Le site est toujours hors ligne, mais l'on peut accéder à son interface flash, en indiquant directement le lien de cette dernière :
http://www.deezer.com/index3.swf
Pas de streaming RTMP à l'horizon, mais voici les modifications (peut-être pas définitives ni exhaustives) que j'ai pu remarquer :
- un
pop up de pub s'ouvre (même avec Firefox) à chaque recherche
- idem au lancement de chaque morceau (que l'on clique dessus ou qu'il s'enchaîne tout seul)
Apparemment, c'est la régie publicitaire de yahoo :
http://cm.eu.overture.com/js_flat_1_0/? ... nfig=*****
-A présent, écoutons un morceau.
Pour couper court aux discussions sur la légalité de Deezer, choisissons de la musique libre : David TMX, dont
Aisyk a précisé qu'il était présent sur ce site.
Si l'on choisit par exemple la chanson H de David TMX, le navigateur appelle cette adresse :
http://88.191.62.209/cacheDiffusion.php ... gE8EHM8nYu
Le champ ID de cette adresse correspond à l'empreinte audio du fichier, sur laquelle se base Deezer pour identifier les morceaux uploadés (peut-être en utilisant la base de données de
musicip).
Ainsi, e688aa54-eb99-376b-a988-291b7e21b8b9 est bien l'empreinte correspondant à ce morceau, comme on peut le vérifier sur
Musicbrainz.
La nouveauté réside dans les champs suivants : KEY et SESSION_ID, variables semble-t-il utilisées pour
sécuriser l'accès au fichier.
- Que se passe-t-il justement si l'on ouvre dans notre navigateur
cette adresse complète ? Sachant que de toute manière, le morceau reste bien entendu sauvegardé dans le cache du navigateur.
Deezer a écrit:Vous avez tenté d'accéder à un contenu protégé.
Nous vous informons que votre adresse ip : 88.191.62.209 a été détectée en France et a été enregistrée dans notre base de données.
Nous vous rappel
lons que cette pratique est interdite et répréhensible par la loi.
La société BLOGMUSIK SAS se réserve le droit d'alerter les autorités compétentes en cas d'abus.
You've tried to access a protected content.
We inform you that your IP address: 88.191.62.209 localized in France has been recorde
r in our data base.
We recall you that this behaviour is totally forbidden and reprehensible by the law.
BLOGMUSIK SAS Company will inform all competent authorit
y in
acse of abuse.
Bon, on passe sur les fautes d'orthographes en espérant que ça sera corrigé sur la page définitive.
Qu'en penser ?
Trois choses :
1- je rassure, l'adresse IP indiquée n'est pas la mienne, mais celle d'un serveur (dedibox) utilisé sans doute par Deezer (où l'on trouve d'ailleurs des choses étranges, comme
un titre des Rolling Stones, groupe du catalogue...
Universal)
2- ça ne manque pas de piquant de voir Deezer, qui n'est pas légal tant qu'il n'aura pas obtenu toutes les autorisations nécessaires, faire un rappel solennel à la loi.
3- justement, cette pratique est-elle vraiment interdite et répréhensible comme l'affirme Deezer ? Pas si sûr...
Partons des textes :
l'article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle a écrit:Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
Comme je sais qu'il y en a qui suivent (si si
), vous aurez remarqué que cet article ne concerne que les auteurs, et retenus de l'affaire Deezer qu'ils ne sont pas les seuls ayant-droits sur une oeuvre.
C'est pourquoi le cas des droits voisins est réglé par un autre article que l'on a vu plus haut :
l'article L335-4 alinéa 1 a écrit:Est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, réalisée sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée, de l'artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de communication audiovisuelle.
Le principe est donc clair : pas de reproduction/copie/téléchargement sans autorisation des ayant-droits.
Cet acte de reproduction est défini à article L122-3 :
l'article L122-3 a écrit:La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte.
Elle peut s'effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique.
Pour les oeuvres d'architecture, la reproduction consiste également dans l'exécution répétée d'un plan ou d'un projet type.
On notera une précision intéressante : "qui permettent de la communiquer au public".
La copie est en effet soumise à autorisation en ce qu'elle peut déboucher sur une communication de l'oeuvre au public.
On retrouve justement cette idée dans les exceptions au principe de reproduction/copie/téléchargement soumis à autorisation :
article L122-5 a écrit:Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :
[...]
2º Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective
C'est la fameuse copie privée.
Après les textes, prenons à présent leur application par la jurisprudence.
Jusque là, les décisions de justice qui condamnent des personnes pour téléchargement d'oeuvres protégées se fondent sur l'origine illicite de l'oeuvre téléchargée.
Ainsi, par contamination, l'oeuvre mise à disposition illégalement (=sans autorisation de ses ayant-droits) rendait son téléchargement ultérieur constitutif d'un acte de contrefaçon.
L'argument de la copie privée, utilisé en défense, était écarté puisque la jurisprudence considère que la copie privée suppose un accès licite à l'oeuvre copiée.
Cour d’appel de Versailles 16 mars 2007 a écrit:Sur la constitution du délit.
Il est établi par le dossier et les débats que les œuvres reproduites et diffusées par M. O., qui ne conteste pas la matérialité des faits, l’ont été
à partir de sources non autorisées par leurs auteurs respectifs et sans qu’aucun droit ne soit versé à ces derniers.
Dès lors, l’exception de copie privée tiré de l’article L. 122-5 (2°) ne peut être valablement invoquée par le prévenu.
Donc, et c'est là que je voulais en venir, cette argumentation sur l'illégalité originelle disparaît dans l'hypothèse où l'oeuvre est
légalement mise à ligne.
On pourrait alors soutenir que l'enregistrement d'un morceau disponible légalement en écoute sur un site internet constitue un acte de
copie certes, mais
privée, tant qu'elle reste destinée à l'usage personnel du copiste (et par extension jurisprudentielle, à son cercle de famille),
et
licite, dès lors que l'oeuvre copiée était légalement diffusée.
Il en va de même lorsque l'on enregistre une source licite de diffusion (telle qu'une chaîne de radio, de télévision), que ce soit avec une cassette vidéo ou des moyens plus sophistiqués (voir le cas intéressant de
StationRipper, dont le Syndicat national de l'édition phonographique concédait -avec regret- que son utilisation rentrait a priori dans le cadre de la copie privée :
1,
2).
Bien entendu, puisque à l'heure actuelle il n'y a pas eu de décision de justice intervenue sur le cas d'espèce (et il n'y en aura peut-être jamais), ce que je décris est une argumentation, qui comme toute interprétation du droit, peut se discuter.
On pourrait par exemple opposer que depuis, la loi DADVSI a rajouté une condition qui limite la copie privée :
l'avant dernier alinéa de l'article L122-5 a écrit: Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.
Mais là encore, ces notions ne sont pas définies en jurisprudence, et l'on ne sait pas à l'heure actuelle ce qu'il faut exactement entendre par "atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre" ni par un "préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur".
Ce qui en revanche est sûr, c'est qu'il est hasardeux de la part de Deezer de se prétendre légal et dans le même temps d'affirmer que l'enregistrement des morceaux qu'il diffuse serait illégal.
Au final, cela ressemble fort à une formule incantatoire destinée à apeurer les internautes et rassurer les ayant-droits, à défaut d'être juridiquement établie.
Affaire à suivre...