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Loyauté de la preuve et provocations policières

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Jeu 15 Mars, 2007 10:52

Dans un arrêt récent du 7 février 2007, la Cour de cassation rappelle le principe de loyauté de la preuve, qui s'oppose à ce la preuve soit obtenue sur provocation policière, qu'elle soit française ou étrangère.

En l'espèce, un internaute avait fait l'objet d'une enquête débouchant sur la saisie d'éléments compromettants (disque dur et disquettes contenant des images pornographiques de mineures).
Cette enquête avait débuté à la suite de renseignement fournis par le service des douanes et de l'immigration des Etats-Unis où les forces de police sont habilitées à créer et à exploiter sur Internet des sites pornographiques.

Ainsi, l'unité de criminalité informatique de la police de New-York était ainsi en mesure de prouver que cet internaute français s'était connecté à deux reprises sur leur site de pornographie infantile.

Déjà dans un arrêt du 11 mai 2006, la Cour de cassation avait affirmé que des policiers français ne peuvent provoquer à la commission d'une infraction pour fonder leurs enquête, fut-ce à un pédophile suspecté, la déloyauté d'un tel procédé rendant irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus.

Par cet arrêt du 7 février 2007, la Cour étend ce principe à toutes les enquêtes, qu'elles soient le fait d'autorités françaises ou étrangères.

L'attendu de principe :

Vu l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves ;

Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent public, fût-elle réalisée à l'étranger par un agent public étranger, ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ;


Son application en l'espèce :

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la perquisition au cours de laquelle les images illicites ont été découvertes sur différents supports informatiques appartenant à Cyril X... était consécutive à la provocation à la commission d'une infraction organisée par les autorités américaines et dont les résultats avaient été transmis aux autorités françaises, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé


Il est en effet souhaitable qu'il n'y ait pas de différence de traitement de la preuve, selon qu'elle émane d'autorités françaises ou étrangères.
leto_2

Messages : 2305

Jeu 15 Mars, 2007 11:18

La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance donne désormais aux enquêteurs une plus grande latitude pour constater sur Internet les infractions en matière de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution des mineurs, sans toutefois aller jusqu'à admettre le recours à la provocation (=l'incitation à commettre l'infraction).


article 35 III :

III. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'intitulé du titre XVII du livre IV est ainsi rédigé : « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions en matière de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution des mineurs » ;

2° Après l'article 706-35, il est inséré un article 706-35-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-35-1. - Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 et 225-12-1 à 225-12-4 du code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

« 2° Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.

« A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. » ;

3° Après l'article 706-47-2, il est inséré un article 706-47-3 ainsi rédigé :

« Art. 706-47-3. - Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

« 2° Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.

« A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »
leto_2

Messages : 2305

Ven 16 Mars, 2007 11:46

Intéressant.

J'y pensais réellement sans avoir pour autant actualisé mes sources : au pénal, il y toujours recevabilité de la preuve par tout moyen pour la victime (même illégale), et irrecevabilité des preuves illégales pour l'autorité judiciaire (toute voie de droit pour l'autorité administrative) ?

Cet arrêt ne dément pas cette solution qui semble maintenue — disons étendue par la JPce, et subit des dérogations supplémentaires —, j'y reviendrai peut-être puisque c'est l'un des points auxquels j'avais songé en parcourant le fil sur le Happy slapping.
Mben
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ben_san

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Géo : Paris

Ven 16 Mars, 2007 23:41

bonsoir ben,

oui tout à fait, entre parties privées, la preuve reste libre, la Chambre criminelle de la Cour de cassation l'a confirmé récemment dans un arrêt du 31 janvier 2007 :

Dans cette affaire, pour prouver que son ex-épouse avait fait établir par une amie, pour sa procédure de divorce, une fausse attestation relatant de graves violences commises par lui, un homme produit un procès-verbal d'huissier qui reproduit intégralement une conversation téléphonique qu'il avait eu avec son ex-épouse, à son insu, à ce sujet. Celle-ci conteste la loyauté de ce mode de preuve. Elle se fonde notamment sur les dispositions de l'article 226-1 du Code pénal qui réprime les atteintes à la vie privée et notamment le fait d'enregistrer "sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel".

La Cour de cassation rejette le pourvoir en rétorquant :

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'enregistrement de la conversation téléphonique privée, réalisé par Alain Y..., était justifié par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont il était victime et de répondre, pour les besoins de sa défense, aux accusations de violences qui lui étaient imputées, la cour d'appel, devant qui la valeur de ce moyen de preuve a été contradictoirement débattue, n'a pas méconnu les textes et les dispositions conventionnelles visés au moyen


C'est donc lorsqu'il s'agit d'une nécessité pour rapporter la preuve de fausses accusations que ces preuves sont recevables.

Pour revenir à l'arrêt 7 février 2007, cette solution a vocation à s'appliquer au téléchargement d'oeuvres protégées :

si des services de police, ou des officines privées agissant pour leur compte, créaient des sites/serveurs de téléchargement en vue de pièger des internautes, les procédures pénales basées sur ces preuves seraient annulées.
leto_2

Messages : 2305

Ven 16 Mars, 2007 23:49

Merci !

Désolé, je t'exploite ^_^
Mben
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ben_san

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Géo : Paris

Ven 16 Mars, 2007 23:51

de rien, j'ai juste eu à remettre la main sur la décision, je l'avais vue passer le mois dernier. ;-)
leto_2

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Lun 11 Juin, 2007 16:17

un billet récentde legalis.net sur le sujet
(legalis.net lirait-il framasoft ? :-)
leto_2

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