Le Burkina Faso est un des rares pays d'Afrique à accueillir depuis quelques années une association d'utilisateurs Linux.
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NTBF / "Nouvelles Technologies Burkina Fasso : pour la promotion des logiciels libres et des NTIC au pays des hommes intègres"
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ABULL / Association Burkinabè des Utilisateurs de Logiciels Libres
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AAULL / Association Africaine des Utilisateurs de Logiciels Libres
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+ bonus track :
L'Afrique vote pour le libre (Philippe Davy , 01 Informatique, le 22/10/2004) :
Pour le continent noir, les logiciels libres représentent l'espoir de ne pas être exclu de la société de l'information. Ils ouvrent aussi des perspectives de formation et de création d'activité commerciale.
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La bonne ambiance ne cache pourtant pas la gravité de l'enjeu pour les pays africains francophones et, au-delà, pour le continent entier. La promotion des TIC est désormais au coeur des préoccupations des dirigeants. Et même dans les pays les moins avancés, comme le Burkina Faso.
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Dans ce pays, en effet, une licence Windows coûte seize fois le salaire mensuel minimum garanti. Dans ces conditions, il n'est pas envisageable d'assurer un accès démocratique équitable aux outils et techniques d'information sans recourir aux logiciels libres.
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La logique du développement communautaire de logiciels demeure une source d'interrogations pour beaucoup, même si sa compréhension progresse. « En 1997, l'administrateur du site de l'Université de Ouagadougou a remplacé un serveur Linux offert par l'Agence de la francophonie par un serveur Windows NT, rappelle Pierre Ouedraogo, responsable de projets de l'Intif, un département de l'Agence intergouvernementale de la francophonie. Aujourd'hui, il utilise plusieurs serveurs Linux, dont il est très content. »
Les éditeurs traditionnels, Microsoft en tête, multiplient les accords ponctuels avec les gouvernements, au titre de l'aide au développement. Ainsi, des PC fonctionnant sous Windows ont été livrés dans le cadre du programme d'aide américain USAid pour équiper les écoles de différents pays. « Problème : au bout d'un an, nous devons renouveler les licences, mais nous n'en avons pas les moyens » , indique un responsable burkinabé.
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De l'avis général, l'utilisation de logiciels propriétaires, si elle se révèle pratique, n'en place pas moins les pays africains en position de simples consommateurs de technologies, sans réelle capacité à promouvoir leurs spécificités. Sans même parler des moyens nécessaires, puisque les « cadeaux » initiaux s'avèrent le plus souvent hors de prix, en raison des coûts des mises à jour.
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Alors que la coopération internationale se fait de plus en plus discrète, les pays africains doivent imaginer des solutions avec un minimum de moyens. La stratégie doit être en adéquation avec les ressources à disposition. Ainsi, selon Mamadou Decroix Diop, « le gouvernement électronique n'existera en Afrique que grâce au logiciel libre » . Il mise sur ces derniers pour réduire, voire résorber la fracture numérique Nord-Sud. Cela implique sans doute une remise en cause des habitudes de consommation en matière de logiciels. Et le ministre de plaider pour que chaque entrepreneur puisse décider en toute connaissance de cause d'utiliser de manière prioritaire les logiciels libres non pas seulement pour minimiser les coûts, mais aussi pour contribuer au développement de l'industrie locale du logiciel. « Il ne faut pas que les échanges entre les hommes se limitent à des rapports marchands. Les logiciels libres sont le moteur mondial de l'utilisation de standards ouverts permettant la transparence. Les citoyens doivent continuer à exercer leurs droits démocratiques, notamment dans la promotion de la diversité culturelle et du pluralisme linguistique. »
La question des brevets appliqués aux logiciels, qui se pose de façon conflictuelle en Europe, préoccupe au même titre nombre d'Africains. Lors des Rencontres, la session consacrée à ce problème, animée par François Pellegrini, professeur à l'Université de Bordeaux 1, a été suivie avec un grand intérêt. L'inquiétude est vive, face au choix européen proposé d'entériner de facto les pratiques américaines et japonaises sur les brevets logiciels. « Des dispositions législatives devraient être élaborées, à l'échelle des différents pays, pour garantir la pérennité des projets libres et les exclure du champ de la brevetabilité », soutient le docteur Abdoulaye Salifou, directeur du campus numérique francophone de Bamako (Mali), approuvé par l'assemblée. Autre question soulevée, l'existence d'un modèle économique spécifique pour les acteurs africains du libre. Alors qu'Alexandre Zapolsky, PDG de la SSLL française Linagora, vante un modèle basé uniquement sur les prestations de service, la réalité africaine oblige la plupart des acteurs à faire coexister leur activité dans le libre avec la vente de logiciels propriétaires. Ceux-ci préservent souvent dans l'esprit des clients une image de stabilité dont ne bénéficient pas encore les logiciels libres. Certaines sociétés contournent l'obstacle en commercialisant des serveurs Linux en mode « boîte noire » , misant sur l'avantage tarifaire conféré par le système d'exploitation libre. Ou encore assurent l'entretien et la maintenance de matériels, comme la SSII Assist en Côte-d'Ivoire. « Nous nous heurtons à l'ignorance des décideurs au sujet du libre, explique Christian Roland, PDG d'Assist. Parce que ces logiciels sont perçus comme gratuits, il est difficile de faire passer l'idée de services payants. » La solution passe par des packages et aussi par la vente de logiciels propriétaires.
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Malgré la petite taille des entreprises en général, le libre remporte des succès, souvent en milieu scolaire ou universitaire, mais aussi dans quelques projets d'envergure. Ainsi, la Banque centrale d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) s'est engagée avec succès dans un plan de migration de deux cent cinquante serveurs vers Linux, tandis qu'elle installe la suite bureautique OpenOffice sur deux mille cinq cents postes de travail équipés de Windows ou de Linux. Côté éducation, des solutions apparaissent, comme Baobab Edu, une adaptation africaine de la solution destinée aux établissements scolaires Abuledu, qui se développe au Sénégal et au Mali. « Dans ce cadre, il faut favoriser la création de contenus africains tenant compte du pluralisme linguistique, explique Pierre Ouedraogo en conclusion de ces journées. Ici, il n'est pas encore exploité, mais nous avons pas mal d'associations et de nombreuses actions en cours. Il faut aussi limiter les dépenses de développement. Beaucoup de pays, en Amérique latine ou en Asie, commencent à prendre ce chemin. »
Dans ce contexte, le logiciel libre s'installe progressivement en Afrique. Il entre en résonance avec une culture où le partage est une vieille habitude, où les biens sont souvent communs, et avec l'enthousiasme des Africains en quête d'autonomie. Aussi, la question n'est plus pour eux de savoir s'il faut aller vers le libre, il n'y a même plus débat, le choix est entériné malgré la pression des éditeurs. La vraie question est de savoir à quel rythme, avec quels moyens, en s'appuyant sur quelle volonté politique et quelle sécurité juridique.
A+LS.