Voici la transcription de l'intervention de Gage sur "lestelechargements.com" (c'est plus rapide à lire qu'à écouter. Je tiens donc à vous faire gagner du temps). J'y ai ajouté mes commentaires.
"- Baeuh Bonjour mon nom est gage, de Montréal - Canadien. "
- Bonjour, Gage. Savez-vous qu'au Au canada, le téléchargement est souvent assimilé par les juges à la copie privée ? Bon. passons
"- Je suis un très bon ami de Corneille. C'est lui justement qui a réalisé mon album. "
- c'est fascinant. J'aurais d'ailleurs bien voulu savoir combien au juste combien votre maison de disque (Wagram, "la major des indés") avait vraiment investi dans l'enregistrement de cet album ? Et combien dans la promotion ? Je demande ça parce qu'en moyenne, les maisons de disque (selon les chiffres du SNEP) dépensent en moyenne 4 à 5 fois plus en promo qu'en enregistrement. Un film (pourtant plus cher qu'un album de musique) coute lui deux fois plus que ce qu'on dépense pour le promouvoir. Imaginez ce que vous auriez pu réaliser si votre budget d'enregistrement avait été le double de votre budget promo... Combien aussi a-t-elle investi dans votre site officiel, qui est singulièrement baclé et nuit gravement à votre image.
J'aimerais aussi savoir combien a coûté la réalisation du clip de votre médiocre tube "trop fresh" et si vous avez le sentiment que votre chanson pouvait se vendre sans y avoir recours?
"- Tout ce que je voulais vous dire c'est que, c'est très simple..."
- Là je vous arrête tout de suite : en économie de l'art RIEN n'est simple. Comme vous avez pu le constater, sur ce sujet, tout le monde se dispute, à droite à gauche et au milieu. Meme les musiciens se disputent : les musiciens américains sont chaque jour un peu plus nombreux à soutenir ardemment le P2P. ET 14000 musiciens soutiennent la licence globale (qui vous rapporterait certainement beaucoup, beaucoup d'argent). Donc, ce n'est pas simple.
"- ...c'est que tous ceux qui téléchargent, si on continue à aller dans cette direction, il y a un truc qui est tout bête et qui va se passer, c'est que des artistes comme moi, on ne pourra plus faire ce qu'on fait..."
- Qu'entendez vous par "faire ce qu'on fait" ? Des chansons sans grand lustre harmonique (3 accords en i-iV-V pendant 5 minutes sur "Trop Fresh") faites pour être oubliées en moins de 6 mois ? Non, ça, ça a toujours existé. Vous pourrez toujours le faire : ca ne coûte pas cher à enregistrer chez soi sur son ordi. Ce que vous n'arriverez plus à faire, c'est, pour les vendre, d'obtenir des budgets de promotion et de clips quatre à dix fois supérieurs à ce que représente le budget d'enregistrement le plus gonflé, pour les faire tourner en boucle sur NRJ ou Fun (où un même titre peut parfois être diffusé plus de 12 fois par jour).
"-... parce que ce que quelquepart, c'est une question de développement et le développement, quelquepart, ça se paye (rire nerveux) (... ici coupure du plan).
c'est vraiment vital qu'on trouve des gens qui mettent un peu d'argent, qui puissent (comment je pourrais dire) miser un peu sur nous déjà à l'avance pour qu'on puisse par la suite être capable de faire ce qu'on fait et de se voir en concert, et tout.. C'est c'est, ca devient une folie... fut vraiment trouver le moyen, le juste milieu"
- Développement... voila un bien joli mot... qui ne veut rien dire car il a trop de significations différentes. Vous le définissez comme "miser sur nous un peu à l'avance". Ca signifie quoi ? Qui a misé sur vous ? Combien a-t-il avancé ? Qu'a-t-il financé ? Comment se fait il rembourser ? J'ai envie de le savoir. Le vrai débat est là : à quoi servent exactement les intermédiaires qui "aident" les musiciens ? Combien donnent-t-ils ? Combien reçoivent ils ? Pourquoi je demande ? Parce que j'ai le sentiment que tout ce que les intermédiaires font, c'est essayer de faire "percer" un artiste en payant des sommes toujours plus astronomiques pour les promouvoir à la télévision et à la radio. Ils paieraient bien moins cher si les webradios étaient encouragées (et pas bridées par la Sacem qui réclame un minimum de 72 euros par mois à leurs animateurs), mais dans ce cas, vos chansons se trouveraient au milieu d'une offre bien plus diversifiée que celle des radios commerciales. Y résisteraient elles, ou auraient elles alors besoin d'être meilleures ?
Plus généralement : trouvez vous normal qu'enregistrer votre disque coûte cinq fois moins cher à enregistrer qu'à promouvoir? Ca signifie soit que le marché publicitaire est en bulle inflationniste, soit que votre disque n'est pas assez bon pour que le public accepte de l'acheter sans matraquage. Ou les deux à la fois. je penche plutot pour la première solution, et je laisse la seconde à l'appréciation des critiques.
Mais gardez en mémoire une chose : le public veut bien vous payer vous, s'il aime vraiment vos chansons. Il veut bien vous payer vos droits d'auteurs, vos droits voisins, et même vous rembourser ce qui a été dépensé pour l'enregistrement, et à l'extrême rigueur une partie des frais du clip avec la fille au sourire sympa. Il veut bien payer son billet pour vous voir en concert. Mais il n'a aucune envie de payer pour la campagne de publicité, les éventuels accords au rendement avec les radios, les marges arrière du distributeur FNAC ou Carrefour, et les 30 à 80 000 euros mensuels du directeur du label. Tout ça, il n'a pas envie de le payer, parce qu'il a envie de croire (même si ce n'est que rarement vrai...) que c'est lui, membre du public, qui vous aime, et que ce n'est pas votre maison de disque qui le force à vous aimer. Expliquez ceci à votre producteur, et demandez vous sans cesse : "est-ce que, par bouche à oreille, ma musique aurait du succès ? Combien vaut elle sans tout ce decorum ?".
"- et euh, justement j'ai un ami qui revient du maroc qui euh m'a dit "ouais, c'est mortel, je t'ai entendu tout le long de mon voyage, j'ai fais un super bon voyage, et euh malheureusemetn, j'ai pas vu ton albu, mais tout le monde connaissait tes chansons : tout le monde l'avait gravé et apparemment dans les souks les gens avaient fait les photocopies de ma photo (et apparemment c'était même pas moi, déjà...je pense qu'ils ont collé un truc de bob marley ... un profil à la bob marley parce que j'ai des locks et c'était marqué "gage". Ca m'a trop fait rire parce que ... et en même temps je me suis dis bon ben voila les gens au maroc me connaissent, sauf que c'est pas vraiemnt mi qui est sur l'affiche, et ça a été gravé et du coup ben ça... c'est dommage. ca me fait rire, je ris mais en même temps je trouve ça super triste par ce que les gens auront jamis la chance de me connaitre. "
- Très intéressant, même si ce site s'appelle "lestéléchargements.com" et pas "lescdpiratesvendusalasauvette.com". Mais c'est intéressant quand même : pourriez vous préciser combien d'exemplaires de votre disque avaient été mis en vente par wagram a Casa ou Fes ? Et a quel prix ? Ou si le seul moyen d'acheter légalement votre disque était de le commander à 16 euros + 4 euros de port sur Amazon France ? Vous ne nous donnez pas tous les éléments. Au moins, grâce à la vente à la sauvette, vous êtes connu à Casa; Sans ces vendeurs, vous ne le seriez sans doute pas du tout. C'est grâce au piratage que ces gens ont eu la chance de vous connaitre.
"- Grace à la musique je pense que les gens s'évadent. Moi je m'évade avec la musique, je pense que vous aussi c'est le cas (montre la caméra du doigt) alors faut pas couper ça, faut... trouver le juste milieu qui va faire en sorte qu'on va tous pouvoir euh avancer et euh améliorer le système quoi euh pouvoir réagir, car on a etre les premiers à être touchés et plus tard on va caisser. "
- Ne pensez-vous pas que les artistes encaissent tous les jours ? En devant signer des contrats qui les plument de leurs droits d'auteurs ou voisins à vie ? En devant rentabiliser des dépenses qu'ils n'ont même pas initiées ? Et surtout en n'ayant aucun autre moyen d'atteindre le public que des circuits de salle complètement bouchés par les majors, ou des radios qui ont abandonné toute velléité de passer plus de 900 titres par an (contre 1800 a 2000 il y a 10 ans...) ?
- ...
Zut, y dit plus rien.