Nous sommes le Ven 19 Avr, 2024 18:24
Supprimer les cookies

Pour un web PUR (Hadopi)

Tout ce qui est un peu hors-sujet mais qui peut se partager...

Jeu 09 Juin, 2011 10:18

Bonjour,

(j'ai envoyé ce message sur la liste de diffusion de l'asso, mais il est vrai qu'il a mieux sa place sur le forum, même si cela vole un peu au ras des pâquerettes, faute de temps surtout pour approfondir).


Lorsqu'on est en panne de contre argument, une technique fort discutable dans les échanges d'idées, consiste à déplacer les concepts de l'interlocuteur au niveau moral pour montrer combien ils peuvent être condamnables par la société et ce, même si la discussion ne porte en aucun cas sur la morale. Le raccourcis le plus rapide est de faire référence à la Seconde Guerre mondiale et en particulier au nazisme, dont les idées sont a priori condamnables en vertu d'un consensus commun, au moins dans les sociétés démocratiques. Ceci a été formalisé, à propos de la durée des échanges sur Internet, par Mike Godwin :)
Tout le monde ici est au courant de cela et pourtant, je vais franchir le pas tout de suite : la campagne PUR (Promouvoir les Usages Responsables) de la HADOPI, une campagne de communication à 3 millions d'Euros, mérite un commentaire à la Godwin.

Les 3 vidéos de la campagne :

http://www.dailymotion.com/embed/video/xj53ra
http://www.dailymotion.com/embed/video/xj53sa
http://www.dailymotion.com/embed/video/xj53sz


Le rôle de la Hadopi est ici clairement décrit comme une épuration des pratiques allant à l'encontre des droits d'auteurs, et, partant, une épuration du web consistant à exclure au mieux les "usagers" dont les pratiques (les moeurs?) ne conviennent pas à cette autorité dépositaire manifestement de l'éthique à respecter dans nos pratiques de l'Internet. Plusieurs éléments sont présents dans cette campagne.

1. La responsabilité face aux générations futures. Dans chacun des spots, le scénario concerne des enfants ayant une prédilection pour la chanson ou la réalisation cinématographique. Il s'agit de démontrer que si on ne respecte pas le droit d'auteur aujourd'hui, on prive l'industrie du disque et du cinéma des ressources suffisantes pour aider ces jeunes à réaliser leurs projets et, par conséquent se réaliser eux-mêmes. Il s'agit d'une lecture basique du principe responsabilité de Hans Jonas appliqué à l'industrie, chose paradoxale s'il en est puisque c'est bien contre l'industrie (et en pleine Guerre froide) que Jonas plaidait pour une "bon usage" des ressources naturelles (entre autre). Mais là où la campagne de la Hadopi marque le point, c'est qu'elle déplace l'ensemble des griefs qui lui étaient fait sur son fonctionnement et sa légitimité en transcendant son rôle vers l'éthique. Or, ce qui berce le web depuis longtemps c'est bien un ensemble de principes éthiques : la neutralité du web, les principes d'échanges, de partage et d'entraide, etc. Là où certains justifient le piratage en jugeant que l'industrie du disque n'est pas éthique (injuste envers les auteurs, injuste envers les consommateurs), la HADOPI réhabilite les deux d'un coup : l'industrie devient la seule garantie possible pour un futur où les jeunes pourront réaliser leurs projets artistiques, et la Hadopi en gardienne de ce futur, promouvant la responsabilité collective pour le bien des individus (comme Jonas).

2. Là où je franchis la limite du point Godwin, c'est dans mon appréhension du slogan choisi et un mot en particulier, comme chuchoté à la dernière seconde des spots mais bien visible sur le logo : PUR.
C'est un procès d'intention. Mais les mots choisis pour former ce vrai-faux acronyme sont les suivants : "Promouvoir les Usages Responsables". Outre le fait que ce slogan fleure bon la novlangue ("usages responsables", "web citoyen", etc), il est presque obligatoire de constater que PUR a été formé à l'envers, c'est à dire en partant de l'acronyme lui-même. D'une part parce que la HADOPI ne promeut rien, vu qu'il s'agit d'une autorité administrative visant à sanctionner les délits commis à l'encontre du droit d'auteur : si la HADOPI devait promouvoir quelque chose, il s'agirait selon moi des solutions alternatives au droit d'auteur, vu les difficultés rencontrées quant à l'efficacité de la HADOPI et son coût financier.
D'autre part, le mot "usage" est particulier : il sous-entend que l'Internet est d'abord une affaire d'usage, un usage que l'on fait d'un outil mis à la disposition des internautes... qui pourtant contribuent quasiment tous à sa construction, tant en contenus que du point de vue technique. Il est néanmoins important de considérer les internautes comme des "usagers", car là encore c'est la novlangue pour dire "utilisateurs" : le mot "usage" aurait très bien pu être remplacé par "utilisation" dans l'acronyme PUR. Or utiliser un outil c'est se l'approprier, pas seulement sa fonction, mais aussi sa conception (le degré utilitaire de l'objet en fonction d'un projet à soi, de la mission qu'on lui donne), et même éventuellement le détourner de la première destination choisie par le concepteur pour en trouver une autre, bref être créatif.
Un usage est d'abord une manière d'agir et fait appel à un ensemble de normes : ainsi on "use" d'une langue, un groupe se reconnait à des pratiques communes, etc. On reste donc dans le cadre éthique (ethos = comportement) ou plutôt moraliste : si vous désirez "user" de l'Internet, il faut vous conformer à des règles et des codes. Ce n'est pas nouveau dirons nous : des règles et des codes tacites ou formalisés sont présents sur Internet, dans toutes sortes de communautés et en particulier dans le logiciel libre. Par aillerus la loi est là pour nous rappeller que sur le web comme ailleurs, les crimes et les délits sont tout autant qualifiables. La Hadopi reconnait donc implicitement l'existence de codes et de règles induits par des pratiques sur Internet, mais s'en fait le dépositaire exclusif concernant la création artistique : il faut une autorité de référence pour garantir la responsabilité face aux générations futures. il ne s'agit plus de la loi ou d'un ajustement des comportements dont les références seraint un ensemble de principes éthiques reconnus par tous. Il s'agit de montrer qu'un principe éthique (la responsabilité) ne renvoie pas à l'humain mais d'abord à l'industrie et aux principes économiques qui sont censés régir notre vie.
Une remarque en passant : dans l'histoire des hommes le fait qu'une oeuvre est censée être rétribuée financièrement n'a jamais été une condition de l'art. La Hadopi restreint volontairement la démarche artistique à l'industrie musicale et cinématographique. Ceux qui en doutaient jusque là n'ont qu'à regarder ces clips. Les artistes qui produisent des oeuvres pouvant figurer dans un format numérique mais qui n'entrent pas dans les cases de l'industrie existante n'ont qu'à aller se rhabiller.

Tout cela bien considéré, quel sens devrait donc avoir le mot "PUR"? Implicitement, il fait appel à de bien mauvais souvenirs où, sous couvert d'une autorité morale (ce que devient manifestement la HADOPI), la pureté s'est imposée comme slogan. A peu près toutes les dictatures ou dogmes extrémistes brandissent la pureté (de la morale, de la foi, de la race, d'un esprit extraterrestre, que sais-je) pour justifier, en dernier retranchement, toute action a priori discutable. C'est l'argument d'autorité, qui avec la Hadopi, se double de principes moraux parfaitement acceptable (en dehors de ce contexte). Bien entendu, on ne résiste pas à la tentation de rapprocher ce concept de pureté avec l'aspect politique d'une période pré-électorale où le pouvoir en place se rapproche dangereusement des idées de l'extrême droite.

Si nous nou splaçons du côté des valeurs morales, je me demande si, en poussant la logique du droit d'auteur jusqu'au bout, les défenseurs des licences libres ne devraient-ils pas être considérés comme les Cathares du Web aux yeux de la HADOPI ? Ne devrait-on pas demander à ce que la Hadopi accepte enfin d'apposer un logo "Pureté certifiée" sur les sites comme Dogmazic et Jamendo ?

Cette pureté me donne la nausée. Pour finir avec une note scatologique, à l'heure de l'E. Coli dans nos légumes "impurs", il n'est guerre étonnant que le brun revienne à la mode.

J'avais envie de râler :) j'ai trouvé un exutoire. Ca va un peu mieux :)
Totophe

Avatar de l’utilisateur
Messages : 250

Jeu 09 Juin, 2011 13:59

Personnellement, ce que je trouve scandaleux c'est qu'en 2022 l'industrie du disque (ça existera encore les disques ?) puisse encore vouloir produire de telles m... horreurs :D

Franchement, autant je suis assez d'accord sur ton analyse sémantique autant avec des pubs pareilles je pense qu'on a aucun souci à se faire...
Qui pourrait avoir envie d'encourager la création d'une série avec un scénario aussi débile (bon ok, celles qu'il y a maintenant ne sont pas beaucoup mieux m'enfin...) et d'un film dont la bande annonce ressemble à celle de la "Cité de la peur"...

Bref, tout ça pour dire qu'à mon avis l'Hadopi se ridiculise un peu plus (difficile de faire plus mais ils sont drôlement créatifs quand même :) )...

En fait, rien qu'en suivant les "codes" du marketing leur campagne est contre productive. On a juste envie que Nathan Molina (Luc Besson 2.0 ?) galère un peu avant de réaliser des films mal finis.
Je crois qu'ils ne réalisent pas que la pub traditionnelle n'a plus le même effet sur les gens (surtout sur les internautes) et qu'il faut être beaucoup plus subtil que ça aujourd'hui pour manipuler les foules.
JosephK

Avatar de l’utilisateur
Messages : 2221

Jeu 09 Juin, 2011 16:12

Mais pourquoi est-ce qu'HADOPI n'existait pas quand les réalisateurs de ces publicités n'étaient que des petits enfants ?

POURQUOI ???

Image
Attentyon, ponaytte maychante !
Téthis

Avatar de l’utilisateur
Messages : 3895
Géo : De passage chez les cathares

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit