Trets, le samedi 16 juillet 2005, 12 h 05.
Bonjour à vous tous
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Un lecteur bienveillant me signale votre débat et m'invite à y intervenir pour me défendre un peu
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Effectivement, les messages de Sébastien sont sévères, souvent injustes à mon avis.
Pour me comprendre, il suffit de savoir que je suis un vieux croûton de 48 ans, que j'ai appris à me servir d'un micro en 1984, avec la version 1 de Word et de Multiplan, et que j'ai, depuis, une version après l'autre, approfondi la maîtrise des logiciels de M$ et de leur enseignement, bien avant que cette entreprise ne devienne un monstre cupide.
Vous êtes sans doute assez jeunes et vous semblez ne pas prendre en compte comme il est difficile de changer radicalement de compétences comme vous m'invitez à le faire : à vous entendre, je devrais jeter au panier tout ce que je sais sur les logiciels de M$ et réapprendre des logiciels libres à la place, en partant de zéro. Je devrais aussi, pour vous être agréable, jeter tous mes cours, tous mes TP, tous mes aide-mémoire, vingt ans de boulot passionné…
Il suffit de se mettre à ma place pour comprendre pourquoi je rechigne à ce tsunami…
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Quel travail vous me demandez, vraiment ! Qui a le temps d'ainsi réapprendre avec un produit B ce qu'il sait déjà parfaitement avec un produit A? et pour quoi faire ? Ce dont je manque le plus, c'est de temps
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Changer de logiciel n'est pas aussi simple que changer de voiture, surtout s’il faut l’enseigner !
Je désapprouve profondément la politique commerciale de M$, mais je trouve leurs produits techniquement très bons (imparfaits sans doute, mais je n'ai pas le temps d'ergoter sur les subtilités qui montreraient que, sur quelques points, les produits M$ sont inférieurs aux autres).
Pour lutter contre l’hégémonie de M$, on devrait surtout réfléchir aux contraintes de service public que les États pourraient imposer à M$ pour réduire sa force ou pour la canaliser vers l'intérêt général.
Il est certain que l'ultralibéralisme ne va pas dans ce sens.
De mon côté, j'enseigne ce que je connais bien, et je le fais du mieux que je le peux.
Quand aux programmes de l’Éducation Nationale, c’est autre chose : je demande que soit prévu (avec du temps et des objectifs précis, pour le faire bien) l'enseignement du tableur (n'importe lequel) plutôt que l'analyse conceptuelle MERISE, évidemment, et j'ai déjà passé des centaines d'heures à argumenter finement et passionnément ce point de vue qui est tout sauf un coup de tête (voir ma page Info).
J’insiste : à mon sens, un enseignement intelligent du tableur est structurant pour la pensée : il permet d’apprendre à tous les élèves à conceptualiser les problèmes et automatiser leur solution. Cet enseignement prépare en plus à l’utilisation astucieuse d’un outil qui sera probablement quotidien, quel que soit le métier. C’est tout sauf un renoncement, une facilité, un reniement. C’est difficile et ambitieux.
En plus, l’enseignement approfondi du tableur est un outil crédible pour déclencher la précieuse spirale positive de la réussite scolaire. Ceci est essentiel dans mes classes.
Alors que l'enseignement de SQL ne sert à rien, ou quasiment, pour le grand public.
J’enseigne les deux (à des classes différentes) depuis plus de quinze ans : la bureautique aux BTS Assistants de gestion et l’analyse conceptuelle aux BTS Compta et gestion.
En enseignant bien l’usage intelligent d’un tableur, je rends un vrai service public : mes anciens élèves reviennent me voir plus tard et me remercient chaleureusement. Ce qu’on a appris ensemble les a aidés à être rapidement utiles et efficaces, à s’insérer, à trouver une place dans l’entreprise. En plus, ils ont appris à apprendre et ils ont continué à progresser seuls.
En enseignant les MCD, MCT et autres SQL, je fais perdre leur temps à 97% de mes élèves dont ce n'est pas le métier et qui ne l'utiliseront jamais, je ne rends pas un service public : TOUS mes anciens élèves qui reviennent me voir m’avouent, un peu gênés, qu’ils n’ont JAMAIS réutilisé ce qu’on avait passé tant de temps à apprendre ensemble. Par contre, ce que je ne leur ai pas appris, le tableur, ils ont dû l’apprendre seul, en bricolant tant bien que mal.
C’est en tout cas mon expérience et mon opinion de vieux prof.
Rien de plus faux que de réduire l’apprentissage bureautique à une pratique décervelée, simple presse-bouton sans intelligence. Ceci est une caricature, possible si on ne l’a pas enseigné correctement, mais pas du tout inévitable.
Je sais bien que ce serait mieux, aujourd'hui, d'enseigner du libre plutôt que du M$.
Il faut espérer, cependant, que les citoyens formés au libre trouvent bien du libre sur leur lieu de travail, sinon ‘bonjour la galère’ (mieux on connaît un soft, plus il est difficile d'en changer, à mon avis, je peux me tromper
). Je pense qu’il n'y a que ceux qui connaissent mal leur logiciel qui peuvent en changer sans problème. Ceci n'est pas du tout un reproche, c'est un constat, et ça relève du bon sens : tous ces raccourcis, toutes ces procédures, tout ce vocabulaire, toutes ces astuces, qui ne fonctionnent plus... On était expert et on redevient un débutant, on butte sur tout... À quoi sert la formation s'il faut tout recommencer au moment de s'en servir?
Je manque de temps pour développer, et surtout, j’ai l’impression de réécrire ce que j’ai formulé l’an passé.
On peut se concentrer sur nos institutions (nationale et européenne) pour rétablir une authentique démocratie, bâtie par et pour les citoyens, sans s’empailler par ailleurs par erreur
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Merci à tous pour votre soutien et votre bienveillante compréhension.
Amicalement
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Étienne.