La première escarmouche sérieuse s'ouvre sur le front US : L'Electronic Frontier Foundation (EFF), une association américaine sans but lucratif composée d'avocats, de technologistes et d'experts défendant la liberté dans le monde numérique, a récemment publié une liste des dix brevets américains liés aux logiciels et à Internet accordés par l'USPTO (l'Office américain des brevets et des marques, United States Patent and Trademark Office) et considérés comme étant les plus abusifs. Voici un article du service juridique de l'Atelier BNP-PARIBAS sur les 10 brevets américains les plus honteux (il n'y a pas la liste :( et la section PATENT BUSTING de l'EFF (il y a la liste :)
Pour comprendre l'intérêt de cette action, il faut se rappeler qu'il y a 3 étapes juridiques pour imposer un brevet (logiciel ou autre) :
1. le lobbying législatif : les partisants de la brevetabilité des logiciels essayent de modifier la loi pour qu'elle autorise la brevetabilité des logiciels. C'est le débat qui a fait rage devant le Parlement européen au printemps avec les campagnes de mobilisation qu'on connaît.
2. Le dépôt 'sauvage' : un brevet, à la différence d'un droit d'auteur, est déposé devant un organisme dont la fonction est d'examiner les demandes, d'accorder ou non le brevet, et de conserver l'info. En france il s'agit de l'INPI, au niveau européen c'est l'OEB, et aux states c'est l'USPTO. En théorie, les brevets sont accordés selon des règles juridiques précises. En pratique, l'OEB a accordé de nombreux brevets pour des 'inventions' qui ne seraient pas brevetables si on appliquait strictement les règles de brevetabilité. Pour les déposants de brevets 'abusifs', cette stratégie relève de l'occupation du terrain à titre préventif, histoire de bien pourir la situation avant toute discussion ...
3. La protection du brevet devant les tribunaux pour sanctionner les violations par des concurrents. Si votre brevet n'a pas été respecté par une autre société, vous pouvez saisir un tribunal pour qu'il constate la violation (= la contrefaçon), puis qu'il interdise que la contrefaçon soit poursuivie, et enfin pour qu'il condamne le contrefacteur à des dommages et intérêts.
MAIS, et c'es là que ça devient intéressant, l'une des stratégies de défense qu'on peut mettre en oeuvre quant on est accusé de contrefaçon, c'est de prouver que l'invention n'est pas brevetable, que le brevet a été acordé à tort ... C'est chaud et technique, mais si le juge est convaincu, il peut décider que le brevet n'est pas applicable (en gros)
EN CONCLUSION
- la période de lobbying législatif n'est pas finie, il ne faut pas baisser la garde et continuer à s'informer et à diffuser l'info,
- de nombreux brevets déposés sont susceptibles d'être remis en question, et ils le seront par les acteurs les plus impliqués et disposant d'un minimum d'organisation juridique (comme l'EFF justement),
- lorsque les 'possesseurs' de brevets voudront poursuivre en justice des 'contrefacteurs', il risque d'y avoir du sport.
Pour l'instant, on est encore sous le règne de la terreur du côté des 'contrefacteurs' : comme il y a un risque, beaucoup d'entreprises préfèrent céder au chantage des déposants de brevets et cesser d'utiliser une invention 'brevetée' plutôt que de prendre le risque d'un procès aléatoire et coûteux. Mais les premières décisions de justice sont pour bientôt, et elles vont être suivies avec beaucoup d'attention. Les 3 prochaines années vont être très importantes.
Et comme une bonne nouvelle n'arrive pas toujours seule, l'Association européenne des médicaments génériques (EGA) a publié récemment un communiqué de presse contenant des arguments similaires contre les abus des brevets dans le secteur pharmaceutique.
Enfin le XXI° siècle, youpi !
A+LS.
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