siècle.
- la lutte commence vraiment ...