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[P2P] Industrie musicale, la guerre est ouverte/Eric Nicolas

Quand l'esprit du libre pénètre le domaine culturel...

Ven 10 Déc, 2004 13:25

Bonjour,

une bonne étude d'Eric Nicolas sur l'impact réel du téléchargement sur les ventes de CD a été diffusée en mai 2004 et publiée sur plusieurs sites : Industrie musicale, la guerre est ouverte

La désinformation de certaines maisons de disques se contre aussi par une information précise, c'est l'un des mérites de cette étude. Elle n'est malheureusement pas sous licence autorisant sa diffusion large, donc en voici quelques (larges) extraits. Une version PDF imprimable est sur le site

A+LS.

Industrie musicale, la guerre est ouverte (Copyright © mai 2004, Eric NICOLAS)

Ces jours-ci commence la grande compagne anti-piratage du Syndicat National des Editeurs Phonographiques (1) intitulée “La musique a un prix”. C'est donc la guerre ouverte entre les éditeurs de musique et les pirates usant des systèmes d'échange de fichiers (peer-to-peer, P2P).

L'origine de la guerre

D'après les divers syndicats d'éditeurs, outre-atlantique comme en Europe, les échanges P2P sur Internet sont responsables de la plongée de leurs revenus et mettent donc en péril leur activité. Les diverses législations sont par ailleurs très claires sur le sujet : l'obtention de musique par ce biais viole le droit d'auteur et est donc interdite. La campagne anti-piratage bat d'ailleurs son plein en France comme aux Etats-Unis. Une vague d'attaques a sévi là bas il y a quelques mois (on se souvient de cette fillette de 12 ans réduite à payer 2000 dollars à une major pour ne pas aller au procès (9)). Une campagne publicitaire coup-de-poing est diffusée en ce moment même en France (1) et montre du doigt (c'est le cas de le dire !) les pirates de l'Internet.

Mais regardons un instant les chiffres en face

(...)

C'est donc de façon cohérente que l'on peut associer le chiffre d'affaire cumulé audio + vidéo stable avec des dépenses de consommation des français stable.

La conclusion de cette analyse simple est sans appel : la chute des ventes de CDs provient en grande partie d'un report des dépenses culturelles des français vers le nouveau support à la mode : le DVD. Le piratage via Internet n'a rien à voir là dedans. Cette analyse facile à mener à partir de ces chiffres disponibles pour la France est également vraie outre-atlantique, comme l'ont montré des chercheurs américains (5).

Cette étude estime de plus que les échanges de musique via Internet fonctionnent en fait auprès des internautes beaucoup plus comme une radio : elle favorise l'écoute “préalable” de musique qui peut se solder au final en achat. Ils estiment même que pour la musique la plus écoutée, pour 150 téléchargements gratuits sur Internet une vente de CD supplémentaire est générée. Ils avouent par contre que les petits artistes, moins connus, ont plus à pâtir du téléchargement.

Bref, la conclusion de ces chercheurs est claire : le téléchargement n'a qu'un impact économique très limité, très loin de ce qui est annoncé par les lobbys du disque.

Tous coupables !

A partir du moment où l'origine du mal est clairement identifiée (même si c'est à tort), et vue la démocratisation des connections Internet (y compris à haut débit) la plupart des maisons de disques ont dès lors considéré que l'ensemble de la population est a priori coupable.

Le mot d'ordre est simple : il faut tordre le coup aux échanges peer-to-peer et empêcher à tout prix la copie digitale de la musique. Trois pistes sont alors explorées :

La lutte contre la copie digitale elle même tout d'abord (la source même du piratage, la conversion du CD vers le fichier MP3). De plus en plus de disques sont mis dans les bacs avec des mesures “anti-copie” plus ou moins évoluées. Au grand dam des consommateurs honnêtes. Impossible désormais de créer des compilations pour sa voiture. Impossible de transférer le contenu de ce CD vers son baladeur MP3. Parfois même impossibilité de lire le disque sur un lecteur de CD non compatible. Et bien entendu... impossible de lire le CD sur un ordinateur.

(...)

UFC/Que Choisir a intenté une action en justice contre EMI pour tenter de faire lever ces protections pour plusieurs raisons :

* Elles rendent ces disques impropres à leur utilisation normale,
* Elles brident la possibilité de l'utilisateur d'effectuer des copies pour usage privé,
*Elles rendent ces disques non conformes à la norme “CD Audio”.

Le jugement obtenu du TGI de Nanterre reste mitigé (6). Le tribunal a bien reconnu que ces mesures anti-copies équivalent à un vice caché sur le produit. A ce titre, le consommateur peut demander l'échange ou le remboursement du produit. Afin de prévenir ces actions, les revendeurs font désormais attention à bien mentionner sur les disques la présence de ces protections (mention “non lisible sur PC”). Par contre, le tribunal a refusé de rendre ces mesures anti-copies illégales.

UFC/Que Choisir recense actuellement plus de 400 disques ainsi protégés (18).

La lutte contre les réseaux peer-to-peer ensuite. De nombreuses actions ont été tentées par les majors du disque contre les réseaux qui ont “pignon sur rue” (Kazaa, Napster...). Napster a ainsi pu être contraint de fermer son réseau (aux U.S.A). A pays différent législation différente, Kazaa par contre est resté pour le moment impuni (au Pays Bas) (8).

Le débat est classique : une société qui fournit un produit qui peut être utilisé pour pirater du contenu couvert par le droits d'auteur est elle responsable de l'usage qui en est fait par ses utilisateurs ? Un réseau peer-to-peer peut être utilisé pour diffuser de façon économique et efficace n'importe quel contenu (par exemple la société Française MandrakeSoft utilise un réseau p2p pour distribuer sa version de Linux). Est-ce la faute des fournisseurs de tels logiciels si les internautes n'échangent majoritairement que du contenu illicite ?

La lutte contre les internautes enfin. Les actions en justice ciblées contre des internautes utilisateurs des systèmes d'échanges se multiplient désormais aux Etats-Unis comme en France.

Aux Etats-Unis elle a pris la forme d'une vaste campagne d'intimidation envers des téléchargeurs zélés (9). Ceux-ci ont en effet reçu un courrier d'avocat les intimants à verser une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts pour éviter le procès. Cette manière de négocier à l'amiable avant le procès (le plaider coupable) est courante outre-atlantique et permet aux lobbys d'obtenir gain de cause grâce à leur puissants cabinets d'avocats sans même aller jusqu'au procès.

En France, cette lutte se manifeste par des interpellations suivie d'actions en justice (effectuées pour le compte du SNEP comme du SEV : audio et vidéo, même combat). Initalement ciblée sur des contrefacteurs pratiquant un traffic autour de ces contenus téléchargés (10), les attaques ciblent désormais des internautes qui téléchargent uniquement à titre privé (11).

Au final, puisque tous les utilisateurs sont des pirates en puissance, il est logique que le lobby de l'industrie du disque ait réussi à faire voter dès 1985 le prélèvement de taxes sur les médias (Taxe Brun-Buisson). A l'époque l'échange via Internet n'était pourtant pas à craindre et l'industrie du disque connaissait une croissance bien plus soutenue que le reste de l'économie... Actuellement, tout acheteur de média numérique paye cette taxe, même s'il utilise ces média pour copier des données ou du contenu dont il a acheté les droits... Les sommes ainsi récoltées sont reversées à la SACEM puis aux artistes (en ayant au passage financé un nombre incalculable de fonctionnaires administratifs...).

(...)

Le chemin de croix du consommateur

Imaginez : je suis un consommateur honnête et “dans le vent”. J'ai un lecteur de CD à la maison, un dans ma voiture, un ordinateur, un baladeur numérique. J'aime la musique électronique. Goldfrapp, jeune artiste “electronica” vient de sortir son nouvel album “Black Cherry”. Je me précipite chez mon revendeur favori et débourse 21 € pour ce CD de 43 minutes (soit pas moins de 2,10€ par chanson ou encore près de 0,50 € la minute de musique...).

Ce CD est “Copy Controlled”. Cela signifie que :

* Je ne peux pas le lire sur mon ordinateur,
* Donc je ne peux pas le transférer sur mon lecteur MP3,
* Donc je ne peux pas en faire une copie pour écouter dans ma voiture (sachant que les CDs qui trainent dans la voiture sont très largement malmenés et que je ne tiens pas à sacrifier un CD à ce prix...)

Au final, ce disque est clairement impropre à l'usage normal d'un CD. Pourtant, en restant honnête, je n'ai pas le choix. Soit j'accepte de ne pouvoir lire ce CD que dans le confort douillet de mon salon. Soit je le rends à mon revendeur et me le fait rembourser (mais alors je ne peux plus écouter cette musique...).

Grâce aux mesures de protection anti-copie, le consommateur ne peut plus à la fois être honnête et profiter normalement de ses produits culturels !!

La seule solution qui me reste pour écouter Goldfrapp comme je le souhaite est de pirater cet album sur internet ou de trouver un moyen de contourner la protection. Le téléchargement est à la limite de la légalité (ai-je le droit de télécharger une copie pirate d'un disque que j'ai par ailleurs acheté légalement ?). Le contournement est déjà illicite dans certains pays (aux Etats-Unis, la législation D.M.C.A. interdit de contourner une mesure de protection) et risque de le devenir bientôt en France (l'Europe prévoit en effet de transposer la législation D.M.C.A. sous la forme de la directive E.U.C.D. (15)).

Via ces mesures de protection et les lois interdisant de les contourner, c'est notre droit à la copie privée qui est clairement remis en cause. Si la situation semble évoluer enfin dans le bon sens aux Etats-Unis avec l'examen d'amendements au D.M.C.A. pour remettre la copie privée au premier plan (16), en France la jusrisprudence confirme au contraire que la copie privée est remise en question (UFC/Que Choisir a en effet été déboutée à plusieurs reprises dans ses demandes de faire lever les mesures anti-copie aussi bien sur les CDs que sur les DVDs (6) et (17)).
Fausse piste : la dématérialisation

La réponse des maisons de disques à ce problème est en train de débarquer en Europe après quelques expérimentations outre-atlantique : la dématérialisation de la culture. Puisqu'on ne peux plus extraire des fichiers informatiques depuis les CDs, on va simplement nous vendre directement ces fichiers (munis des protections efficaces pour nous empêcher de les rediffuser sur Internet, bien sûr).

La position du consommateur empire alors. Non seulement il doit payer pour le morceau de musique (moins cher nous promet-t-on), mais il doit également payer pour les moyens techniques de reproduction (l'ordinateur, le graveur CD) ainsi que pour le média physique (le CD-R). Ultime paradoxe, le consommateur se retrouve à payer des droits d'auteurs en double (une fois de façon forfaitaire grâce à la taxe Brun Buisson sur le CD-R, une fois dans les morceaux de musique achetés sur Internet).

(...)

On voit nettement que pour un consommateur “moyen” l'économie réalisée en achetant ses morceaux sur Internet est très rapidement compensée par le fait de devoir graver soi-même ses disques. Et tout ça pour obtenir au final un produit “sous qualifié” :

* Durée de vie moindre qu'un vrai CD,
* Qualitié audio (bien) moindre qu'un vrai CD,
* Pas de packaging (livret, jaquette, sérigraphie sur le disque),
* Perte de temps du consommateur à faire en amateur ce que l'industrie faisait professionellement pour lui.

On voit donc clairement que la dématérialisation de la musique de fait que diminuer l'intérêt du consommateur dans l'achat en lui imposant des coûts et des contraintes de plus en plus élevées.

Ce discours se place de plus dans un monde utopique où l'achat de musique en ligne est un acte qui va de soi. Or plusieurs facteurs bloquants risquent de freiner le mouvement vers ce nouveau type de commerce culturel :

* La multiplication des formats incompatibles. Le MP3 n'étant pas protégé contre la copie, chaque fournisseur de logiciel / matériel a défini son propre format protégé, tous incompatibles entre eux (Apple et son AAC, Microsoft et son WMA, Real Media, ...). Ainsi un fichier acheté sur un site de vente consruit sur la technologie Microsoft sera illisible sur un lecteur iPod. Inversement un fichier acheté sur l'iTune Music Store de Apple sera illisible sur un lecteur Creative Labs.

* La qualité n'égale pas celle d'un CD. Même si les formats de musique sur Internet on fait de gros progrès, ils n'égalent pas en qualité un véritable CD. Cela met un frein à l'adoption de la musique en ligne par les audiophiles (clientèle exigente des secteurs musique classique et jazz notamment).

* La pérénité des achats n'est plus assurée. Qui peut prétendre que les fichiers achetés sur telle ou telle plateforme seront encore lisible dans 10 ans ? La guerre actuelle entre les formats incompatibles causera forcément des “dommages collatéraux”. Certains formats disparaîtront à terme... et les logiciels capables de les lire de même. Le public est-t-il prêt à payer le prix fort pour de la culture “volatile” ? Outre l'aspect économique de ce point, il ne faut pas négliger l'aspect affectif que nous accordons aux produits culturels. La possibilité de continuer d'y accéder sur le long terme (nostalgie, constitution d'une collection...) voire de les léguer aux générations futures n'est pas négligeable. Ce n'est pas pour rien que le disque vinyle est toujours présent dans de nombreux foyers.

En attendant une nouvelle voie

Au vu de tous ces dysfonctionnements, l'industrie musicale est clairement dans une impasse. A force de considérer a priori le consommateur comme un pirate en puissance, il est désormais matériellement impossible de jouir normalement de produits musicaux achetés légalement. Les solutions proposées sous la forme d'achat de musique sur Internet ne sont pas non plus satisfaisantes, loin s'en faut.

Il y a donc fort à parier que les ventes vont continuer à baisser, voire qu'un sentiment de ras-le-bol s'installe chez les consommateurs : marre de devoir payer toujours plus pour en avoir toujours moins.

Et il est inutile ici de rentrer dans la polémique du fonctionnement des maisons de disques. D'aucuns prétendent, soutenus par de solides argumentaires, que cette manne financière ne sert même pas à aider les artistes mais uniquement à payer de gros salaires aux dirigeants des majors et à leurs actionnaires (14). Vu du consommateur moyen, à la limite, peu importe où va l'argent. Ce qui compte pour le moment c'est qu'il doit payer et payer encore pour une musique qu'il ne peut même plus écouter...

Sauf que si les majors elles-même n'arrivent pas à trouver une solution satisfaisante et respectueuse de leurs clients, il faudra bien que la relève vienne d'ailleurs, de nouvelles formes de syndications de droits d'auteurs.

Bref, la nouvelle voie culturelle reste à dessiner, mais si les majors veulent en être les acteurs, ce n'est certes pas à grand coup de procès contre quelques pirates qu'ils vont y arriver.
LS.

Messages : 3602

Sam 11 Déc, 2004 10:01

N'oubliez pas de signer le boycothon organisé par la ODEBI :
boycothon
dubdub

Messages : 870

Sam 11 Déc, 2004 13:45

Je viens de tomber sur un communiqué du PS en date du 19/10/04...
(Excusez-moi s'il était déjà sur les forums)

Plusieurs choses m'ont choquées, en particulier :
La gratuité n’existe pas

Merci de se réfléchir avant de débiter des généralités aussi largement érronées...
Pour un parti qui parle de solidarité, c'est une phrase très jolie je trouve... ils n'ont probablement jamais entendus parler de bénévolat...
Et même s'ils se cantonnaient à la sphère de la création artistique, on évite de faire des communiqués sur quelque chose qu'on ne connait pas, de plus en plus d'artistes autorisent une utilisation non commerciale de leurs oeuvres, en particulier avec les licences Creative Commons, mais déjà auparavant en proposant des extraits de chanson, des dessins, des photos, des textes librement téléchargeables...
Bravo les gars, vous vous proposez de gouverner, et vous nous faites bonne impression auparavant...

il est essentiel de vérifier que les intermédiaires techniques ne donnent pas accès à des sites de téléchargement gratuit, donc illégal


de mieux en mieux... maintenant, tout ce qui est gratuit est illégal.
Je propose qu'on engage des poursuites judiciaires contre les artistes qui ne se font pas assez rétribuer.

Qu'on soit pour ou contre les modèles économiques "libres", c'est une chose, mais par pitié, renseignez-vous avant de débiter d'aussi belles âneries...
Nico

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