Le Sénat a été très habile et très vicieux, poussant la malhonnêteté intellectuelle assez loin : le texte approuvé par le Sénat est une loi en trompe-l'oeil, remplie de faux-semblants.
L'intéropérabilité n'est plus, dans la loi, qu'un mot vidé de son sens.
I - Il faut bien comprendre que l'intéropérabilité (=la possibilité de lire une oeuvre quel que soit le matériel ou logiciel utilisé) vise les utilisateurs, par définition.
Ce sont les seuls concernés par l'intéropérabilité, les seuls à qui elle profite.
Et pourtant ce sont les seuls à ne pas pouvoir saisir l'autorité chargée de se prononcer sur la question!
C'est un non-sens parfait, sauf à vouloir un dispositif délibérément inefficace.
II - Quant à l'autorité administrative indépendante créée, elle est là pour couper court à toute velléité d'interopérabilité :
1°) elle n'est pas là pour garantir quoi que ce soit : elle doit "favoriser ou susciter" une solution de conciliation qui peut échouer, auquel cas elle rend "une décision motivée de rejet de la demande"
2°) Ses décisions sont par avance privées de toute portée pratique : les parties peuvent introduire un recours devant la cour d'appel de Paris, recours qui un effet suspensif (les Sénateurs ont insité sur ce point). Or l'effet suspensif ne joue, par définition, que dans un sens : au cas où l'autorité prend une injonction, c'est à dire au cas où elle impose l'intéropérabilité. Pour mémoire, l'effet suspensif c'est ce qui permet aux multinationales d'utiliser leur magot pour jouer la montre, en épuisant toutes les voies de recours le temps que les atteintes soient devenues irréversibles (Microsoft est coutumier de ce fait) : de la sorte, la décision n'a plus de portée lorsqu'elle devient executoire.
3°) En cas (exceptionnel, on l'imagine) d'injonction, la fourniture des informations nécessaires à l'intéropérabilité s'effectue sur le principe des licences RAND (Reasonable And Non-Discriminatory soit "raisonnable et non-discriminatoire") c'est à dire que les informations sont payantes, facturées à un [s]coût[/s] prix que seules les grosses entreprises peuvent assumer (Microsoft raffole des licences RAND) alors que l'Assemblée nationale avait prévu que seuls les frais logistiques puissent être facturés. Il va sans dire que diffuser un logiciel libre gratuitement dans ces conditions est exclu.
III - Mais le Sénat va encore plus loin dans la malhonnêté intellectuelle (si c'est possible) lorsqu'il prévoit que "Le titulaire des droits sur la mesure technique ne peut imposer au bénéficiaire de renoncer à la publication du code source et de la documentation technique de son logiciel indépendant et interopérant que s'il apporte la preuve que celle-ci aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique"
Relisez bien : le Sénat se préoccupe de la sécurité des mesures technique de protection!
Eh oui, pauvres internautes qui ne comprenaient rien à l'affaire : ce n'est pas la sécurité des logiciels et des systèmes informatiques qui est menacée par les mesures techniques de protection (rootkit de Sony etc.), mais bien l'inverse!
Vous n'aviez pas compris la chose comme cela ? alors vous n'avez rien compris ma parole!
(la suite ici)
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